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APRÈS LA MORT (Christina Rossetti)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2023



   Illustration:Claude Monet
    
APRÈS LA MORT

Les rideaux étaient mi-fermés, le sol semé
De brins de paille, et romarin et aubépines
Épaississant le lit où j’étais allongée.
Le lierre m’ombrageait d’une dentelle fine.

Il se pencha sur moi, croyant que je dormais
Et ne l’entendais pas ; mais moi je l’entendis,
« Pauvre enfant, pauvre enfant. » Comme il se retournait,
Je compris qu’il pleurait. Un silence se fit.

Jamais il ne toucha le linceul, ni le drap
Qui voilait mon visage. Il ne prit pas ma main,
Il ne dérangea pas le coussin lisse et blanc.

Vive, il ne m’aimait pas. Mais morte maintenant,
Je lui faisais pitié. Et je me sentis bien
De le savoir si chaud près de mon corps si froid.

(Christina Rossetti)

Recueil: Goblin Market and Other Poems
Traduction: de l’anglais par Clémentine Beauvais
Editions: Penguin Classics

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Je suis musique (Colette Rioche)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2023




    
Je suis musique

Dans le silence de mon coeur,
S’élève la voix de mon âme,
Suivant le chemin des lueurs
De mon amour et de ses flammes.

Par grandes vagues successives,
Elle fait déborder ma chanson
Dans le lit des secrètes rives
Des Hommes, don pur de mes moissons.

J’écoute la musique claire
Venant de mon être profond.
Comme un soleil crépusculaire,
Je me noie dans eaux sans fond.

Les sons jaillissent de mon être
Sous forme d’un rayonnement Intérieur
Qui me fait naître
Dans des yeux pleins d’étonnement,

Les éblouit comme un soleil
Au zénith, brûlant et vivant.
Je suis mélodie qui s’éveille,
Entité de moi-même au vent.

De doux trémolos s’échappent
De mes yeux, écrins des beautés
Que j’ai vues, tiares de pape
Bénies, couleurs d’Humanité.

En offrant aux gens mes regards,
Je fais don des sites noyés
Dans mes prunelles où règne l’Art,
Où des merveilles ont leur Foyer.

Je lance des éclairs sonores
Bâtissant un pont lumineux,
Layon de mes rêveries d’or,
Entre les esprits sinueux.

Je projette mes vibrations,
Secrètes orgues de cathédrales.
Sur cet air, Avec émotion,
Je danse ma vie d’Idéal.

(Colette Rioche)

Recueil:
Editions:

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Tu nous vois venir (Jean-Pierre Lemaire)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2023




    
Tu nous vois venir, debout dans ton lit
quand nous tâtonnons entre porte et fenêtre
parmi la poussière des galaxies
dont tu es au réveil l’unique survivante
et tandis que nous perdons l’or des rêves
le trésor enterré au pied de l’arc-en-ciel
les plumes d’Icare et nos années-lumière
tu nous attends miraculeusement
pour rester un jour de plus avec nous

(Jean-Pierre Lemaire)

Recueil: Le pays derrière les larmes Poèmes choisis
Editions: Gallimard

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Une chambre d’hôpital sordide (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 30 mai 2023




    
Une chambre d’hôpital sordide:
un blessé allongé sur un lit sale.
Un homme tenant un carnet et un stylo
s’approche du blessé
et demande: c’est l’armée des hors-la-loi
qui a tiré sur toi?
Non, dit le blessé.
L’homme poursuit:
Tu dois signer ici que ce sont les hors-la-loi
qui ont tiré sur toi.
Non, dit le blessé.
Un revolver s’approche de sa tempe:
signe ici!
Non, c’est l’armée régulière.

Le coup de feu éclate.

