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Poésie

Posts Tagged ‘marge’

Lisières (Olivier Adam)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023



Illustration: Adieu les cons
    
Lisières

en lisière
à l’orée
en ceinture

à la marge
aux confins
en bordure

aux frontières
aux contours

aux limites
au carrefour

en lisière
et nulle part
les lueurs
les pleins phares

mais qui sait où est le centre
et de quoi nous faisons le tour

(Olivier Adam)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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J’aurais pu dire… (Bernard Pivot)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023




    
J’aurais pu dire :
Vieillir, c’est désolant, c’est insupportable,
C’est douloureux, c’est horrible,
C’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant »
Parce que c’est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé
et l’on sait encore moins quand ça finira.

Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau.

On se sentait conquérant.
Invulnérable.
La vie devant soi.
Même à cinquante ans, c’était encore très bien…. Même à soixante.

Si, si, je vous assure,
j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà,
entre-temps j’ai vu le regard des jeunes…..
Des hommes et des femmes dans la force de l’âge
qui ne me considéraient plus comme un des leurs,
même apparenté, même à la marge.

J’ai lu dans leurs yeux
qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.

Sans m’en rendre compte,
j’étais entré dans l’apartheid de l’âge.

Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect »,
« En hommage respectueux »,
« Avec mes sentiments très respectueux ».

Les salauds !
Ils croyaient probablement me faire plaisir
en décapuchonnant leur stylo plein de respect ?
Les cons !

Et du ‘cher Monsieur Pivot’ long et solennel
comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres
qui vous fiche dix ans de plus !

Un jour, dans le métro, c’était la première fois,
une jeune fille s’est levée pour me donner sa place…
J’ai failli la gifler.
Puis la priant de se rasseoir,
je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux,
si je lui étais apparu fatigué. !!!… ?

– « Non, non, pas du tout,
a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que”.
– Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? »
– « Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus,
que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. »
– « Parce que j’ai les cheveux blancs ? »
– « Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout
et comme vous êtes plus âgé que moi, ça a été un réflexe, je me suis levée. »
– « Je parais beaucoup… beaucoup plus âgé que vous ? »
– « Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge. »
– « Une question de quoi, alors ? »
– « Je ne sais pas,
une question de politesse, enfin je crois. »

J’ai arrêté de la taquiner,
je l’ai remerciée de son geste généreux
et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.

Lutter contre le vieillissement
c’est, dans la mesure du possible,
ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages,
ni aux spectacles, ni aux livres,
ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.

Rêver, c’est se souvenir,
tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder
entre le désir et l’utopie.

La musique est un puissant excitant du rêve.
La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil
en écoutant soit l’Adagio du Concerto n° 23 en La majeur de Mozart,
soit, du même, l’Andante de son Concerto n° 21 en Ut majeur,
musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés
les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement.
Nous ignorons à combien se monte encore notre capital.
En années ? En mois ? En jours ?

Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables,
il faut jouir sans modération.

Après nous, le déluge ?…
Non, Mozart.

(Bernard Pivot)
    

    

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À l’improviste (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2023



    

À l’improviste
des tableaux des images
ce qui se faufile se transmet malgré

nommer
ces glissements
à la croisée des routes

lentement
déchiffrer ces séquences
leur lumière
leur envers

l’ombre portée du monde

écrire dans l’écart
des marges différentes
une langue désordonnée
permet de voir dans la nuit

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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AH ! TE CLOUER … (Jean Orizet)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2022




    
AH ! TE CLOUER …

Ah ! te clouer sur cette marge de vieux silence où
se tarit le coeur
mon bel oiseau de prairie, d’orage et de mousse bleue mon
bel oiseau criblé de soleil

Te laisser devenir cette fraîcheur envahissante
ce tiède refuge à la naissance de ta nuque
et ce lac de montagne où mon oeil coule à pic
Te rêver fougère arborescente, puis, au-delà du rêve,
te décimer farouchement pour que jaillissent
des clairières où t’aimer au milieu du jour
ma fille de miel et d’ambre.

(Jean Orizet)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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Solitude (Miroslav Antić)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2021



     


    
Solitude

Tu reconnaîtras ta force
à ta capacité
à résister à la solitude.

Les étoiles géantes sont seules
en marge de l’espace.
Les petites et les confuses
se tassent en galaxies.

La semence du séquoia choisit les clairières
riches en soleil, ouragan et oxygène.
La semence des fougères se niche dans les forêts vierges.

L’aigle n’a jamais eu besoin
de faire la connaissance d’un autre aigle.
Les fourmis ont inventé les peuples.

Tu reconnaîtras ta force
à ta capacité
à surmonter l’instant présent,
car l’instant présent est plus dur,
plus terrible et plus long
que le temps, que l’éternité.

***

Самоћа

Своју снагу препознаћеш по томе
Колико си у стању
Да издржиш самоћу.

Џиновске звезде самују
На ивицама свемира.
Ситне и збуњене
Сабијају се у галаксије.

Семе секвоје бира чистине
Са много сунца, урагана и ваздуха.
Семе папрати завлачи се у прашуме.

Орао никад није имао потребу
Да се упозна са неким другим орлом.
Мрави су измислили народе.

Своју снагу препознаћеш по томе
Колико си у стању
Да пребродиш тренутак,
Јер тренутак је тежи
И страшнији и дужи
Од времена и вечности.

(Miroslav Antić)

 

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

et … lui-même ici: serbica.u-bordeaux-montaigne
Recueil:
Traduction: Traduit du serbe par Boris Lazić
Editions:

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CHOSES QUI FONT QU’ON SE DEMANDE POURQUOI ON EST TRISTE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2020



    

CHOSES QUI FONT QU’ON SE DEMANDE POURQUOI ON EST TRISTE

Écoute Est-ce le vent ? Écoute Réveille-toi
Est-ce un renard ? Le vent ? Est-ce un pas ? Qui hésite ?
Est-ce un oiseau de nuit clopinant sur le toit ?
Est-ce un chagrin de mes dix ans ayant rejoint ma piste ?

Ou bien l’hésitation à la marge des bois
d’une bête en suspens entre l’ombre et la fuite ?

Écoute On a marché Il faudrait aller voir
C’est peut-être le vent qui fait battre un volet
dans une maison basse au fond de ma mémoire
que j’ai oublié de fermer avant de m’en aller
pour toujours il y a des années
et le volet n’en finit pas dans une autre nuit noire
de battre sur le mur disparu comme si le mur et lui existaient.

Écoute Est-ce la pluie ou bien le vent dehors
qui font glisser le long du silence étonné
le chuchotis furtif d’une averse qui s’endort
puis qui reprend fait halte encore et recommence à pianoter ?
Ai-je rêvé que je pleurais ? Ai-je rêvé que j’étais mort ?
Et maintenant est-ce la pluie sur cette joue ou les larmes que j’ai rêvées ?

Était-ce toi qui m’attendais minuit d’une autre vie ?
Je me suis égaré J’ai cherché très longtemps l’orée et le chemin
J’ai dû marcher des heures dans l’humus sous la pluie
et quand j’ai reconnu la barrière l’allée d’ormeaux le grand pin
qui donc était sur le seuil soulevant la lampe à pétrole dans la nuit ?
(et dans la cheminée brûlait un grand feu qui sentait la lavande et le pin)

Écoute C’est le vent qui se trompe d’années
qui confond les saisons les pays mon absence
le vent qui ne sait plus où il s’est égaré
C’est lui qui bat Ou bien mon coeur À quoi pense
t-il ? Il bat si loin de moi comme à la dérobée
Est-ce que tu te souviens de la promesse d’enfance ?

On a frappé Je vais ouvrir Ce n’est que moi
Je venais visiter celui que j’ai cru être
Où est la lampe ? Qui a éteint le feu de bois ?
Je passais par ici Il y avait autrefois une allée de grands hêtres
Non C’étaient des ormeaux On les a abattus
Je vais repartir Ne vous occupez pas Il fait déjà froid

Ce n’est que moi Et je m’en vais Odeur d’hiver et de salpêtre
Écoute Est-ce le vent ? Était-ce moi ? Une heure sonne

Ce n’est que moi Ou bien le vent Ou bien personne

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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Tes absences (Emmelie Prophète)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2019



 

Dimitar Voinov Jr  (9)

Tes absences sont souvent revenues tirer ma mémoire de son sommeil.
Une histoire de vieux livres, de tristesses sur commande.
Et ça se remplit à ras bord de mes mains qui te suivent partout.
Tu n’as jusqu’ici regardé la vie que par le bas des marges à remplir.

(Emmelie Prophète)

Illustration: Dimitar Voinov

 

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Entre mots et néant (Évelyne Trouillot)

Posted by arbrealettres sur 28 mars 2019



 

Guy Baron

Entre mots et néant
l’encre trébuche
devant l’angoisse de naître
Comment garder
le poids de ta main
au chaud dans cette blessure
exclusivement mienne?

Amour des espaces interdits
rejoins-moi
en marge de ce qui fut

(Évelyne Trouillot)

Illustration: Guy Baron

 

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QUELQUE CHOSE… (Jules Tordjman)

Posted by arbrealettres sur 17 septembre 2018



Quelque chose passe en fraude
Les marges de ma raison
Et prend feu sur l’émeraude
Suspendue à l’horizon.

Falaise tu t’ouvres seule.
Sang inerte tu repars.
Brasillement de la meule
Aiguiseuse des regards.
Quelque chose vibre, fuse

Puis installe dans ma voix
La miraculeuse ruse
Des rires cloués en croix.

Quelque chose qui pénètre :
Épée, épineuse fleur,
Cri vif au centre de l’être,
Arête de la douleur.

(Jules Tordjman)

 

 

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EN MARGE (Jean-Pierre Lemaire)

Posted by arbrealettres sur 22 juillet 2018




Illustration: ArbreaPhotos
    
EN MARGE

Cet été, les montagnes sont restées lointaines.
Autour de ta chaise,
tu ramasses au hasard
pommes tombées, brindilles, feuilles rousses.
Tu regardes sur le mur
les pas perdus de l’ombre qui s’agite
et s’évapore au crépuscule.
L’espérance
est en dehors du spectre,
dans l’infrarouge ou l’ultraviolet,
sensible seulement
à l’instinct muet, aux animaux de l’âme.

(Jean-Pierre Lemaire)

 

Recueil: Figure humaine
Traduction:
Editions: Gallimard

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