Juste deux flancs nus et ailleurs une tête
ou un sein de pierre. Mais dans l’immobilité
le même souffle, le même corps, cet absolu
qui respire et prépare en des mains
pacifiques l’or et les fruits du feuillage.
On dirait que l’épars et le fugace
se réunissent dans ses bras lumineux.
Et il monte dans la lueur d’un songe, mais le songe
est la transpiration de la terre. Son regard
voit le soleil comme un bateau sous les arbres.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
Je me rappelle fort bien une autre jeune fille
[…]
Mais il me paraît si invraisemblable
que j’aie pu être cette petite Resi
et que je serai un jour une vieille femme.
[…]
Comment ces choses-là arrivent-elles ?
Comment le bon Dieu peut-Il faire cela ?
Alors que moi, je reste toujours la même.
Et s’il faut qu’il agisse ainsi, pourquoi me laisse-t-Il le voir en spectatrice,
avec une aussi nette perception ? Pourquoi ne me le cache-t-Il pas ?
Tout cela est mystérieux, si profondément mystérieux
[…]
Je suis d’une humeur où je ressens très fortement
la fragilité de toutes les choses de ce monde.
Je sens jusqu’au fond du coeur, que l’on ne doit rien garder,
que l’on ne peut rien saisir, que tout nous coule entre les doigts,
que tout ce que nous cherchons à prendre se dissout,
que tout s’évanouit comme une vapeur ou un rêve.
[…]
Le temps, c’est une chose étrange.
Tant qu’on se laisse vivre, il ne signifie absolument rien du tout.
Et puis, brusquement,
on n’est plus conscient de rien d’autre.
Il est tout autour de nous. Il est même en nous.
Il ruisselle sur nos visages, il ruisselle sur le miroir,
il coule entre mes tempes.
Et, entre toi et moi,
il coule encore, sans bruit, comme un sablier.
Oh, Quinquin ! Parfois, je l’entends qui coule— irrémédiablement.
Parfois, je me lève, au milieu de la nuit
et j’arrête toutes les pendules, toutes.
(Hugo von Hofmannsthal)
Recueil: Le chevalier à la rose
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