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Poésie

Posts Tagged ‘lent’

Toujours dans le poème (Amina Saïd)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration 
    
toujours dans le poème
j’entendrai le silence
avant le mot
m’abreuverai à sa bouche même

alors naissent les choses
les mots le monde

je dis : toujours dans le poème
j’entendrai le silence avant les mots

et tu réponds : s’il existe un dieu
c’est là qu’il habite

je découvre l’exact versant
de l’ombre et de la lumière
où il finit où il commence

et le silence palpite telle la mer
en son ventre de sel
palpite comme l’aile d’un oiseau
apprivoisant lentement le ciel
comme le vent la terre la vie

et s’il existe un dieu oui
c’est là qu’il habite

(Amina Saïd)

Recueil: La douleur des seuils
Editions: De la Différence

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UNE VIE À PAS COMPTÉS (Roland Giguère)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
UNE VIE À PAS COMPTÉS

Une vie entière passée en murmures
en une infinité de légers soubresauts
en peu de paroles en moindres gestes
au milieu de hordes criardes et déchaînées

une vie repliée sur quelques visages aimés
sur une paupière qui bat et se ferme à minuit
comme une persienne de bois usée
une vie lente aux roues brisées.

(Roland Giguère)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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ODE A LA NEIGE (Henri Pichette)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
ODE A LA NEIGE

la
légère
candide
capricieuse
tourbillonante
ouatée
poudreuse
neige dont j’aime
la
lente lente
chute

(Henri Pichette)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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PRIÈRE (Anne Perrier)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Nadav Kander
    
PRIÈRE

Qu’on me laisse partir à présent
Je pèserais si peu sur les eaux
J’emporterais si peu de chose
Quelques visages le ciel d’été
Une rose ouverte

La rivière est si fraîche
La plaie si brûlante
Qu’on me laisse partir à l’heure incandescente
Quand les bêtes furtives
Gagnent l’ombre des granges
Quand la quenouille
Du jour se fait lente

Je m’étendrais doucement sur les eaux
J’écouterais tomber au fond
Ma tristesse comme une pierre
Tandis que le vent dans les saules
Suspendrait mon chant

Passants ne me retenez pas
plaignez-moi
Car la terre n’a plus de place
pour l’étrange Ophélie
On a scellé sa voix on a brisé le vase
De sa raison

Le monde m’assassine et cependant
Pourquoi faut-il que le jour soit si pur
L’oiseau si transparent
Et que les fleurs
S’ouvrent à chaque aurore plus candides
Ô beauté
Faisons l’adieu rapide

Par la rivière par le fleuve
Qu’on me laisse à présent partir
La mer est proche je respire
Déjà le sel ardent
Des grandes profondeurs
Les yeux ouverts je descendrais au cœur
De la nuit tranquille
Je glisserais entre les arbres de corail
Écartant les amphores bleues
Frôlant la joue
Enfantine des fusaïoles
Car c’est là qu’ils demeurent
Les morts bien-aimés
Leur nourriture c’est le silence la paix
Ils sont amis
Des poissons lumineux des étoiles
Marines ils passent
Doucement d’un siècle à l’autre ils parlent
De Dieu sans fin
Ils sont heureux

Ô ma mémoire brise-toi
Avant d’aller troubler le fond
De l’éternité
Ainsi parle Ophélie
Dans le jardin désert
Et puis se tait toute douleur
La rivière scintille et fuit
Sous les feuilles
Le vent seul
Porte sa plainte vers la mer

(Anne Perrier)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE

Le bruit bourgeonne
roulé par des voitures à fines roues.
Un homme vit dans le grenier sans
connaître le reste de la maison
gardé par des chats et des cuivres.
La poussière le recouvre des longs
voyages au long des murs où de
temps en temps
paraissent des femmes
lentes et sans vêtement.

(Daniel Boulanger)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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J’aime imaginer (Julien Baer)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



Illustration: Guy Borremans
    
J’aime imaginer

Quand tes dix doigts d’un geste lent effleurent la soie
Ou se dessinent
Tes seins que tu frôles à présent d’un air absent
Qui me fascine

Un miroir où tu te vois naître et disparaître
Qui te résume
Allongée sur le lit défait, les draps froissés
Tu te consumes

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Laisse aux passants aux autres gens quelques indices
Pour qu’ils espèrent
Je n’ai besoin de presque rien pour dans le noir
Voir la lumière

Et s’ils veulent savoir où tu vis, ce que tu dis
A quoi tu penses
Il me suffit de t’inventer et en un éclair
Tout recommence

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Je vois souvent ce qui n’est pas, ce qui s’esquisse
Encore à peine
Je vois du sang sur le mur blanc et même libre
Je vois mes chaînes

Et si tu pars vers d’autres quais, d’autres idées
Une autre histoire
Pour moi tu n’as jamais vraiment, même un instant
Quitté la gare.

