Aujourd’hui
en allant au travail
j’ai fait un détour
par le quai du vieux port
j’ai vu dans la brume matinale
beaucoup de navires immobiles
je ne pensais à rien
mais ce que j’ai ressenti, et j’ai voulu le dire,
c’est que je ne suis pas
à bord de l’un d’eux.
J’ai observé les mouettes qui miroitaient
en poussant leurs cris
elles ont toujours signifié pour moi
des corbeaux blancs
mais ce que j’ai ressenti, et j’ai voulu le dire,
c’est que je ne suis pas
l’un d’eux.
Le temps m’a rattrapé
alors j’ai tourné le dos à la mer
indifférent à tout
beaucoup de gens m’ont dépassé
certains ont échangé un salut avec moi
mais ce que j’ai ressenti, et je ne veux pas le dire,
c’est que je ne suis pas
l’un d’eux…
***
(Mundhr Masri)
Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral
Regarder cette divinité sylvestre
(façon de lui rendre hommage)
est manière de prière matinale :
devant mon lare,
toute pensée étrangère me quitte,
je glisse en mon for intérieur.
À la fois identique à lui-même
et nouveau par quelque élément changeant,
il m’invite à un exercice quotidien de vigilance.
Attention, concentration, émerveillement :
n’est-ce pas la source de toute poésie ?
(Belinda Cannone)
Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir
ON SE DIT ADIEU EN AUTOMNE
Sur l’air de » La Cloche tintant dans la pluie »
—Liu Yong
Le cri des cigales paraît douloureux
hors d’un pavillon où l’on se dit adieu.
L’averse a cessé,
Je ne veux plus boire,
mon coeur est brisé.
Aux portes de la ville, nous nous attardons
bien que le bateau me hâte au départ,
nous nous regardons les larmes aux yeux,
la main dans la main,
les mots se figent sur nos lèvres,
entrecoupés de brefs sanglots.
Dans ma pensée se déroule le voyage
sur la vaste étendue des flots brumeux.
Là-bas le ciel du Sud est chargé de nuages.
Ceux qui s’aiment s’affligent de se séparer,
Surtout quand vient le froid de la fête automnale.
Où serai-je quand je serai dégrisé ?
Sur une rive de saules bordée,
Avec un lambeau de lune et la brise matinale.
Je t’aurai quittée pour toute une année.
Pour qui tous ces beaux paysages et ces belles journées ?
De quelque ardeur je puisse m’enflammer,
à qui désormais me confier ?
(Anonyme)
***
Recueil: Choix de Poèmes et de Tableaux des Song
Traduction:
Editions: China Intercontinental Press
Engoncé dans une fourrure, je contemple des fleurs,
Voici que maintenant mes cheveux ont blanchi,
Mais le rouge du massif ressemble à l’an dernier,
La gelée matinale en rehausse l’éclat,
Le vent du soir emporte sa senteur parfumée.
Faut-il attendre que les fleurs soient fanées
Pour commencer à comprendre le vide?
(Fayan Wenyi)
Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier
Quel est, dans le bois, ce lumineux coquelicot?
C´est le soleil plus matinal que tes jolis yeux ma chérie.
Quel est, dans le ciel, cet écho, ce cocorico?
C´est la chanson d´un jeune coq qui chante sur la prairie.
Quelle est cette goutte sur la joue de cette fleur?
C´est la rosée qui met partout qui met des larmes de bonheur.
Quelle est cette ardeur qui vient avec le gai printemps?
C´est du désir. Réveille-toi. La nature a vingt ans.
Ouvre ton cœur à l´amour.
Ouvre ta fenêtre au jour.
Laisse entrer chez toi le gai soleil et dis,
Ah dis, ah dis, ah dis : Ah Bon-jour!
Cueille la fleur, la plus belle.
Chante une chanson nouvelle
Et va-t´en courir sur les chemins
Qui sont de la nature les lignes de la main.
Prends un bain dans la rivière.
Sèche-toi dans la clairière
Et n´assieds pas ton derrière
Sur les orties familières…
Dis-toi que le temps est court,
Qu´il faut penser à l´amour.
Ouvre ton cœur et ta fenêtre au jour
Et dis : Ah dis, ah dis, ah dis : Ah Bon-jour!
Quel est cet oiseau qui, gentiment, nous applaudit?
C´est l´hirondelle de mon cœur qui chante, chante jour et nuit.
Quel est ce château qui nous sourit à l´horizon?
C´est le mirage le plus beau ma chérie : c´est notre maison.
Qui est ce gros chien qui jappe au bas de l´escalier?
C´est le gardien, le gros Médor dont le visage est familier.
Quel est cet étang qui nous invite à canoter?
C´est le bon temps, l´avenir, c´est le printemps et l´été.
Celui qui écrit veut mourir, veut renaître
dans un bateau ivre au calme abandon.
Celui qui écrit veut dormir dans des bras matinaux
et dans la bouche des choses être une larme animale
ou le sourire de l’arbre. Celui qui écrit
veut être terre sur la terre, solitude
adorée, resplendissante, odeur de mort
et rumeur du soleil, la soif du serpent,
le souffle sur le mur, les pierres sans chemin,
le midi obscur tombant sur les yeux.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard