Laisse-moi, laisse-moi me taire,
Que cessent les mots.
Laisse-moi dire une prière
Tout bas, les yeux clos.
Nul ne peut, ni gardes en armes
Grille ou barbelés,
Nul ne peut interdire aux larmes
Tout bas de couler.
Pareils aux arbres de silence,
Vent, ne nous évite,
Mais qu’avec toi nos voeux s’élancent
Vers d’autres zéniths.
Va ton chemin, brise légère,
Va sans trop flâner
Pour porter à ma vieille mère
Mes tendres pensées.
Parmi les yeux de millions d’êtres,
Ceux de ma maman,
Tu sauras bien les reconnaître :
Ils sont différents.
Nul vent ne sèche la rosée
À ses yeux brûlants,
Elle pleure, martyrisée,
Son fils, dans un camp.
Va vite, vent, je lui envoie
Un signe d’amour,
Que ses yeux malades revoient
Son fils, de retour.
Et le vent murmure : est-ce un rire
Ou, secret, un pleur ?
De ma fin déjà, veut-il dire
Qu’ici sonne l’heure ?
Écoute encore, vent, écoute,
Au coeur un sanglot.
Mais le vent a fui sur la route
Et plus un écho.
Maintenant laisse-moi me taire,
Que cessent les mots.
Laisse-moi dire une prière,
Tout bas, les yeux clos.
(Hirsh Glik)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard
Et ces odeurs où la divinité habite,
Odeur de sombre mousse, odeur de scolopendre
Près des ruisseaux vaseux, odeur autant qu’un mythe
Transparente, dont l’âpreté nous vient surprendre
Et violer! Bras noués, torse, cheveux rudes
Sur mes lèvres, chair folle à la mienne enlacée,
Fauve évocation peuplant la solitude
Pour une feuille d’or que le vent a froissée.
Pourquoi ce baiser lourd et qui me martyrise
Reste-t-il à ma bouche embaumé et tenace
Parce que dans la brume où la lande s’enlise
Un peu d’herbe se fane? Ame sanglante et lasse
Autant que la nature ensanglantée et lasse,
Ame avide, à travers ces parfums je devine
Les soupirs du Désir, je le sens qui m’embrasse
Comme un amant pressant son front sur ma poitrine.
Tous les baisers, tous les baisers, premier baiser
Presque en songe, furtif, osant à peine oser,
Baiser qui, stupéfait, s’enfuit de ce qu’il touche,
Baiser plus enhardi qui s’attarde à la bouche,
Papillon, puis abeille y butinant son miel,
Baiser aigle emportant sa proie au fond du ciel,
Baiser cynique en plein soleil qui vous regarde,
Baiser qui dans le cœur entre jusqu’à la garde,
Baiser de nuit trouvant sans lampe d’Aladin
Le Sésame ouvre-toi du plus secret jardin,
Baiser bu d’un seul coup comme un alcool de flamme,
Baiser bu lentement en vieux vin jui réclame
Toute l’attention muette du buveur.
Baiser reçu comme une hostie, avec ferveur.
Baiser riant, baiser pleurant, baiser de rêve
Qui commence en la chair et dans l’âme s’achève,
Tous les baisers, tous les baisers, tous les baisers,
Baisers martyrisants, baisers martyrisés.
Baisers où semblent joints des muffles de chimères.
Baisers de jalousie aux âcretés amères.
Baisers de rage au goût de sang et de poison,
Baisers d’adieu qui râle et Cjui perd la raison.
Baisers déments oii l’on ne sait plus si l’on souffre,
Si l’on jouit, baisers d’azur, baisers de gouffre.
Baisers toujours en rut et jamais apaisés,
Tous les baisers, tous les baisers, tous les baisers,
Tous ceux où l’on sent vivre et mourir tout son être,
Tous ceux qu’on a connus, tous ceux qu’on doit connaître
Tous les baisers, tous à la fois, en composer
Chaque baiser qu’on donne et prend, chaque baiser !
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Les lettres, les mots, les phrases
bornaient nos avenues, nos aventures.
Lorsque je leur ai demandé de définir mon présent,
ils l’ont martyrisé, déchiqueté
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
– C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au coeur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
C’était au beau milieu de notre tragédie
Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
A ranimer les fleurs sans fin de l’incendie
Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C’était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assis à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie.