ce soir je veux
une fois encore
essorer
mes pensées
puisque ce matin
les femmes
ont brossé lavé
et passé
à l’eau claire
ma vieille chemise
mes poussiéreux principes
toute mon existence
demain matin je veux
rendre net
mon poème avec du vinaigre
des larmes de l’eau de Javel
avec rien que de la joie
et pour finir
essorer vigoureusement
mon amour le poser au soleil
et accrocher
tout proprement
toute cette lessive
devant la fenêtre
***
(Conrad Winter)
Traduction de Roland Reutenauer, avec la collaboration de l’auteur
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
tes seins sont deux filles qui jouent
à se frapper quand tu laves ton linge
L’arc-en-ciel de ton regard est tendu dans l’écume
Qui te verrait soutiendrait que tu ne souffres pas
Il ne saurait pas qu’au pied de ton bac à lessive
s’entasse une partie de ton histoire
Le sifflement que tu entonnes
est le fil sur lequel tu accroches ta fatigue
Le vent est un gamin moqueur
qui tire et tend ton linge
Sur les arbres de l’orient
le soleil est un nouveau-né
qui répand ses larmes tièdes et jaunes
(Briceida Cuevas Cob)
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Un
murmure
de vent d’océan
Souffle de loin
Et la lessive
flotte
À
l’ombre
du mur Entre
le ciel et la terre
Il y a des gens qui
veulent vivre en paix
N’abandonnez pas, continuez
à rêver De paix et de prospérité
Quand les murs de la peur fondront-ils
Quand reviendrai-je de l’exil
Et mes portes s’ouvriront
À ce qui est
vraiment
bon
***
Hébreu — arabe
(les paroles en arabe
sont tirées d’une chanson
d’enfants, chantée par Feiruz)
Viens dormir ! —
Un autre lever de soleil
Viens dormir —
Et le matin est là
Nous
abattrons —
Une mère envoie
Une colombe pour vous
Avec une prière
Envole-toi colombe,
n’y crois pas —
Son enfant à l’école
Nous allons rire avec l’enfant —
au son Pour qu’il puisse dormir —
de guerre
Les murs
de
la peur
fondront un jour
Et je reviendrai de l’exil
Mes portes ouvriront
À ce qui est
vraiment
bon
(anglais et arabe)
Du nord au
sud
De
l’ouest
à l’est Écoute
la prière des mères
apporte leur la paix
La lumière monte de l’est
à la prière des mères
pour la
paix.
***
Prayer Of The Mothers
רחישת רוח ים
מנשבת מאי שם
וכביסה מתנפנפת
לצילי החומה
بين الأرض والسما
ناس كتير
بيعيشوا سوى
ما تخافوا تحلموا
بالسلام والأمان
מתי ימסו חומות הפחד
ושבתי מגלותי
יפתחו שעריי
אל הטוב האמיתי
يلا تنام עוד זריחה
تندبحلك طير الحمام בוקר בא
روح يا حمام אם שולחת
בתפילה لا تصدّق
את ילדה לבית הספר
نضحك ع الطفل ت ينام
לצלילי מלחמה
עוד ימסו بيكفي خوف
חומות הפחד تعوا نبدا من جديد
ושבתי מגלותי
יפתחו שעריי ونفتح الأبواب
אל הטוב האמיתי
from the north to the south
from the west to the east
hear the prayer of the mothers
bring them peace
bring them peace
من الشمال
للجنوب
من الغرب
صوب الشرق
إسمع صلاة الأمهات
للسلام
بدنا السلام
Les femmes sont dans le verger,
où le cordeau de la lessive est
tendu entre les pommiers.
L’une est en train d’y pendre une
chemise qu’elle fixe avec des pinces de
bois (et le mouvement de ses bras fait
remonter sa jupe à pois);
la deuxième à croppetons dans le
soleil prend le linge dans une seille;
la troisième renoue en riant ses
cheveux défaits par le vent.
