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Posts Tagged ‘laper’

VERS GNOMIQUES (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2022




    
VERS GNOMIQUES

Je t’ai vu grandir comme un arbre,
Inénarrable éternité;
Je t’ai vu durcir comme un marbre,
Indicible réalité.

Prodige dont le nom m’échappe,
Granit trop dur pour le ciseau,
Bonheur partagé par l’oiseau
Et par l’eau que le chien lappe.

Secrets qu’il faut savoir et taire!
Tout ce qui dure est passager;
Je sens sous moi tourner la terre;
Le ciel plein d’astres m’est léger.

Vous souriez, morts bien couchés;
Tout ce qui passe pourtant dure;
Les brins minces de la verdure
Sont faits du grain noir des rochers.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Baluchon d’exil (Souad Labbize)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2021




    
Baluchon d’exil (Extrait)

Le troisième jour
pour remplir ma gourde
j’ai percé les ampoules
de mes pieds
lapé l’encre
du passeport
mâché le papier officiel
les initiales de mon nom
se sont imprimées sur mes lèvres

le septième jour
j’ai chaussé mon euphorie
survolé la dernière dune
vers la rive nord du mirage

le quarantième jour
je me suis présentée
à la cérémonie des diplômes
le désert m’a remis
une attestation honorifique

je me suis assise
sur un amoncellement d’os
j’ai attendu le passeur

(Souad Labbize)

 

Recueil: Voix Vives de méditerranée en méditerranée Anthologie Sète 2019
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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VILLONAUDE POUR CE NOËL (Ezra Pound)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2020




VILLONAUDE POUR CE NOËL

Sur le Noël morte saison
(Hommage des bergers si précieux !)
Quand les loups gris qui vont errants
Se vivent de vents froids et laiteux,
Lapent la neige, leur guerredon,
Sur le Noël coeur reprenons,
(Buvons! jusqu’à la lie buvons!)
Mais où sont les fantômes d’antan?

À quels fantômes ai-je rêvé?
(Equipage fleurant bon des mages?)
Fantômes d’amours mortes, errants
Qui font trembler les vents poisants :
Craignent qu’amour au soleil foison
Revienne et tue les chères images,
(Alors je bois à ma façon!)
Mais où sont les fantômes d’antan?

Où sont mon coeur les joies conquises
(Saturne et Mars vers Jupiter!)

Où sont les lèvres sur miennes mises
Où sont regards jolis et clairs
Qui disent amants donnez le prix?
Je bois aux yeux, opales grises
(De qui sont-elles le parangon?)
Mais où sont les fantômes d’antan?

Prince, ne dites rien de mes faits,
De la joie qu’en Dieu trouverai,
Dites-moi où sont partis les vents,
Mais où sont les fantômes d’antan?

(Ezra Pound)

Illustration

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Dimanche matin (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2019




    
Dimanche matin

La neige au-dessus des mimosas, les paquets de
journaux près des flaques, la fontaine dans les bois où le
receveur des contributions nettoie sa voiture.

En bas les bâches bleues et rouges tendues sur les piles
de sacs de ciment et les taches de rouille ou de minium sur
les coques des cargos qui viennent de Limassol ou d’Odessa.

Plus loin quelques fleurs mauves dans les rochers
blancs, les nudistes parcourent le sentier des douaniers,
baisers dans les coins, chiens qui flairent, la mer lape les
galets et les retourne comme des pièces fausses.

Au large les yachts frétillent après une semaine de
somnolence, les mouettes virent à l’assaut, claquent un
peu et plongent vers les épluchures que les cuisiniers
laissent tomber dans leur sillage.

Puis l’heure sonne à travers le frisson des branches
et le tintement des câbles métalliques dans l’accalmie de
la circulation.

Soudain le nid du phénix s’enflamme dans les collines et les mots éperdus, comme lâchés après des mois
de claustration, se cherchent dans ma tête au galop.

Alors je ramasse au bord du chemin les fragments
d’un vieux prospectus vantant les mérites d’une voyante, et
m’appuie sur le dossier d’un banc pour écrire ceci au verso.

