Tandis qu’Anna se met à la machine à coudre
Voyez sa sœur Annie qui se met de la poudre.
Tandis qu´Anna toujours nettoie le linge sale
En ascenseur sa sœur Annie s´en va au bal.
Annie
Vous êtes bien plus jolie qu´Anna.
Anna
Je vous aime beaucoup plus qu´Annie.
Annie
Vous avez des yeux bleus qu´Anna n´a.
Anna
Je préfère vos jolis yeux gris.
L´amour est entré dans mon cœur depuis
Le jour béni
Où je vous vis.
Annie
Vous avez séduit un maharajah.
Anna
Eh bien vous n´avez séduit que moi.
Tandis qu´Anna dans sa maison fait la lessive
Dans les salons, sa sœur Annie fait la lascive.
Le maharajah met des bijoux sur sa poitrine
Cette poitrine m´a tout l´air d´une vitrine
Tous vos amis font du cinéma.
Anna
Je suis vraiment votre seul ami.
Annie
Cet hindou vous dit toujours « Ça va »
Anna
Il ne faut pas envier sa vie.
Rajah, je préfère aux trésors d´un jour
Un bel amour
Qui dure toujours.
Annie
Vous sortez en robe d´apparat.
Anna
Vous restez toujours seule à Paris.
Un jour la pauvre Annie vient frapper à ma porte.
Elle a des yeux qui font des plis, l´air d´une morte.
Le maharajah vient de partir pour Singapour
En emportant ses bijoux faux comme son amour.
Annie
Vous vous êtes jetée dans mes bras.
Anna
Tous trois nous avons pleuré sans bruit.
Annie
Vous êtes restée trois jours dans le coma.
Anna
Hier vous avez épousé le commis
Et moi qui ne suis pas un maharajah.
Mais un ami
Je suis parti
Parti
Je suis parti pour Bratislava
Là-bas.
Je vais essayer de refaire ma vie
En oubliant Anna-Annie.
Il me reste des névralgies d’une jeune belle
pareilles à de pauvres nostalgies de djebell’s
où de lents soleils mauves
rouillent et cuivrent, face et pile,
ses jambes déjà fauves.
Je tiens des névralgies de mous ciels versatiles
déversant sur sa peau moite d’inutiles averses,
que de lents remous bleus d’ étoiles traversent.. .
Là où des plages repues vacillent
sous des formes lascives
qu’essorent
des nuages aux loques phosphores.
Je tiens des symphonies de son long corps indolent
somnolant,
parfumé d’herbes et d’odeurs
plaquées sous maille et sueur,
quand la traverse feule
roulant branches et feuilles
que foulent
d’atones fumées saoules…
J’ai des nostalgies d’une longue belle
telles des frénésies de décibels.
La plaine suffoque de vapeurs saugrenues,
la vague vient faire grève
sur son corps presque nu.
Mannequin idéal, tête-de-turc du leurre,
Eternel Féminin ! … repasse tes fichus ;
Et viens sur mes genoux, quand je marquerai l’heure,
Me montrer comme on fait chez vous, anges déchus.
Sois pire, et fais pour nous la joie à la malheure,
Piaffe d’un pied léger dans les sentiers ardus.
Damne-toi, pure idole ! et ris ! et chante ! et pleure,
Amante ! Et meurs d’amour !… à nos moments perdus.
Fille de marbre ! en rut ! sois folâtre !… et pensive.
Maîtresse, chair de moi ! fais-toi vierge et lascive…
Féroce, sainte, et bête, en me cherchant un coeur…
Sois femelle de l’homme, et sers de Muse, ô femme,
Quand le poète brame en Ame, en Lame, en Flamme !
Puis – quand il ronflera – viens baiser ton vainqueur !
Sous les amandiers, au pied noir des treilles,
Au coeur des corbeilles,
Au sein des massifs, au long des allées,
Sont tombées fanées,
De toutes senteurs, de toutes couleurs,
Des fleurs et des fleurs.
Elles ont péri, les fleurs lascives,
D’amours excessives
Avec le soleil en rut sur leur coeur
Lubrifié d’odeurs.
Il en est tombé, il en est tombé
Sur la terre dure,
Pendant tout l’été,
Séchées de baisers, mûres de luxure ;
Acres chairs d’oeillets, sexes noirs d’iris,
Et même des lys,
Et surtout des lys.
Et de ce charnier par l’eau fécondé,
Et de ce charnier,
A peine frôlé par des rayons blêmes,
Marqué d’anathème,
Voici naître le pathétique chrysanthème
Encore aujourd’hui
Il me souvient
De sa façon de feindre,
En secret, le sommeil,
A peine m’avait-elle aperçu à sa porte –
Lorsque je le touchais doucement,
Son corps mince frissonnait
Et ses joues s’épanouissaient.
Encore aujourd’hui
Il me souvient
Comme l’aurore rougissait le ciel,
De ma bien-aimée,
Le visage incliné,
En proie à la peine –
Lorsque je lui dis adieu,
Elle ne répondit pas,
Mais, me dévisageant avec intensité,
Elle soupira profondément.
Encore aujourd’hui
Il me souvient d’elle,
Timide à notre première rencontre –
Lorsque, avec douceur, j’avançai la main vers le vêtement
Drapant ses hanches,
D’une fleur de lotus fixée à son oreille,
Elle s’efforça d’étouffer la scintillante clarté
De la flamme vacillante.
Encore aujourd’hui
Il me souvient
Dans le temple de l’Amour
De mon étendard victorieux –
Etendue sur la couche de nos plaisirs,
Noyant mes lèvres dans sa bouche,
Enlaçant étroitement mon corps
De ses membres exténués d’amour.
Encore aujourd’hui
Mon coeur se souvient
De ses façons ensorcelantes,
Des tendres mots d’amour,
Des regards de côté,
De sa démarche ondoyante et lascive,
De ses lumineux sourires.
Ils parlent de la mort comme tu parles d’un fruit
Ils regardent la mer comme tu regardes un puits
Les femmes sont lascives au soleil redouté
Et s’il n’y a pas d’hiver, cela n’est pas l’été
La pluie est traversière, elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise, le temps s’immobilise
Aux Marquises
Du soir, montent des feux et des points de silence
Qui vont s’élargissant, et la lune s’avance
Et la mer se déchire, infiniment brisée
Par des rochers qui prirent des prénoms affolés
Et puis, plus loin, des chiens, des chants de repentance
Et quelques pas de deux et quelques pas de danse
Et la nuit est soumise et l’alizé se brise
Aux Marquises
Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard
Le cœur est voyageur, l’avenir est au hasard
Et passent des cocotiers qui écrivent des chants d’amour
Que les sœurs d’alentour ignorent d’ignorer
Les pirogues s’en vont, les pirogues s’en viennent
Et mes souvenirs deviennent ce que les vieux en font
Veux-tu que je te dise : gémir n’est pas de mise
Aux Marquises