J’ignore les limites
Et ébauche un geste vers l’infini
Sur cette grève démesurée
D’un mouvement des bras
Je paralyse tout un paysage
De bocage touffu
Avec ses haies
Ses chemins creux
Pour embuscades
J’accapare toute la lumière
Qui tombe sur la lande
La branche de l’arbre
Qui me protège
Soutient le ciel
Mon sang est plus vif que la sève
Mon rêve plus vrai que la vie
Mais c’est toujours le même décor
Pour la même tragédie.
On soutient
qu’il faut des années
pour épuiser la substance
d’une seule heure de la vie
cependant deux ignorants
se battent au couteau
au bord du précipice
en un coin du monde
à l’orée
d’une lande grise.
Je te prendrai dans l’émotion des landes
muettement tu embrasseras ma terre
Je te prendrai dans la clarté des fontaines
avidement je te boirai
Tu portes mes amours mauves
dans la source des prunelles
écoute
les ajoncs et les plantes
vont chanter pour nous deux
la nuit fertile, la plage fraternelle
Nous referons cette Cornouaille mortelle
secrètement
dans le lit des hautes herbes
je te prendrai dans la grange verte
et ton corps aux semences mélangé
concevra tout un pays de fougères
et de genêts.
Ma belle amie sur la grève allongée
comme moi désire la mer
laisse-toi chavirer sous le vent des navires
Le vent et l’orage cinglant autour de moi,
je monte là-haut sur la montagne et la lande.
Qui veut me rejoindre ? Qui veut gravir les cimes avec moi ?
Traverser les torrents, tailler son chemin dans la neige ?
Ce n’est pas dans le cercle étriqué des cités
que j’habite, à l’étroit entre vos portes et vos murs ;
au-dessus de moi Dieu est bleu dans le ciel,
contre moi le vent et la tourmente se rebellent.
Ici dans mes domaines je joue avec la solitude,
de l’infortune je me suis fait une amie.
Qui veut vivre vaste ? Qui veut vivre libre ?
Qu’il grimpe ici sur les sommets battus par les vents.
Je suis le seigneur de la tempête et de la montagne,
je suis l’Esprit de liberté et de fierté.
Fort doit-il être et allié du danger,
qui partage mon royaume et marche à mes côtés
(Sri Aurobindo)
Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust
Ma douleur est fière et muette
et mieux que par les hommes
elle est comprise par les pins sur la lande
et les buissons de genévriers derrière les rochers.
De ma bourse un peu pauvrette
Où l’ennui m’a fait fouillé
Je me suis permis l’emplette
D’un biniou de cornouiller
Sur notre lande bretonne
Oh ! les jolis airs qu’il sonne
Oh ! comme il endort aux coeurs
La fatigue et les douleurs
Refrain:
Les douleurs sont des folles
Et qui les écoute est encore plus fou
A nous deux toi qui consoles
Biniou, mon biniou, mon cher biniou !
Près de moi tout lui fait la fête
C’est l’oiseau qu’il réjouit
C’est l’écho qui le répète
C’est la brise qui le suit.
Quelle est donc cette magie
Qui nous jette en pleine vie
Le sourire au sein des pleurs
La gaieté sur les douleurs ?…
Mais la somme qu’il me coûte
Sera lente à revenir
Et bien des rigueurs sans doute
M’ne laisseront souvenir:
Ma sacoche un peu moins lourde
Moins de cidre dans ma gourde
Puis… qui sait ? jours de malheurs !
La faim même et ses douleurs !…