(Michel Butor)

 

Recueil: Collation précédé de HORS-D’OEUVRE scandés par les SOUVENIRS ILLUSOIRES D’UN JAPON TRES ANCIENS
Traduction:
Editions: Seghers

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Du gouffre de mon coeur (Franck André Jamme)

Posted by arbrealettres sur 26 mai 2018



Illustration
    
Du gouffre de mon coeur, ils ne lapent que des gorgées.
Quand ils n’y trempent pas seulement leurs lèvres.

Je veux encore tout donner, et toujours, jamais je ne changerai.
Mais ils n’acceptent de moi que des bribes, que des copeaux.

Jamais ils n’ont vraiment compris.
Il n’y a pas que ma générosité, ma folle générosité.
Il y a aussi, en retour, l’attente sans fin de leur joie.

Ils refusent la vie. C’est leur toute première erreur.
Alors la vie les refuse à son tour.

Car elle ne va vraiment qu’à ceux qui ont le coeur
assez vaste et assez limpide
pour l’étreindre totalement.

On dirait que leur rêve est de se préserver,
de ne plus aimer, de ne plus souffrir,
de voir venir chaque fois comme un baume
le gris de ces petites lumières sans feu, qui éclairent mal
et que l’on accepte pourtant l’une après l’autre :
c’est un jeu d’enfant très commun, très facile.

(Franck André Jamme)

Recueil: La récitation de l’oubli
Traduction:
Editions: Flammarion

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La chance bue comme l’eau (Aya Cheddadi)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2018




    
La chance bue comme
l’eau dans une tasse trop simple
pour que cela soit connu

Le bonheur comme un chat
ronronnant à l’orée de la conscience
soudain parti
quand on s’aperçoit de ses caresses

La chance et le bonheur
bruit doux du chat
lapant l’eau

(Aya Cheddadi)

 

Recueil: Tunis marine
Traduction:
Editions: Gallimard

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Femme et oiseau (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2016



 

Femme et oiseau

Le chat rêve et ronronne dans la lutherie brune.
Il scrute le fond de l’ébène et de biais lape à distance le tout vif acajou.
C’est l’heure où le sphinx de la garance détend par milliers sa trompe autour de la fontaine de Vaucluse
et où partout la femme n’est plus qu’un calice débordant de voyelles
en liaison avec le magnolia inimitable de la nuit

(André Breton)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha

Illustration

 

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ZONE LIMITROPHE (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 19 mai 2016



ZONE LIMITROPHE

Des hommes en combinaison couleur de terre surgissent d’un fossé.
C’est une zone de passage, un point mort, ni ville ni campagne.
Les grues des chantiers à l’horizon veulent faire le grand bond mais les horloges ne suivent pas.
Des tuyaux de ciment éparpillés lapent la lumière de leurs langues sèches.
Des ateliers de carrosserie installés dans d’anciennes étables.
Les pierres jettent une ombre tranchante comme des objets à la surface de la lune.
Et ces endroits ne cessent de s’étendre.
Comme ce qu’on acheta avec l’argent de Judas :
«Le champ du potier comme sépulture des étrangers.»

(Tomas Tranströmer)

Illustration

 

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DANS LA FORÊT (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2016



DANS LA FORÊT

Cet endroit qu’on appelle les marais de Jacob :
comme la cave d’une journée d’été
où la lumière surit en un breuvage
au goût de grand âge et de coupe-gorge.

Les géants affaiblis sont si enchevêtrés
que rien ne parvient à tomber.
Le bouleau brisé pourrit là,
au garde-à-vous, comme un dogme.

Je remonte du fond de la forêt.
La lumière renaît entre les troncs.
La pluie s’abat sur mes toitures.
Je suis la gouttière des impressions.

L’air s’adoucit à l’orée du bois. –
De grands sapins, détournés et obscurs,
dont le mufle s’est enfoui dans l’humus de la terre,
lapent l’ombre de la pluie.

(Tomas Tranströmer)

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