N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que de lui dire «Je t’aime» en tombant à genoux?
N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que pleurer de bonheur en riant comme un fou
Que couvrir de tendresse nos païennes amours
C’est fleurir de prières chaque nuit, chaque jour?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que semer nos chemins, de simple poésie?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que voir en chaque chose, une chose jolie
Que chanter pour l’enfant qui bientôt nous viendra
C’est chanter pour l’Enfant qui repose en vos bras?
Mariée jeune à un marchand-voyageur
Jour après jour attendre en vain son retour
Si j’avais su combien fidèle était la marée
J’aurais épousé, pour sûr, un joueur de vagues
(Li Yi)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
Je garderai longtemps cette image nouvelle
cet enthousiasme, cet envol d’angelots.
Deux mariées si belles dans leurs robes de neige
dans leur bonheur immense et leurs rires d’enfants.
Deux mariées nouvelles qui remercient le maire
et descendent les marches en se tenant la main.
Les familles sont là, toutes endimanchées,
les petits en blue-jean font une ronde folle
et les vieux ébahis rient encor de leurs craintes.
Deux mariées si belles dans leurs robes de neige
font un grand souffle d’air au plus large du ciel
tout est roses fleuries, tout est blanc, tout est doux,
et le désir palpite entre leurs baisers fous.
Pas de curés, de trouble-fêtes, d’hommes vêtus de noir
personne pour leur dire le chemin qu’il faut suivre.
Rien que deux mariées folles
dans leur bonheur d’amour.
(Danielle Julien)
Traduit de l’occitan par l’autrice.
Recueil: Voix Vives de méditerranée en méditerranée Anthologie Sète 2019
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
avec le bout de ma langue j’allaitais les fautes.
ZEYNEP KOYLU
I
Le hennissement d’un cheval
déchire la housse du sommeil,
réajuste les images
et le tilleul bréhaigne frémit.
Le maçon, un homme sans visage,
décharge des briques crues et des pierres
devant la porte branlante.
Le muret et le four ancien
reviennent à leurs places
et moi, fillette de cinq ans,
je cours autour de la claie et je pleure
pendant que le cochon mord à belles dents
ma poupée de chiffon,
l’unique,
comme toutes les amours uniques
que le temps disjoint,
comme s’il voulait vérifier
l’endurance du cœur.
Personne ne m’entend.
Les araignées tissent des voiles de mariée
sur le poirier en fleur,
le maçon, impassible, taille
des pierres pour une nouvelle maison
dans laquelle il n’entrera pas.
Si je l’avais appelé,
si j’avais dit grand-père,
aurait-il entendu le sang ?
II
Je n’ai jamais prononcé à haute voix
son nom
que j’apprenais d’une photo,
clouée sur une poutre au grenier.
Les silences de mon père,
les oiseaux de l’accusation
dans les yeux de maman
à cause d’un péché d’autrui
rongeant le sang de la descendance.
Le sommeil rend des mots oubliés
et m’apprend les mantras de la nuit
que la vie passe sous silence.
Son nom est un chaton apeuré
enfoui sous le lit de ma langue.
Je l’épelle en sourdine
avec la persistance de quelqu’un
qui ne veut pas se réveiller
avant de réécrire le songe
de sa vie.
(Aksinia Mihaylova)
Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard
CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE
(À une petite fille)
— Un peu plus d’ombre sous les marronniers des places,
Un peu plus de soleil sur la grande route lasse…
Des noces passeront, aux « beaux jours » étouffants,
sur la grand’route, au grand soleil, et sur deux rangs.
De très longs cortèges de noces campagnardes
avec de beaux habits dont tout le monde parle
Et de petits enfants, dans la noce, effarés,
auront de très petits « gros chagrins » ignorés…
— Je songe à l’Un, petit garçon, qui me ressemble
et, les matins légers de printemps, sous les trembles,
à cause du ciel tiède et des haies d’églantiers,
parce qu’il était seul, qu’on l’avait invité,
se prenait à rêver à la noce d’Été :
« … On me mettra peut-être – on l’a dit – avec Elle
qui me fait pleurer dans mon lit, et qui est belle…
(Si vous saviez – les soirs, quelquefois – ô mamans,
les pleurs de tristesse et d’amour de vos enfants !)
« … J’aurai mon grand chapeau de paille neuve et blanche ;
sur mon bras la dentelle envolée de sa manche… »
— Et je rêve son rêve aux habits de Dimanche.
« … Oh ! le beau temps d’amour et d’Été qu’il fera,
Et qu’elle sera douce et penchée, à mon bras.
J’irai à petits pas. Je tiendrai son ombrelle.
Très doucement, je lui dirai « Mademoiselle »
d’abord – Et puis, le soir, peut-être, j’oserai,
si l’étape est très longue, et si le soir est frais,
serrer si fort son bras, et lui dire si près,
à perdre haleine, et sans chercher, des mots si vrais
qu’elle en aura « ses » yeux mouillés – des mots si tendres
qu’elle me répondra, sans que personne entende… »
— Et je songe, à présent, aux mariées pas jolies
qu’on voit, les matins chauds, descendre des mairies
Sur la route aveuglante, en musique, et traîner
des couples en cortège, aux habits étrennés.
Et je songe, dans la poussière de leurs traînes
où passent, deux à deux, les fillettes hautaines
les fillettes en blanc, aux manches de dentelles,
Et les garçons venus des grandes Villes – laids,
avec de laids bouquets de fleurs artificielles,
— je songe aux petits gars oubliés, affolés
qu’on n’a mis, « au dernier moment », avec personne
— aux petits gars des bourgs, amoureux bousculés
par le cortège au pas ridicule et rythmé
— aux petits gars qui ne s’en vont avec personne
dans le cortège qui s’en va, fier et traîné
vers l’allégresse sans raison, là-bas, qui sonne.
— Et tout petits, tout éperdus, le long des rangs,
ne peuvent même plus retrouver leurs mamans.
— Un surtout… qui me ressemble de plus en plus !
un surtout, que je vois – un surtout… a perdu
au grand vent poussiéreux, au grand soleil de joie,
son beau chapeau tout neuf, blanc de paille et de soie
et je le vois… sur la route… qui court après
– et perd le défilé des « Messieurs » et des « Dames » –
court après – et fait rire de lui – court après,
aveuglé de soleil, de poussière et de larmes…
Le ciel est comme la traîne de la mariée que les enfants viennent toucher pour y croire.
Le ciel, c’est de pressentir que tout ce que je ne mettrai pas au monde de gratitude et de célébration n’y sera pas.
Le ciel, c’est la reddition, la fin de la croisade, les armes baissées. C’est la goutte de miel de l’instant sur la langue.
J’ai beaucoup fait pour ce monde quand je suspends ma course pour dire merci…
(Christiane Singer)
Recueil: Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
Traduction:
Editions: LE LIVRE DE POCHE
Je pense à tes yeux qui trouent les nuages
Je pense à ton visage
N’oublie pas petite
Que les nuits et les jours sont mariés à jamais
Je pense à la marraine du vent
Qui a jeté sa coiffe au fond des mares noires
Je pense à tes yeux
Je pense à ton corps à sa soif d’orage à sa soif d’eau pure
Crois-moi petite les jours et les nuits
Ont même visage aux cendres de l’amour
N’oublie pas
N’oublie pas petite que l’amour est un fruit
Pour tant de mains tremblant dans le feuillage du soir
Je pense à tes seins qu’un sanglot gonfle encore
Je pense à tes yeux qui se ferment lentement
Crois-moi petite
Et n’oublie pas que l’amour vient vite
Et n’oublie pas ces nuits qui ne sont pas venues
Et n’oublie pas ces joies passées on ne sait où
Et n’oublie pas que l’amour s’en va vite