La belle s’appelait mademoiselle Amable.
Elle était combustible et j’étais inflammable.
Un treize, je la vis passer sur le Pont-Neuf ;
Les Grâces étaient trois, les Muses étaient neuf;
Et c’est là ce qui fait sacré le nombre douze,
Et treize fatal. Donc, un treize, une andalouse
De Pantin, telles sont les rencontres qu’on a,
Amable, d’un regard charmant, m’assassina.
Duel, duo. Sous l’œil paternel des édiles,..
Il naît sur le Pont-Neuf beaucoup de ces idylles.
Je la qualifiai d’ange, un mois à peu près.
Bref, je me demandais un jour si je romprais,
Quand, par un doux soleil d’avril, entre deux pluies,
Je reçus ce billet de l’ange: « Tu m’ennuies.
Bonsoir. » -Ce qui me fit furieux. D’autant plus
Que c’est elle, parbleu, qui m’ennuyait le plus.
1. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Le premier jour je me rappelle
C´était chez des amis idiots
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre maman avait des ailes
Dans une robe de taff´tas
Vous étiez une demoiselle
Et je vous murmurais tout bas
{Refrain:}
Dormir avec vous dormir une nuit,
Faire un rêve à deux quand le ciel est noir au fond de ma chambre
Le sommeil est doux quand tombe la pluie
Quand le vent du nord murmure tout bas
Décembre
Tous les mots d´amour le vent nous les dit
Quand la cloche sonne une heure perdue lointaine…
Oublier la vie oublier nos peines
Dormir une nuit dormir mon amour dormir avec vous
2. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Vous êtes mariée c´est ridicule
Avec le fils de ces idiots
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre mari est somnambule
Il se promène sur les toits
Toute la nuit tandis que moi
{Refrain:}
Je dors avec vous dans le même lit
Nous rêvons tous deux quand le ciel est noir au fond de ma chambre
Votre corps charmant se donne à minuit
Dans un petit hôtel tout près de la rue Delambre
Y a pas d´eau courante et pour faire pipi
C´est au fond de la cour
Mais là-bas y a pas de lumière
Mais ces petites bêtises me sont familières
Je dors avec vous et pendant le jour
J´attends notre nuit
3. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre mari dans une crise
M´a flanqué deux balles dans la peau
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Je suis bien mort quoi qu´on en dise
Oui mais le diable m´a permis
De revenir toutes les nuits
{Refrain:}
Dormir avec vous sans vous faire peur
Caresser vos cheveux toucher votre cœur vous dire à l´oreille
» Je t´aime chérie je t´aime et j´en meurs »
Et tirer les poils du petit cocu qui veille
La commode qui grince un bruit sur le toit
Le lit qui gémit c´est moi dans le bois ma brune
Je suis courant d´air et rayon de lune
J´ai l´éternité pour chanter tout bas
Je dors avec toi
CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE
(À une petite fille)
— Un peu plus d’ombre sous les marronniers des places,
Un peu plus de soleil sur la grande route lasse…
Des noces passeront, aux « beaux jours » étouffants,
sur la grand’route, au grand soleil, et sur deux rangs.
De très longs cortèges de noces campagnardes
avec de beaux habits dont tout le monde parle
Et de petits enfants, dans la noce, effarés,
auront de très petits « gros chagrins » ignorés…
— Je songe à l’Un, petit garçon, qui me ressemble
et, les matins légers de printemps, sous les trembles,
à cause du ciel tiède et des haies d’églantiers,
parce qu’il était seul, qu’on l’avait invité,
se prenait à rêver à la noce d’Été :
« … On me mettra peut-être – on l’a dit – avec Elle
qui me fait pleurer dans mon lit, et qui est belle…
(Si vous saviez – les soirs, quelquefois – ô mamans,
les pleurs de tristesse et d’amour de vos enfants !)
« … J’aurai mon grand chapeau de paille neuve et blanche ;
sur mon bras la dentelle envolée de sa manche… »
— Et je rêve son rêve aux habits de Dimanche.