Dans le pré qu’on vient de faucher
les premiers colchiques ont percé;
il fait déjà froid soir et matin, l’eau coupe
la peau des mains et la fait sauter;
les blanchisseuses ont les mains rouges.
Elles lèvent des mains rouges devant le linge blanc ;
mais, parce qu’elles sont jeunes, elles rient dans le vent
qui vient sur elles, les pressant
entre ses bras comme un danseur,
et leur fait faire un tour sur place en
les serrant contre son coeur.
(Charles-Ferdinand Ramuz)
Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite
Tandis qu’Anna se met à la machine à coudre
Voyez sa sœur Annie qui se met de la poudre.
Tandis qu´Anna toujours nettoie le linge sale
En ascenseur sa sœur Annie s´en va au bal.
Annie
Vous êtes bien plus jolie qu´Anna.
Anna
Je vous aime beaucoup plus qu´Annie.
Annie
Vous avez des yeux bleus qu´Anna n´a.
Anna
Je préfère vos jolis yeux gris.
L´amour est entré dans mon cœur depuis
Le jour béni
Où je vous vis.
Annie
Vous avez séduit un maharajah.
Anna
Eh bien vous n´avez séduit que moi.
Tandis qu´Anna dans sa maison fait la lessive
Dans les salons, sa sœur Annie fait la lascive.
Le maharajah met des bijoux sur sa poitrine
Cette poitrine m´a tout l´air d´une vitrine
Tous vos amis font du cinéma.
Anna
Je suis vraiment votre seul ami.
Annie
Cet hindou vous dit toujours « Ça va »
Anna
Il ne faut pas envier sa vie.
Rajah, je préfère aux trésors d´un jour
Un bel amour
Qui dure toujours.
Annie
Vous sortez en robe d´apparat.
Anna
Vous restez toujours seule à Paris.
Un jour la pauvre Annie vient frapper à ma porte.
Elle a des yeux qui font des plis, l´air d´une morte.
Le maharajah vient de partir pour Singapour
En emportant ses bijoux faux comme son amour.
Annie
Vous vous êtes jetée dans mes bras.
Anna
Tous trois nous avons pleuré sans bruit.
Annie
Vous êtes restée trois jours dans le coma.
Anna
Hier vous avez épousé le commis
Et moi qui ne suis pas un maharajah.
Mais un ami
Je suis parti
Parti
Je suis parti pour Bratislava
Là-bas.
Je vais essayer de refaire ma vie
En oubliant Anna-Annie.
Dire au vent : qu’il retienne sa course
Aux bourgeons : d’éclater la lumière
Dire au grésil, dire au ciel bleu
Giboulée chante, giboulée vente.
Dire au ruisseau : sauter vert, glisser frais
Dire aux pluies : laver à grande eau les trottoirs
Et les âmes des hommes vieux
En faire lessive qui claque.
Dire aux hommes : d’être petit comme une graine
Têtu et simple, retenu confiant
Rester au fond de la terre
Attendre patiemment.
Je la désire dans cette ombreuse lumière
qui tombe avec midi sur la dormante treille,
quand la poule a pondu son oeuf dans la poussière
Par-dessus les liens où la lessive sèche,
je la verrai surgir, et sa figure claire.
Elle dira : je sens des pavots dans mes yeux.
Et sa chambre sera prête pour son sommeil,
et elle y entrera comme fait une abeille
dans la cellule nue que blanchit la chaleur.
(Francis Jammes)
Recueil: Clairières dans le Ciel
Traduction:
Editions: Gallimard
C’est le jour de la grande lessive
Dans la famille Raton Laveur
On étale au soleil sur la rive
Les chaussettes les chapeaux les livres
Des parents des frères et des soeurs
Dans la grande bassine de cuivre
On trempe on savonne de bon coeur
C’est le jour de la grande lessive
On lave, on lave pendant des heures
Puis on lave le pâté de grive
Pour le déjeuner et les endives
On lave tout et même le beurre
C’est le jour de la grande lessive
Dans la famille Raton Laveur