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Poésie

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Île (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023




    
Île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



Illustration: ArbreaPhotos

    
Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie,
la contrée sauvage d’où elle m’est venue de si loin,
avec ses songes, ses épouvantes, sa plainte mélancolique,
ce frémissement de grande solitude

qui me mêle toute aux arbres les plus tourmentés,
aux landes les plus hantées de signes et de présages,
et m’arrête, le soir, à la porte de je ne sais quelle chaumière
secrète et basse où le feu veille,
comme au seuil jamais oublié de ma plus ancienne demeure.

Ce lieu de naissance d’avant naissance
n’est pas ici, à Auxerre…
où il fait clair, juste et net,
où les yeux ne voient que ce qu’ils voient,
sans buée ni brouillard.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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LE MONT SAINT-MICHEL (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
LE MONT SAINT-MICHEL

C’est un gros rocher noir debout sur l’océan,
Le sombre diadème d’un Neptune géant,
L’épée d’un dieu fichée sur la grève atlantique.

C’est la flèche élevée en prière phallique,
Le menhir orgueilleux des rêveries celtiques,
Le fantasme sacré d’un vieil abbé dément.

C’est l’hommage de granit à l’archange Michel,
L’improbable totem aux gargouilles de sel,
Un vieux vaisseau-fantôme échoué sur la plage.

C’est le phare déserté tombé du fond des âges,
Un bout de paradis oublié aux rivages
Tout au creux d’une baie où la mer étincèle.

C’est l’abbatiale bâtarde, et gothique et romane,
Ses voûtes dessinées par la foi artisane,
Ses vitraux bégayant leurs lueurs marines.

C’est le cloître-jardin des orants de matines,
Les salles de la Merveille aux cheminées malouines,
Et les cryptes enterrées sous la pierre chamane.

C’est le lieu de mystère et d’indolente brume
Que le soleil oublie quand les cierges s’allument
Mais que l’on aperçoit des marches de Bretagne

Quand on chemine seul, pèlerin de hasard,
Et que soudain le Mont se donne à nos regards,
Serti comme un diamant dans sa gangue océane.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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NUIT OBSCURE (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023




    
NUIT OBSCURE

CHANSONS DE L’ÂME
qui se réjouit d’avoir atteint
le haut état de perfection,
qui est l’union avec Dieu,
par le chemin de la négation spirituelle

Dans une nuit obscure
par un désir d’amour tout embrasée
oh joyeuse aventure
dehors me suis glissée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans l’obscur et très sûre
par la secrète échelle déguisée
oh joyeuse aventure
dans l’obscur et cachée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans cette nuit de joie
secrètement car nul ne me voyait
ni mes yeux rien qui soit
sans lumière j’allais
autre que celle en mon coeur qui brûlait

Et elle me guidait
plus sûr que la lumière de midi
au lieu où m’attendait
moi je savais bien qui
en un pays où nul ne paraissait

Oh nuit qui as conduit
nuit plus aimable que l’aube levée
oh nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée
l’aimée en l’ami même transformée

Contre mon sein fleuri
qui tout entier pour lui seul se gardait
il resta endormi
moi je le caressais
de l’éventail des cèdres l’air venait

Du haut du créneau l’air
quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et chacun de mes sens me ravissait

En paix je m’oubliai
j’inclinai le visage sur l’ami
tout cessa je cédai
délaissant mon souci
entre les fleurs des lis parmi l’oubli

***

NOCHE OSCURA

CANCIONES DEL ALMA
que se goza de haber llegado
al alto estado de la perfección,
que es la unión con Dios,
por el camino de la negación espiritual

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
salí sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

A oscuras y segura
por la secreta escala disfrazada
oh dichosa ventura
a oscuras y en celada
estando ya mi casa sosegada

En la noche dichosa
en secreto que nadie me veía
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guía
sino la que en el corazón ardía

Aquesta me guiaba
mds cierto que la luz del mediodía
adonde me esperaba
quien yo bien me sabía
en parte donde nadie parecía

O noche que guiaste
O noche amable más que el alborada
O noche que juntaste
amado con amada
amada en el amado transformada

En mi pecho florido
que entero para él solo se guardaba
allí quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcía
con su mano serena
en mi cuello hería
y todos mis sentidos suspendía

Quedéme y olvidéme
el rostro recliné sobre el amado
cesó todo y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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CE QUE JE VOUDRAIS (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 13 mai 2023




    
CE QUE JE VOUDRAIS

Voyez-vous ce que je voudrais ?…
Ni les étoiles, ni la lune
Ni du grand rivage la dune

Voyez-vous ce que je voudrais…
La force d’aimer tout un monde,
De lui chanter l’amour de Dieu,
Ici, là-bas, comme en tout lieu,
La force d’aimer tout un monde.

