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Posts Tagged ‘martyre’

Qu’est-ce que l’amour ? (Jean Baptiste Joseph Willart de Grécourt)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022




    
Qu’est-ce que l’amour ?

C’est ce lutin qui fait qu’on ne dort pas,
Qu’on ne vit qu’à demi, qu’à toute heure on soupire,
Qui, dès le grand matin, tourne en hâte nos pas
Vers un objet qui fait notre martyre ;

C’est ce charmant accord qui nous force d’aimer,
C’est ce je-ne-sais-quoi qu’on ne peut exprimer :
En un mot, c’est ce feu toujours insatiable
Qui nous dévore et nous suit en tout lieu.

Plusieurs disent que c’est un dieu,
Pour moi je crois que c’est un diable.

(Jean Baptiste Joseph Willart de Grécourt)

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THÈME SENTIMENTAL (Emile Nelligan)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2021



THÈME SENTIMENTAL

Je t’ai vue un soir me sourire
Dans la planète des Bergers :
Tu descendais à pas légers
Du seuil d’un château de porphyre.

Et ton oeil de diamant rare
Éblouissait le règne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare,

Ta voix me hante en sons chargés
De mystère et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la planète des Bergers.

(Emile Nelligan)

Illustration: Georges Paul François Laurent Laugée

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Nocturne (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2021



Nocturne

Notre Père qui es aux cieux,
pourquoi m’as-tu donc oubliée ?
Tu t’es souvenu du fruit de l’été
quand tu as blessé sa chair de rubis.
Moi je porte aussi blessure à mon flanc,
mais tu ne veux pas regarder vers moi !

Tu t’es souvenu de la grappe noire
et tu l’as donnée au pressoir carmin ;
du peuplier as dispersé les feuilles
avec ton haleine, dans l’air subtil.
Mais dans le vaste pressoir de la mort
tu ne veux encor fouler ma poitrine !

En marchant, j’ai vu s’ouvrir les violettes
mes lèvres ont bu du vent le falerne
et j’ai abaissé, jaunes, mes paupières,
ne voulant plus voir Janvier ni Avril.
J’ai crispé la bouche et j’ai refoulé
la strophe et son flux qui ne doit couler.
Tu as blessé le nuage de l’Automne,
mais tu ne veux pas te tourner vers moi !

Celui qui baisa ma joue m’a trahie ;
i1 m’a reniée pour ma robe de pauvre.
Mon visage en sang lui avais offert
dans ma poésie, comme Toi au linge.
Pour ma nuit au Jardin des Oliviers
Jean a été lâche et l’Ange, ennemi.

L’infinie fatigue est venue enfin,
jusque dans mes yeux elle s’est fichée :
fatigue du jour en train de mourir
et de l’aube qui doit lui succéder ;
fatigue du ciel quand il est étain
et fatigue aussi du ciel indigo !

Je délace ma sandale martyre
et, tresses dénouées, demande à dormir.
Perdue dans la nuit, j’élève vers Toi
cette clameur-1à que tu m’as apprise :
Notre Père qui es aux cieux,
pourquoi m’as-tu donc oubliée !

(Gabriela Mistral)

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Écoutez ! (Vladimir Maïakovski)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2019


 


 

Sarolta Bán n-03 [1280x768]

Écoutez !
Puisqu’on allume les étoiles,
c’est qu’elles sont à
quelqu’un nécessaires?
C’est que quelqu’un désire
qu’elles soient?
C’est que quelqu’un dit perles
ces crachats?
Et, forçant la bourrasque à midi des poussières,
il fonce jusqu’à Dieu,
craint d’arriver trop tard, pleure,
baise sa main noueuse, implore
il lui faut une étoile!
jure qu’il ne peut supporter
son martyre sans étoiles.

Ensuite,
il promène son angoisse,
il fait semblant d’être calme.
Il dit à quelqu’un :
 » Maintenant, tu vas mieux,
n’est-ce pas? T’as plus peur ? Dis ?  »

Écoutez !
Puisqu’on allume les étoiles,
c’est qu’elles sont à quelqu’un nécessaires ?
c’est qu’il est indispensable,
que tous les soirs
au-dessus des toits
se mette à luire seule au moins
une étoile?

(Vladimir Maïakovski)

Illustration: Sarolta Bán

 

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Rescousse (Tristan Corbière)

Posted by arbrealettres sur 2 août 2019



 

David Alfaro Siqueiros hart-crane-1931

Rescousse

Si ma guitare
Que je répare,
Trois fois barbare :
Kriss indien,

Cric de supplice,
Bois de justice,
Boîte à malice,
Ne fait pas bien…

Si ma voix pire
Ne peut te dire
Mon doux martyre…
– Métier de chien ! –

Si mon cigare,
Viatique et phare,
Point ne t’égare ;
– Feu de brûler…

Si ma menace,
Trombe qui passe,
Manque de grâce;
– Muet de hurler…

Si de mon âme
La mer en flamme
N’a pas de lame ;
– Cuit de geler…

Vais m’en aller !

(Tristan Corbière)

Illustration: David Alfaro Siqueiros

 

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L’âpre fureur de mon mal véhément (Philippe Desportes)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2019



 

 

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L’âpre fureur de mon mal véhément
Si hors de moi m’étrange et me retire
Que je ne sais si c’est moi qui soupire,
Ni sous quel ciel m’a jeté mon tourment.

Suis-je mort ? Non, j’ai trop de sentiment,
Je suis trop vif et passible au martyre.
Suis-je vivant ? Las ! je ne le puis dire,
Loin de vos yeux par qui j’ai mouvement !

Serait-ce un feu qui me brûle ainsi l’âme ?
Ce n’est point feu : j’eusse éteint toute flamme
Par le torrent que mon deuil rend si fort.

Comment, Belleau, faut-il que je l’appelle ?
Ce n’est point feu que ma peine cruelle,
Ce n’est point vie, et si ce n’est point mort.

(Philippe Desportes)

Illustration: Robert Liberace

 

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LE MARTYRE DE SAINTE EULALIE (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2019



 

MARTYRE DE SAINTE EULALIE

 

LE MARTYRE DE SAINTE EULALIE

PANORAMA DE MERIDA

Dans la rue court et bondit
Un cheval à la queue longue
Tandis que jouent où sommeillent
Quelques vieux soldats de Rome.
Une futaie de Minerves
Ouvre mille bras sans feuilles.
De l’eau suspendue redore
Les arêtes de rochers.
Une nuit faite de torses,
D’étoiles au nez cassé,
Attend les fentes de l’aube
Pour s’écrouler toute entière.
De temps à autre résonnent
Des jurons à crête rouge.
Les soupirs de l’enfant sainte
brisent le cristal des coupes.
La roue aiguise ses lames
et ses crochets suraigus.
Le taureau des forges brame
Et Mérida se couronne
De nards presque réveillés
et de mûres sur leurs tiges.

LE MARTYRE

Voici Flore nue qui monte
De petits escaliers d’eau. .
Le Consul veut un plateau
Pour les deux seins d’Eulalie.
De la gorge de la sainte
Sort un jet de veines vertes.
Son sexe tremble, embrouillé
Comme un oiseau dans les ronces
Sur le sol, déjà sans norme,
Sautent ses deux mains coupées
Pouvant encore se .croiser
Dans une prière ténue,
Ténue mais décapitée.
Et par les trous purpurins
Où naguère étaient ses seins
On voit des ciels tout petits
Ét des ruisseaux de lait blanc.
Mille petits arbres de sang
Opposent leurs troncs humides
Aux mille bistouris du feu.
De jaunes centurions,
Chair grise ayant mal dormi,
Vont au ciel entrechoquant
Leurs armures en argent.
Pendant que vibre confuse
Une passion de crinières
Et d’épées longues et courtes
Le Consul sur son plateau
Tient les seins fumés d’Eulalie.

ENFER ET GLOIRE

La neige ondulée repose.
Éulalie pend à son arbre.
Sa nudité de charbon
Charbonne les airs glacés.
La nuit tendre brille haut.
Eulalie morte dans l’arbre.
Tous les encriers des villes
Versent l’encre doucement.
Noirs mannequins de tailleurs
Vous couvrez la neige au loin.
Vos longues files gémissent
Un silence mutilé.
La neige vient à tomber.
Eulalie blanche dans l’arbre.
Des escadrons de nickel
Joignent à son flanc leurs lances.
On voit luire un ostensoir
Sur un fond de ciels brûlés
Entre des gorges d’eau douce,
Des bouquets de rossignols.
Sautez, vitres de couleurs !
Eulalie blanche sur neiges.
Des anges, des séraphins
Disent : Sainte, sainte, sainte.

(Federico Garcia Lorca)

Illustration: Bernardo Martorell

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Pour vos beaux yeux qui me vont consumant (Vincent Voiture)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2018



Loetitia Pillault_372_p

Pour vos beaux yeux qui me vont consumant,
L’Amour n’a point de peine et de tourment,
De feu cuisant, ny de cruel martyre,
Que de bon coeur je ne voulusse élire,
Et qu’on ne doive endurer doucement.

Tout l’Univers n’a rien de si charmant,
Et s’il estoit sous mon commandement,
Je quitterois volontiers son empire
Pour vos beaux yeux.

Toute la cour vous sert également ;
Mais quant à moy, si je vous vais aimant,
Ne croyez pas que par là je desire
Cette faveur où tout le monde aspire
Car je vous ayme et vous sers seulement
Pour vos beaux yeux.

(Vincent Voiture)

Illustration: Loetitia Pillault

 

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Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous (André Mage de Fiefmelin)

Posted by arbrealettres sur 19 juin 2018



Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
Où la guerre, la paix, l’amour, la haine, l’ire,
La liesse, l’ennui, le plaisir, le martyre
Se suivent tour à tour et se jouent de nous.

Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
Sous habits déguisés à malfaire et médire.
L’un commande en tyran, l’autre, humble, au joug soupire ;
L’un est bas, l’autre haut, l’un jugé, l’autre absous.

Qui s’éplore, qui vit, qui joue, qui se peine,
Qui surveille, qui dort, qui danse, qui se gêne
Voyant le riche soûl et le pauvre jeûnant.

Bref, ce n’est qu’une farce, ou simple comédie
Dont, la fin des joueurs la Parque couronnant,
Change la catastrophe en triste tragédie.

(André Mage de Fiefmelin)

 

 

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Deuxième anniversaire (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 1 juin 2018




    
Deuxième anniversaire

Non, je n’ai pas pleuré toutes mes larmes
Elles se sont amassées en moi.
Depuis longtemps mes yeux n’en ont plus,
N’en ont plus aucune, et je vois le monde.

Plus rien ne m’étouffe, aucune torture,
Douleur de l’offense, ou de l’absence.
Leur sel, qui brûle tout, s’est glissé
Dans mon sang. Tout est lucide et sec.

J’ai l’impression qu’en quarante et un,
C’était, je crois, le premier jour de juin,
Est apparue, comme sur une soie
Froissée, ton ombre de martyre.

Partout encore s’imprimait le sceau
Des grands malheurs, des récentes menaces.
Et j’ai aperçu ma ville à travers
L’arc-en-ciel des larmes dernières.

(Anna Akhmatova)

 

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