De quelles soies se sont faits tes doigts,
De quel marbre tes cuisses lisses,
De quelles hauteurs est parvenue à ta démarche
La grâce de chamois avec laquelle tu chemines.
De quelles mûres matures s’est extrait
Le goût acidulé de ton sein,
De quelles Indes le bambou de ta taille,
L’or de tes yeux, d’où est-il venu
A quel balancement de vague vas-tu chercher
La ligne serpentine de tes hanches,
Où naît la fraîcheur de cette fontaine
Qui sort de ta bouche quand tu ris
De quels bois marins s’est détachée
La feuille de corail de tes portes,
Quel parfum t’annonce quand tu viens
M’encercler de désir aux heures mortes.
***
Inventário
De que sedas se fizeram os teus dedos,
De que marfim as tuas coxal lisas
De que alturas chegou ao teu andar
A graça de camurça com que pisas.
De que amoras maduras se espremeu
O gosto acidulado do teu seio,
De que indias o bambu da tua cinta,
O oiro dos teus olhos, donde veio.
A que balanço de onda vais buscar
A linha serpentina dos quadris,
Onde nasce a frescura dessa fonte
Que sai da tua boca quando ris
De que bosques marinhos se soltou
A folha de coral das tuas portas,
Que perfume te anuncia quando yens
Cercar-me de desejo a horas mortas
(José Saramago)
Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond
MARIA
Je me sens jolie
Oh, si jolie
Je me sens jolie, spirituelle et brillante !
Et j’ai pitié
De toutes les filles qui ne sont pas moi ce soir.
Je me sens charmante
Oh, si charmante
C’est alarmant de voir comme je me sens charmante !
Et si jolie
Que j’ai peine à croire que je suis réelle.
Vous voyez, la jolie fille dans ce miroir, là ?
Qui peut bien être cette fille attirante ?
Un si joli visage
Une si jolie robe
Un si joli sourire
Un si joli moi !
Je me sens stupéfiante
Et ravissante
J’ai envie de courir et de danser de joie
Car je suis aimée
Par un garçon beau et merveilleux !
LES FILLES
Avez-vous rencontré notre gentille amie Maria ?
La fille la plus folle du quartier
Vous la reconnaîtrez dès que la verrez
C’est celle qui est dans un état de choc avancé
Elle croit qu’elle est amoureuse
Elle se croit en Espagne
Elle n’est pas amoureuse
Elle est simplement folle
Ce doit être la chaleur
Ou une maladie rare
Un excès de nourriture
Ou alors, est-ce à cause des puces ?
Ne vous approchez pas d’elle
Envoyer chercher Chino !
Ce n’est pas la Maria
Qu’on connaît !
Modeste et pure
Polie et raffinée
Bien élevée et mature
Complètement déjantée
MARIA
Je me sens jolie
Oh, si jolie
Que la ville devrait me donner sa clé
Un comité
Devrait être constitué pour m’honorer
LES FILLES
La la la la…
MARIA
Je me sens vertigineuse
Je me sens rayonnante
Je me sens pétillante, bien, amusante
Et si jolie
Que Miss America peut aller se rhabiller !
LES FILLES
La la la la…
MARIA
Vous voyez, la jolie fille dans ce miroir, là ?
LES FILLES
Quel miroir, où ça ?
MARIA
Qui peut bien être cette fille attirante ?
LES FILLES
Laquelle ? Quoi ? Où ? Qui ?
MARIA
Un si joli visage
Une si jolie robe
Un si joli sourire
Un si joli moi !
LES FILLES
Un si joli moi !
TOUTES
Je me sens stupéfiante
Et ravissante
J’ai envie de courir et de danser de joie
Car je suis aimée
Par un garçon beau et merveilleux !
***
MARIA
I feel pretty,
Oh, so pretty,
I feel pretty and witty and bright!
And I pity
Any girl who isn’t me tonight.
I feel charming,
Oh, so charming
It’s alarming how charming I feel!
And so pretty
That I hardly can believe I’m real.
See the pretty girl in that mirror there:
Who can that attractive girl be?
Such a pretty face,
Such a pretty dress,
Such a pretty smile,
Such a pretty me!
I feel stunning
And entrancing,
Feel like running and dancing for joy,
For I’m loved
By a pretty wonderful boy!
GIRLS
Have you met my good friend Maria,
The craziest girl on the block?
You’ll know her the minute you see her,
She’s the one who is in an advanced state of shock.
She thinks she’s in love.
She thinks she’s in Spain.
She isn’t in love,
She’s merely insane.
It must be the heat
Or some rare disease,
Or too much to eat
Or maybe it’s fleas.
Keep away from her,
Send for Chino!
This is not the
Maria we know!
Modest and pure,
Polite and refined,
Well-bred and mature
And out of her mind!
MARIA
I feel pretty,
Oh, so pretty
That the city should give me its key.
A committee
Should be organized to honor me.
GIRLS
La la la la . . .
MARIA
I feel dizzy,
I feel sunny,
I feel fizzy and funny and fine,
And so pretty,
Miss America can just resign!
GIRLS
La la la la . . .
MARIA
See the pretty girl in that mirror there:
GIRLS
What mirror where?
MARIA
Who can that attractive girl be?
GIRLS
Which? What? Where? Whom?
MARIA
Such a pretty face,
Such a pretty dress,
Such a pretty smile,
Such a pretty me!
GIRLS
Such a pretty me!
ALL
I feel stunning
And entrancing,
Feel like running and dancing for joy,
For I’m loved
By a pretty wonderful boy!
Aucune certitude ne remplace
la conviction du néant; nul ressac ne blanchit
les cheveux de l’aube. «Croyez au rythme »,
disait-il, comme si quelqu’un l’entendait. La mort est une
femme nue parmi les statues du parc ; une
femme nue à cheval sur une machine à écrire ;
le sexe d’algues que la marée découvre,
entre les derniers mots du poème et le corps,
qui les entend, enchaîné à la mâture du vers.
(Nuno Jùdice)
Recueil: Un chant dans l’épaisseur du temps suivi de méditation sur des ruines
Traduction: Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux,
y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source,
et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air.
Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux !
Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.
Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ;
ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats,
où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques,
d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes
découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.
Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan,
dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port,
entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ;
dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure
je m’enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.
Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires.
Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles,
il me semble que je mange des souvenirs.
Refrain
On va construire une maison
Pour abriter les camarades
On va construire une maison
Du rez-d’-chaussée jusqu’aux mansardes
On va construire une maison
Le toit les murs les fondations
On va construire une maison.
1
Il faut d’abord abattre la masure
Les vieux taudis les nids à rats
Il faut d’abord abattre la masure
Et maison neuve on bâtira.
2
Il faut aussi creuser profond la terre
Le terrassier a de bons bras
Il faut aussi creuser profond la terre
Et maison neuve on bâtira.
3
Maçon construis de solides murailles.
C’est le gros oeuvre et il tiendra
Par le ciment la pierre et la pierraille
Et maison neuve on bâtira.
4
Le fer, le bois soutiendront la charpente
Couvreur, plombiers, faites le toit
Qu’il nous abrite à l’instant des tourmentes
Et maison neuve on bâtira.
5
Pour la lumière et les fortes serrures
Bons compagnons fait’s c’ qu’il faudra
Comme un voilier inclinant sa mâture
La maison neuv’ naviguera.
6
Le menuisier fait les planchers solides
Pour le repos des travailleurs
Et la maison malgré les vents perfides
Verra briller les jours meilleurs.
7
Pour la construire éblouie de lumière
Soyons unis dans la cité
Et que ces buts guident nos coeurs sincères:
La justice et la liberté.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier