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Le Rêve du Jaguar (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2022



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Le Rêve du Jaguar

Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s’enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
C’est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l’écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu’il bossue;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d’une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l’herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
II s’affaisse, allongé sur quelque roche plate;
D’un large coup de langue il se lustre la patte;
Il cligne ses yeux d’or hébétés de sommeil;
Et, dans l’illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rave qu’au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d’un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.

(Leconte de Lisle)

 

 

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Chant Alterné (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2021



Chant Alterné

I
Éros aux traits aigus, d’une atteinte assurée,
Dés le berceau récent m’a blessée en ses jeux;
Et depuis, le désir, cette flèche dorée,
Étincelle et frémit dans mon coeur orageux.

II
Les roses de Sâron, le muguet des collines,
N’ont jamais de mon front couronné la pâleur;
Mais j’ai la tige d’or et les odeurs divines
Et le mystique éclat de l’éternelle Fleur.

I
Plus belle qu’Artémis aux forêts d’Ortygie,
Rejetant le cothurne en dansant dénoué,
Sur les monts florissants de la sainte Phrygie
J’ai bu les vins sacrés en chantant Évohé !

II
Un esprit lumineux m’a saluée en reine.
Pâle comme le lys â l’abri du soleil,
Je parfume les coeurs; et la vierge sereine
Se voile de mon ombre à l’heure du sommeil.

Dans l’Attique sacrée aux sonores rivages,
Aux bords Ioniens où rit la volupté,
J’ai vu s’épanouir sur mes traces volages
Ta fleur étincelante et féconde, ô Beauté!

II
Les sages hésitaient ; l’âme fermait son aile ;
L’homme disait au ciel un triste et morne adieu :
rai fait germer en lui l’Espérance éternelle,
Et j’ai guidé la terre au-devant de son Dieu !

I
O coupe aux flots de miel oit s’abreuvait la terre,
Volupté ! Monde heureux plein de chants immortels !
Ta fille bien aimée, errante et solitaire,
Voit l’herbe de l’oubli croître sur ses autels.

II
Amour, amour sans tache, impérissable flamme !
L’homme a fermé son coeur, le monde est orphelin.
Ne renaitras-tu pas dans la nuit de son âme,
Aurore du seul jour qui n’ait pas de déclin?

(Leconte de Lisle)

 

 

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Le sommeil du condor (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2021



 

Le sommeil du condor

Par-delà l’escalier des roides Cordillères,
Par-delà les brouillards hantés des aigles noirs,
Plus haut que les sommets creusés en entonnoirs
Où bout le flux sanglant des laves familières,
L’envergure pendante et rouge par endroits,
Le vaste Oiseau, tout plein d’une morne indolence,
Regarde l’Amérique et l’espace en silence,
Et le sombre soleil qui meurt dans ses yeux froids.

La nuit roule de l’est, où les pampas sauvages
Sous les monts étagés s’élargissent sans fin ;
Elle endort le Chili, les villes, les rivages,
Et la mer Pacifique, et l’horizon divin ;
Du continent muet elle s’est emparée :
Des sables aux coteaux, des gorges aux versants,
De cime en cime, elle enfle, en tourbillons croissants,
Le lourd débordement de sa haute marée.

Lui, comme un spectre, seul, au front du pic altier,
Baigné d’une lueur qui saigne sur la neige,
Il attend cette mer sinistre qui l’assiège :
Elle arrive, déferle, et le couvre en entier
Dans l’abîme sans fond la Croix australe allume
Sur les côtes du ciel son phare constellé.
Il râle de plaisir, il agite sa plume,
Il érige son cou musculeux et pelé,

Il s’enlève en fouettant l’âpre neige des Andes,
Dans un cri rauque il monte où n’atteint pas le vent,
Et, loin du globe noir, loin de l’astre vivant,
Il dort dans l’air glacé, les ailes toutes grandes.

(Leconte de Lisle)

 

 

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LA TIGE D’OEILLET (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2020



Viktor Karlovich Shtemberg standing-nude [800x600]

LA TIGE D’OEILLET

Éros m’a frappé d’une tige molle
D’oeillets odorants récemment cueillis.
Il fuit à travers les sombres taillis,
A travers les prés il m’entraîne et vole.
Sans une onde vive où me ranimer,
Je le suis, je cours dés l’aube vermeille;
Mes yeux sont déjà près de se fermer,
Je meurs; mais le Dieu me dit à l’oreille:
Oh! le faible coeur qui ne peut aimer!