(Julien Baer)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Quelque chose de lent dans l’air (Thierry Cazals)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2023




    
quelque chose de lent dans l’air
soudain fait exploser
tous les bourgeons

(Thierry Cazals)

Recueil: Un haïku chaque jour
Editions: Points

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FAUSSE ÉLÉGIE (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
FAUSSE ÉLÉGIE

Nous ne faisons que partager un lent désastre.
Je me vois mourir en toi, en d’autres, en tout
et pourtant je bâille et je suis distraite
comme à un spectacle ennuyeux.

Les jours se défissent,
les nuits se consument avant qu’on s’en rende compte :
ainsi finissons-nous.

Rien. Il n’y a rien
entre lever et fermer les paupières.

Mais si quelqu’un vient à naître (son annonce,
la possibilité de son imminence,
son poids de syllabes dans l’air)
il bouleverse ce qui existe,
il est plus fort que le réel
et déloge les vivants dans leur corps.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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ROSE ROUGE (Philippe Chabaneix)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2023




    
ROSE ROUGE

Le souvenir d’une amoureuse,
Divine enfant des anciens jours,
Se mêle en songe au frais velours
De cette rose ténébreuse
Que je respire lentement
Et qui dans son parfum m’apporte
Comme un secret d’étoile morte
Tout un passé doux et dormant.

(Philippe Chabaneix)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Traduction:
Editions: Marabout

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J’aurais pu dire… (Bernard Pivot)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023




    
J’aurais pu dire :
Vieillir, c’est désolant, c’est insupportable,
C’est douloureux, c’est horrible,
C’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant »
Parce que c’est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé
et l’on sait encore moins quand ça finira.

Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau.

On se sentait conquérant.
Invulnérable.
La vie devant soi.
Même à cinquante ans, c’était encore très bien…. Même à soixante.

Si, si, je vous assure,
j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà,
entre-temps j’ai vu le regard des jeunes…..
Des hommes et des femmes dans la force de l’âge
qui ne me considéraient plus comme un des leurs,
même apparenté, même à la marge.

J’ai lu dans leurs yeux
qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.

Sans m’en rendre compte,
j’étais entré dans l’apartheid de l’âge.

Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect »,
« En hommage respectueux »,
« Avec mes sentiments très respectueux ».

Les salauds !
Ils croyaient probablement me faire plaisir
en décapuchonnant leur stylo plein de respect ?
Les cons !

Et du ‘cher Monsieur Pivot’ long et solennel
comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres
qui vous fiche dix ans de plus !

Un jour, dans le métro, c’était la première fois,
une jeune fille s’est levée pour me donner sa place…
J’ai failli la gifler.
Puis la priant de se rasseoir,
je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux,
si je lui étais apparu fatigué. !!!… ?

– « Non, non, pas du tout,
a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que”.
– Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? »
– « Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus,
que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. »
– « Parce que j’ai les cheveux blancs ? »
– « Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout
et comme vous êtes plus âgé que moi, ça a été un réflexe, je me suis levée. »
– « Je parais beaucoup… beaucoup plus âgé que vous ? »
– « Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge. »
– « Une question de quoi, alors ? »
– « Je ne sais pas,
une question de politesse, enfin je crois. »

J’ai arrêté de la taquiner,
je l’ai remerciée de son geste généreux
et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.

Lutter contre le vieillissement
c’est, dans la mesure du possible,
ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages,
ni aux spectacles, ni aux livres,
ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.

Rêver, c’est se souvenir,
tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder
entre le désir et l’utopie.

La musique est un puissant excitant du rêve.
La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil
en écoutant soit l’Adagio du Concerto n° 23 en La majeur de Mozart,
soit, du même, l’Andante de son Concerto n° 21 en Ut majeur,
musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés
les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement.
Nous ignorons à combien se monte encore notre capital.
En années ? En mois ? En jours ?

Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables,
il faut jouir sans modération.

Après nous, le déluge ?…
Non, Mozart.

(Bernard Pivot)
    

    

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