Souvent a l’école, on se moque de nous
Les enfants rigolent, ce sont des jaloux
Ma princesse a osé, quelle bien jolie scène
Elle a déposé sa main dans la mienne
Nous faisons le mur, ce n’est pas de tout repos
Je suis sans armure, elle est sans château
Souvent dans la rue, on nous montre du doigt
Les gens sont bourrus, mais les gens sont comme ça
Tout ça parce que tous les deux, nous oublions d’être sages
On est amoureux, et nous enjambons les nuages!
Nous avons fugué entre deux paragraphes
Nous avons largué les leçons d’orthographe
Tout par dessus bord, les dictées, les problèmes
On est tombé d’accord, pour se dire je t’aime.
Ici les oiseaux sont dans la confidence
Quand on est en haut, plus rien n’a d’importance
Au premier baiser, plus rien ne bouge
J’ai senti passer, mes joues de roses à rouges
Selon les vents, si ça nous sonne
Quand nous serons de grandes personnes
Nous redescendrons sur Terre
Et quand les archers auront des ailes
Le cœur de tout les écoliers
Nous viendrons vous chanter ces vers
Levez bien la tête! Ouvrez grand les yeux!
Vous verrez peut être les enfants amoureux.
Fleurter sur les stratus, quelle sensation étrange.
Flâner sur les nimbus, deux apprentis-anges.
Nous oublions d’être sages, et nous enjambons les nuages.
Nous oublions d’être sages, et nous enjambons les nuages!
Heureux qui par un frais automne
largue son âme comme pomme au vent
et contemple le soc du soleil
fendre l’eau bleue de la rivière.
Heureux qui extraie de sa chair
l’incandescent clou des poèmes,
et revêt le blanc vêtement de fête
en attendant que l’hôte frappe.
Apprends, mon âme, apprends à garder
au fond des yeux la fleur de merisier ;
avares sont les sens à s’échauffer
quand du flanc coule un filet d’eau.
Les étoiles carillonnent en silence
Telle la bougie à l’aube, telle la feuille blanche.
Nul n’entrera dans la chambre haute,
je n’ouvrirai la porte à personne.
(Sergueï Essénine)
***
Recueil: Journal d’un poète
Traduction: Christiane Pighetti
Editions: De la Différence
Je suis sans peur. Je largue les amarres
de la détresse. À vous de m’enlever.
Je suis fin prêt, j’ai défait mes bagages
car où je vais, la nudité s’impose.
Pour voyager sans les soucis du jour,
il n’est que Mort, et c’est ma voyageuse
et mon Virgile. Aux cercles des Enfers,
je serai Dante, un Dante analphabète.
J’ai mis du temps à comprendre que l’être
n’existe pas, que je ne fus jamais,
qu’on crut me voir, que je le crus moi-même
en n’étant pas — sinon dans quelques lignes.
(Robert Sabatier)
Recueil: Oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Albin Michel
Larguez les amarres
On est embarqués
Je suis à la barre
C’est pour naviguer
Le temps nous prépare
De quoi bourlinguer
Pour changer de quai
Larguez les amarres
Carguez les voilures
Virons à tribord
Le vent est d’allure
À virée du nord
À deux encablures
La lune s’endort
Pour changer de port
Carguez les voilures
Accostés la veille
Repartis demain
Avec des merveilles
Au creux de nos mains
Ton œil appareille
Vers mes lendemains
Au gré des chemins
Accostés la veille
Si j’ai la tempête
J’aurai vos soleils
Si j’y perds la tête
J’aurai vos conseils
Si quelque mouette
Hante vos sommeils
Restez en éveil
Et soyez poète
Le temps d’une rose
Vous fasse la cour
Qu’un oiseau se pose
Dans vos alentours
Acceptez que j’ose
Vous dire l’amour
Et comme il est court
Le temps d’une rose
J’inscris cette escale
Au journal de bord
Avec dans mes cales
La vie et la mort
À même fringale
De l’âme et du corps
Je veille et je dors
Selon vos escales
J’ai mal à me dire
Qu’il est quelque part
Des voiles qui virent
Mon dernier départ
Tel est mon navire
Toujours en retard
Lancé par hasard
Mais c’est mon navire
Larguez les amarres
On est embarqués
Je suis à la barre
C’est pour naviguer
Le temps nous prépare
De quoi bourlinguer
Pour changer de quai
Larguez les amarres