(Leconte de Lisle)

Illustration: Viktor Karlovich Shtemberg 

 

 

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Il était en principe, unique et virtuel (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2020



Mâyâ e

Il était en principe, unique et virtuel,
Sans forme et contenant l’univers éternel.
Rien n’était hors de lui, l’Abstraction suprême.
Il regardait sans voir et s’ignorait soi-même.
Et, soudain, tu jaillis et tu l’enveloppas,
Toi, la Source infinie et de ce qui n’est pas
Et des choses qui sont! toi par qui tout s’oublie,
Meurt, renait, disparaît, souffre et se multiplie,
Mâyâ ! qui, dans ton sein invisible et béant,
Contiens l’homme et les Dieux, la vie et le néant

(Leconte de Lisle)

 

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LE SOUHAIT (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2020



Louis Treserras -ImpressioniArtistiche-17 [800x600]

LE SOUHAIT

Du roi Phrygien la fille rebelle
Fut en noir rocher changée autrefois;
La fière Prokné devint hirondelle,
Et d’un vol léger s’enfuit dans les bois.
Pour moi, que ne suis-je, ô chère maîtresse,
Le miroir heureux de te contempler,
Le lin qui te voile et qui te caresse,
L’eau que sur ton corps le bain fait couler,
Le réseau charmant qui contient et presse
Le ferme contour de ton jeune sein,
La perle, ornement de ton col que j’aime,
Ton parfum choisi, ta sandale même,
Pour être foulé de ton pied divin !

(Leconte de Lisle)

Illustration: Louis Treserras 

 

 

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Le sein ému, le front à demi soulevé (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2020



Luis Falero Reclining_Nude

Le sein ému, le front à demi soulevé,
Inquiète, elle attend celui qu’elle a rêvé.
Et le vent monotone endort les noirs feuillages;
La mer en gémissant berce les coquillages;
La montagne muette, au loin, de toutes parts,
Des coteaux aux vallons,brille de feux épars;
Et la source elle-même, au travers de la mousse,
S’agite et fuit avec une chanson plus douce.

Mais le jeune Immortel, le céleste Inconnu,
L’Amant mystérieux et cher n’est pas venu !
Il faut partir, hélas ! et regagner la plaine.
Thestylis sur son front pose l’amphore pleine,
S’éloigne, hésite encore, et sent couler ses pleurs;
De la joue et du col s’effacent les couleurs;
Son corps charmant, Éros, frissonne de tes fièvres !
Mais bientôt, l’oeil brillant, un fier sourire aux lèvres,
Elle songe tout bas, reprenant son chemin :
— Je l’aime et je suis belle! Il m’entendra demain !

(Leconte de Lisle)

Illustration: Luis Falero 

 

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LA ROSE (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2020



Xing Jianjian e_15141 [800x600]

LA ROSE

Je dirai la rose aux plis-gracieux.
La rose est le souffle embaumé des Dieux,
Le plus cher souci des Muses divines.
Je dirai ta gloire, ô charme des yeux,
O fleur de Kypris, reine des collines !
Tu t’épanouis entre les beaux doigts
De l’Aube écartant les ombres moroses;
L’air bleu devient rose, et roses les bois;
La bouche et le sein des Nymphes sont roses!
Heureuse la vierge aux bras arrondis
Qui dans les halliers humides te cueille!
Heureux le front jeune où tu resplendis!
Heureuse la coupe où nage ta feuille !
Ruisselante encor du flot paternel,
Quand de la mer bleue Aphrodite éclose
Étincela nue aux clartés du ciel.
La Terre jalouse enfanta la rose;
Et l’Olympe entier, d’amour transporté,
Salua la fleur avec la Beauté !

(Leconte de Lisle)

Illustration: Xing Jianjian 

 

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LA CIGALE (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2020



LA CIGALE

O Cigale, née avec les beaux jours,
Sur les verts rameaux dès l’aube posée,
Contente de boire un peu de rosée,
Et telle qu’un roi, tu chantes toujours!
Innocente à tous, paisible et sans ruses,
Le gai laboureur, du chêne abrité,
T’écoute de loin annoncer l’été ;
Apollon t’honore autant que les Muses,
Et Zeus t’a donné l’Immortalité !
Salut, sage enfant de la terre antique,
Dont le chant invite à clore les yeux,
Et qui, sous l’ardeur du soleil attique,
N’ayant chair ni sang, vis semblable aux Dieux!

(Leconte de Lisle)

 

 

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Dors, ô blanche victime, en notre âme profonde (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2020



Josélito Donas  13 - 6

Dors, ô blanche victime, en notre âme profonde,
Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos;
Dors! l’impure laideur est la reine du monde,
Et nous avons perdu le chemin de Paros.

Les Dieux sont en poussière et la terre est muette:
Rien ne parlera plus dans ton ciel déserté.
Dors ! mais,vivante en lui, chante au coeur du poète.
L’hymne mélodieux de la sainte Beauté!

Elle seule survit, immuable, éternelle.
La mort peut disperser les univers tremblants,
Mais la Beauté flamboie, et tout renais en elle,
Et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs!

(Leconte de Lisle)

Illustration: Josélito Donas

 

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