Voyez-vous ce que je voudrais…
Ni devenir non plus paraitre
Autre que le fond de mon être

Voyez-vous ce que voudrais…
Etre pour chacun le sourire
Qu’il cherche à mettre dans son cœur
Je m’en ferais un grand bonheur
D’être pour chacun le sourire…

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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LA, LE BONHEUR S’EVEILLE (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2023




    
LÀ, LE BONHEUR S’ÉVEILLE

Si l’on peut découvrir et tel un virtuose
Le lever du soleil au joli mois de Juin
Chanter le vif éclat d’une première rose
Et par brise odorante un frais parfum de foin
La plus simple des fleurs reine de fantaisie
Tout comme les oiseaux engendre poésie
Là le bonheur s’éveille à la paix de ce lieu
Tel un présent offert par la grâce de Dieu
— Quand refleuri la plaine et qu’un grillon se pose
Sur un trèfle incarnat — y promener mes yeux
Aussi grands que mon coeur devient divine pause
Nul charme ne saurait rendre plus merveilleux.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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«LES PLUS SIMPLES CHOSES» (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2023



Illustration
    
«LES PLUS SIMPLES CHOSES»

Là-bas, le flanc de la colline
Un point blanc vers l’horizon bleu
Bien simple et pittoresque lieu
Qu’un joli cri d’oiseau décline
A ce silence environnant
Un petit âne tout paisible
Broute son herbe en ruminant

Pour mon coeur joie intraduisible.
Les plus simples choses toujours
Ont mieux empli de paix mon âme
Et fait savourer tout l’amour
Se consumant comme une flamme.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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L’ATTENTE (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Serguéï Andréïévitch TOUTOUNOV
    
L’ATTENTE

Si tu viens pour rester, dit-elle, ne parle pas.
Il suffit de la pluie et du vent sur les tuiles,
il suffit du silence que les meubles entassent
comme poussière depuis des siècles sans toi.

Ne parle pas encore. Écoute ce qui fut
lame dans ma chair : chaque pas, un rire au loin,
l’aboiement du cabot, la portière qui claque
et ce train qui n’en finit pas de passer

sur mes os. Reste sans paroles : il n’y a rien
à dire. Laisse la pluie redevenir la pluie
et le vent cette marée sous les tuiles, laisse

le chien crier son nom dans la nuit, la portière
claquer, s’en aller l’inconnu en ce lieu nul
où je mourais. Reste si tu viens pour rester.

(Guy Goffette)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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SANS LIEU SINON L’ATTENTE (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
SANS LIEU SINON L’ATTENTE

La graine s’ouvre
au point précis de toute graine.

Le merle sur le nid
se fixe en espace palpable.

Mais nous à la dérive
nos mains réunies sans mots pour prier
s’écartent vers le haut
laissant passer un grand corps d’ange timonier

Nous glissons à sa suite
sans lieu sinon l’attente.

(Marie-Claire Bancquart)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Y a-t-il en ce lieu (Younous Emré)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2023




    
Y a-t-il en ce lieu
Un étranger pareil à moi
Tête baissée, les yeux en pleurs
Un étranger pareil à moi ?

Par l’Anatolie, la Syrie,
Errant par tous les pays
J’ai tant voulu mais jamais pu trouver
Un étranger pareil à moi.

Que nul ne se fasse étranger
Ne brûle au feu de nostalgie
Maître, que nul ne brûle
En étranger pareil à moi.

Ma langue parle, mon œil pleure
Je me consume pour les étrangers
Au ciel mon étoile est sans doute
Etrangère pareille à moi.

Que je brûle de cette peine !
La mort viendra un jour me prendre
Dans ma tombe je trouverai sans doute
Un étranger pareil à moi.

Ils diront «un étranger est mort»
Ils le sauront trois jours après
A l’eau froide ils le laveront
Cet étranger pareil à moi.

Hé, mon Emré, pauvre Younous,
A ta peine pas de remède
Va maintenant, erre de ville en ville
En étranger pareil à moi.

(Younous Emré)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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