(Maram al-Masri)

Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey

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L’adieu (Sapphô)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Charles Mengin
    
L’adieu

Sans mentir je voudrais être morte.
En me quittant elle pleurait

bien des larmes. Elle m’a dit :
« Ah ! Quelle épreuve cruelle est la nôtre,
Sapphô, contre mon gré je t’abandonne. »

Et je lui répondais :
« Va et adieu, et souviens-toi
de moi, car tu sais de quels soins nous t’avons poursuivie.

Mais moi, sinon, je veux te rappeler..
.. aussi les beaux jours du passé :

les couronnes, souvent, de violettes
et de roses ensemble, de crocus,
dont tu ornais ton front, près de moi,
et les guirlandes odorantes, leurs fleurs entrelacées,
que tu jetais
autour de ta gorge fragile,

toute l’huile parfumée,
l’onguent précieux dont
tu frottais ton corps, comme une reine.

Et sur les lits moelleux,
dans mes bras, tendrement,
tu chassais hors de toi ton désir altéré.

Aux saints rites..
jamais..
nous ne faisions défaut, nous n’étions pas absentes

pour le bosquet sacré
.. et la danse..
.. et le bruit.. »

(Sapphô)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Editions: Gallimard

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J’aime imaginer (Julien Baer)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



Illustration: Guy Borremans
    
J’aime imaginer

Quand tes dix doigts d’un geste lent effleurent la soie
Ou se dessinent
Tes seins que tu frôles à présent d’un air absent
Qui me fascine

Un miroir où tu te vois naître et disparaître
Qui te résume
Allongée sur le lit défait, les draps froissés
Tu te consumes

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Laisse aux passants aux autres gens quelques indices
Pour qu’ils espèrent
Je n’ai besoin de presque rien pour dans le noir
Voir la lumière

Et s’ils veulent savoir où tu vis, ce que tu dis
A quoi tu penses
Il me suffit de t’inventer et en un éclair
Tout recommence

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Je vois souvent ce qui n’est pas, ce qui s’esquisse
Encore à peine
Je vois du sang sur le mur blanc et même libre
Je vois mes chaînes

Et si tu pars vers d’autres quais, d’autres idées
Une autre histoire
Pour moi tu n’as jamais vraiment, même un instant
Quitté la gare.

(Julien Baer)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Sur l’oreiller (Juliette)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




    

Sur l’oreiller

J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël

Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps

Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller

(Juliette)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Retouche au don (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2023


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ni le sang sur le lit
cuirasse et glaive
ni les mains dont l’eau descend jusqu’à l’ombre
ni les lèvres aux voiles emmêlées
ni la mer perdant pied sur la boule du monde

mais au dos de la chaise
la robe d’où s’éloigne ingénue la tièdeur

(Daniel Boulanger)

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RETOUCHE AU POÈTE DÉCADENT (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023



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RETOUCHE AU POÈTE DÉCADENT

Du cygne il ne montre que l’oie
gavée de vers nacrés.
Péniche
bourrée de meubles en bois de rose à jours,
avec un lit qui n’en finit plus
porté par de grosses musiques
où l’on discerne le bruit d’enfant qui tète
d’une eau sans voyage
à quai dont les pierres se descellent.

(Daniel Boulanger)

Illustration: ArbreaPhotos
 

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CENT FOIS RIEN (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023



Illustration: Karen LaMonte
    
CENT FOIS RIEN

Peut-être une fois de plus me rendra fou
votre sourire
et sur le bord de mon lit viendront s’asseoir
mère Douleur, l’amie Amour,
comme toujours toutes les deux à la fois.

Peut-être une fois de plus me rendra fou
le son du clairon
et quand j’irai comme si j’étais tombé de la lune
mes cheveux auront l’odeur de la poudre à canon.

Peut-être une fois de plus me rendra fou un baiser :
comme la flamme d’une lanterne, hésitant dans sa cage,
je tremblerai
lorsqu’il viendra se poser sur mon visage.

Je n’aurai, pourtant, que le vent sur les lèvres
et c’est bien en vain que, cette fois,
dans la main j’essaierai de prendre
sa robe sans poids.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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