« … Oh ! le beau temps d’amour et d’Été qu’il fera,
Et qu’elle sera douce et penchée, à mon bras.
J’irai à petits pas. Je tiendrai son ombrelle.
Très doucement, je lui dirai « Mademoiselle »
d’abord – Et puis, le soir, peut-être, j’oserai,
si l’étape est très longue, et si le soir est frais,
serrer si fort son bras, et lui dire si près,
à perdre haleine, et sans chercher, des mots si vrais
qu’elle en aura « ses » yeux mouillés – des mots si tendres
qu’elle me répondra, sans que personne entende… »
— Et je songe, à présent, aux mariées pas jolies
qu’on voit, les matins chauds, descendre des mairies
Sur la route aveuglante, en musique, et traîner
des couples en cortège, aux habits étrennés.
Et je songe, dans la poussière de leurs traînes
où passent, deux à deux, les fillettes hautaines
les fillettes en blanc, aux manches de dentelles,
Et les garçons venus des grandes Villes – laids,
avec de laids bouquets de fleurs artificielles,
— je songe aux petits gars oubliés, affolés
qu’on n’a mis, « au dernier moment », avec personne
— aux petits gars des bourgs, amoureux bousculés
par le cortège au pas ridicule et rythmé
— aux petits gars qui ne s’en vont avec personne
dans le cortège qui s’en va, fier et traîné
vers l’allégresse sans raison, là-bas, qui sonne.
— Et tout petits, tout éperdus, le long des rangs,
ne peuvent même plus retrouver leurs mamans.
— Un surtout… qui me ressemble de plus en plus !
un surtout, que je vois – un surtout… a perdu
au grand vent poussiéreux, au grand soleil de joie,
son beau chapeau tout neuf, blanc de paille et de soie
et je le vois… sur la route… qui court après
– et perd le défilé des « Messieurs » et des « Dames » –
court après – et fait rire de lui – court après,
aveuglé de soleil, de poussière et de larmes…
La vie est un’ bobin’ de fil
J’ai eu treize ans au mois d’avril
Et je me sens vieillir très vite
Mais on m’appelle ma petite,
Une petite ?
On me donne encore des bonbons
Et je peux entrer au salon
Mais j’ai gardé mes habitudes,
Je n’aime pas la solitude
Car je voudrais rester toujours
Petite fille.
Jouer à la corde dans la cour,
Ou bien aux billes.
C’est si bon de désobéir.
Ah! cela m’ennuie de vieillir !
REFRAIN :
J’aime boire de l’encre
Et manger du papier buvard
C’est bon, c’est doux,
C’est rose et mou.
J’aime boire de l’encre
Et manger du papier buvard.
Cela sèche toute la bouche
Et ça agace les dents
Ça fait rêver d’un rêve ardent
Et farouche !
On oublie tout, on est heureuse
La vie est merveilleuse
Et droite comme un boulevard
En mangeant du papier buvard.
2
Adieu poupée, adieu leçons
Il va falloir fair’ des façons.
Le mois prochain je serai vieille
On m’appell’ra Mademoiselle,
Mademoiselle ?
On m’emmèn’ra danser au bal
Je pourrai sans faire de mal
Mettre du rouge et fair’ des choses,
On me donn’ra des bouquets d’ roses.
Ça m’ennuiera j’aim’ pas les fleurs
Ni le rouge à lèvres.
J’ai mal aux dents, j’ai mal au cœur
Et j’ai la fièvre.
Cette vie est triste à mourir
Ah ! cela m’ennuie de vieillir.
REFRAIN
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Mon coeur s’ouvrit à mille sentiments de plaisir
dont je n’avais jamais eu l’idée.
Une douce chaleur se répandit dans toutes mes veines.
J’étais dans une espèce de transport,
qui m’ôta pour quelque temps la liberté de la voix
et qui ne s’exprimait que par mes yeux.
Mademoiselle Manon Lescaut,
c’est ainsi qu’elle me dit qu’on la nommait,
parut fort satisfaite de cet effet de ses charmes