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Poésie

Posts Tagged ‘mandragore’

Seul (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2022




    
Seul

Seul debout.
Seul assis.
Seul couché.
Seul sur the gril.
Seul écartelé par les chevaux de labour
dont il ne voyait que les croupes.
Seul pendu et son sperme devint mandragore.
Seul dans la vitesse qui n’est pas,
dans la minute qui n’est pas,
dans l’espace qui n’est pas,
dans le temps qui n’est pas,
dans l’éternité qui n’est pas,
dans l rien qui ne l’est pas,
dans le vide plein de boue.

Seul dans un bloc de quartz ignoble,
dans un iceberg en voyage.
Seul avec la solitude qui n’en est pas une.
Avec la lune qui fut sans être.
Avec ses pas qui n’en sont pas.
Avec ce tison qui se croûte et qui brûle au milieu
et se croûte et brûle dans un songe qui n’est même pas un songe.
Seul avec le sommeil du condamné à mort.

***

Alone

Alone standing.
Alone sitting.
Alone lying down.
Alone on the grille.
Alone drawn and quartered by workhorses,
seeing only their rumps.
Alone hanging, ejaculating a mandrake.
Alone in the quickness that isn’t,
in the minute that isn’t,
in the space that isn’t,
in time that isn’t,
in eternity that isn’t,
in the nothing that isn’t,
in an emptiness full of mud.
Alone in a corrupted chunk of quartz,
in an iceberg floating by.
Alone in solitude that isn’t.
With a moon that was without being.
With his footsteps that aren’t footsteps.
With this ember that crusts over and burns at its center,
and crusts and burns in a dream that isn’t even a dream.
Alone in the sleep of the condemned to death

Translated by Mary-Sherman Willis

(Jean Cocteau)

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Minuit (Julien Delmaire)

Posted by arbrealettres sur 29 août 2018



Julien Delmaire
    
Minuit dérobe
Les bijouteries
Contre ta robe
Un diamant cri

Je suis l’alcool
Térébenthine
Je suis la folle
Sur la colline

Criblé d’épines
Je suis l’alcool
L’encre de chine
Sur ton épaule

Je suis le Christ
De Kigali
Et l’améthyste
Qu’on a sali

Je suis l’enfance
Défigurée
Je suis l’offense
De l’emmuré

Syntax error
Bug intégral
Signes d’aurore
Jour minéral

Je veux l’oiseau
Lacrymogène
Aux ras des eaux
Cancérigènes

Je veux ton ventre
Dans la fumée
Mes doigts qui entrent
Pour exhumer

Un oasis
Une métaphore
Ton clitoris
Ta mandragore

Je vois l’oubli
Brisant ses chaînes
La mort partie
Avec la haine

Voici le monde
La vie bégaye
Voici la ronde
Des merveilles

Je te retrouve
Ma Géorgie
Le soleil couve
Ton sein rougi

Le temps caresse
Son vieux piano
Ta voix disperse
Les moineaux

Les nègres écument
La nostalgie
La nuit s’allume
Ma Géorgie…

(Julien Delmaire)

 

Recueil: Turbulences
Traduction:
Editions: Le temps des cerises

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Jeu de la mort de l’infidèle (Armand Lanoux)

Posted by arbrealettres sur 26 août 2018



Jeu de la mort de l’infidèle

Une fleur de porcelaine
pour la fille pour ma haine.
Une fleur à fleur de peau
pour la fille au bord de l’eau.
Une rose d’épouvante
pour la fille mal aimante.
Une fleur de mandragore
pour apprivoiser sa mort.
Une langueur sans remède
pour qu’elle devienne laide
comme son coeur
une langueur
pour qu’elle meure
pour qu’elle en meure.
La nuit appelle en frémissant
les barons morts aux mains de sang.
La nuit appelle en frémissant
les hérons morts près de l’étang.
La nuit appelle en frémissant
les amants morts aux gants de vent.
La nuit appelle en frémissant
hérons barons morts tes amants.

(Armand Lanoux)


Illustration

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Mandragore (Armand Lanoux)

Posted by arbrealettres sur 12 juillet 2017



Mandragore

Mandragore naquit des larmes
d’un amant à l’orme pendu
d’un amoureux las des alarmes
d’un amour qui s’était perdu.

Alors la secrète racine
prit forme de femme et de fleur
et promit des amours faciles
sous la lanterne des voleurs.

Vint le jour où la Mandragore
trouvant un chevalier charmant
connut les fourmis qui dévorent
le cœur de ceux qui sont amants.

Bel ami de la Mandragore
ta fiancée est le malheur
et les oiseaux du mal picorent
ta bouche et le cœur de ton cœur.

Viens avec moi homme que j’aime
mange la pomme qui endort
je suis la mauvaise sirène
qui mène aux noces de la mort.

(Armand Lanoux)


Illustration

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Oh vite, rallume la flamme (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2017



Hommage aux anges
[11]

Oh vite, rallume la flamme
avant que refroidisse la substance,

car soudain nous vîmes ton nom
profané ; gredins et imbéciles

ont abusé de toi avec impiété,
Vénus, car vénérien veut dire impur

et Vénus en tant que désir
est vénérienne, luxurieuse,

tandis que la racine même du mot hurle
telle une mandragore quand les sorcières tirent

sur sa tige à minuit,
et mandragora, si rare, est elle-même,

dit-on, pleine de poison,
aliment pour l’antre des sorcières.

[12]

Vite, rallume la flamme,
Aphrodite, nom sacré,

Astarté, coque, espars
d’épaves après perte de ton étoile,

oubliée la lumière au coucher,
oubliée la prière au lever ;

reviens, ô la plus sacrée,
Vénus dont le nom est lié
à vénérer,
vénérateur.

***

O swiftly, re-light the flame
before the substance cool,

for suddenly we saw your name
desecrated; knaves and fools

have done you impious wrong,
Venus, for venery stands for impurity

and Venus as desire
is venereous, lascivious,

while the very root of the word shrieks
like a mandrake when foul witches pull

its stem at midnight,
and rare mandragora itself

is full, they say, of poison,
food for the witches’ den.

Swiftly re-light the flame,
Aphrodite, holy name,

Astarte, hull and spar
of wrecked ships lost your star,

forgot the light at dusk,
forgot the prayer at dawn;

return, O holiest one,
Venus whose name is kin

to venerate,
venerator.

(Hilda Doolittle)

Illustration: JeanLéon Gérôme

 

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Pavots (Ana Mafalda Leite)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2017



 

Illustration
    

Pavots

Je suis opiacée de toi
et tu parcours tous mes nerfs
avec des pavots des papillons rouges

mon corps est entrelacé de rêves
et il les sent qui cheminent par-dedans

je t’aspire
comme si l’air me manquait
et les parfums dansent en moi

quelque chose comme une drogue bien forte
corps et âme
récitent de petites prières
gestes rythmés en t’étreignant comme qui étreint
des rêves

chose étrange

opiacée je dois être ou seulement vêtue de pavots et
de beaucoup de soleil avec des lunes par-dedans

pour pouvoir mâcher ces rêves
réels comme des mandragores

(Ana Mafalda Leite)

 

Recueil: L’inventaire des choses (Anthologie)
Traduction: Marie-Claire Vromans
Editions: Action Poétique

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