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Poésie

Posts Tagged ‘meurtri’

Il existe un pays (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2023




    
Il existe un pays, plutôt une frontière,
Où la lumière est douce et pratiquement solide
Les êtres humains échangent des fragments de lumière
Mais ils n’ont pas la moindre appréhension du vide.

La parabole du désir
Remplissait nos mains de silence
Et chacun se sentait mourir,
Nos corps vibraient de ton absence.

Nous avons traversé des frontières de craie
Et le second matin le soleil devint proche
Il y avait dans le ciel quelque chose qui bougeait,
Un battement très doux faisait vibrer les roches.

Les gouttelettes de lumière
Se posaient sur nos corps meurtris
Comme la caresse infinie
D’une divinité — matière.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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Les habitants du Soleil (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 27 décembre 2022



 

rose de feu

Les habitants du Soleil jettent sur nous un regard impassible :
Nous appartenons définitivement à la Terre
et nous y pourrirons, mon amour impossible,
jamais nos corps meurtris ne deviendront lumière.

(Michel Houellebecq)

 

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Plonge dans l’air glacé (Paul Nougé)

Posted by arbrealettres sur 22 juillet 2022



Plonge dans l’air glacé ses deux mains amoureuses
Ouvre sur la terre meurtrie ses yeux teintés de songes
Promène sur les eaux habitées de rumeurs
Un éventail de feu, une image danseuse

(Paul Nougé)

Illustration: Viviane-Josée Restieau

 

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Ils étaient jeunes ils étaient beaux (Béatrice Bastiani-Helbig)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022




    
Ils étaient jeunes
ils étaient beaux
de bleu vêtus
Ils sont partis
fleur au fusil

Il verrait bien de quel bois
on se chauffe
l’ennemi
On le repousserait chez lui
Et puis
on rentrerait chez soi
C’était l’affaire de quelques mois

Dans les tranchées d’en face
ils étaient jeunes
ils étaient beaux
de gris vêtus
Un peu plus blonds peut-être

D’un côté comme de l’autre
tous avaient laissé
leur mère, leur sœur, leur fiancée
leur femme, leurs enfants
et les enfants à naître

Ils leur avaient bourré la tête
les bons apôtres :
ils se battraient pour la Nation

Mais ils n’étaient rien que les pions
d’un échiquier géant
dont les joueurs étaient seuls maîtres

Chair à canon
ils ont été déchiquetés
les bruns, les blonds
les bleus, les gris
Leur sang était le même

Dans leur âme et dans leur corps
à tout jamais meurtris
tous ceux qui ne sont pas tombés
au champ d’horreur
en criant : « Maman ! »

Il y a toujours une guerre quelque part
Quand comprendrons-nous ?
Quand comprendrons-nous ?

(Béatrice Bastiani-Helbig)

 

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J’habitais un corps lézardé (Gaston Puel)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2020



J’habitais un corps lézardé. Il dut se fendre d’un coup :
je reçus l’aube comme un baquet d’eau fraîche.

Quand la nuit n’est qu’une lie et que le regard
n’ausculte que l’abîme, quel bonheur (je suis sûr de ce mot) de se hisser hors de la margelle !
Les mains meurtries touchent l’huile du jour ; le visage s’élance,
plus léger que les jambes.

Est-ce l’innocence du matin ? La grâce d’un fruit
cueilli ? Je ne sais, je ne saurai jamais.
Mon coeur bat dans un homme étonné de se savoir en vie.
Cela ressemble à un secret.

(Gaston Puel)

Illustration: Samuel Van Hoogstraten

 

 

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Nous reverrons-nous un jour? (François Cheng)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2020


se revoir

 

Accorde-nous de boire l’eau céleste
Aussi pure que les perles de crapaud
sous l’éclair de la lune

De surgir une fois encore du sol
Des chairs meurtries au gré de la tige
du bambou réduite aux os

De ne pas oublier le cou du cygne
Plus tendre qu’un rêve de paradis
au coeur de la foule en perdition

De perpétuer les mots non dits à jamais
Lèvres d’iris effleurées par la brise
émanant du volcan d’origine

« Nous reverrons-nous un jour? » « Mais … »

(François Cheng)

 

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TROIS COUTURIÈRES (Itzhak-Leibush Peretz)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2019



Illustration: Frank Holl
    
TROIS COUTURIÈRES

Les yeux rouges, les lèvres bleues,
Les joues vidées de leur sang,
La sueur à leur front blême,
Brûlante et courte l’haleine,
Trois filles sont là cousant et cousant!

Neige la toile et l’aiguille étincelle :
Je couds et je couds, pense l’une d’elles,
Et je couds le jour et je couds la nuit
Sans coudre pour moi robe d’épousailles
À quoi sert coudre sans répit ?

Je ne dors pas et je mange si peu,
J’irai voir Balnès le Miraculeux
Qui pour moi peut-être agirait enfin,
Qu’au moins soit un veuf, un juif déjà vieux
Avec sa douzaine d’enfants…

La deuxième se dit: je couds et je reprise
Mais je me couds seulement tresses grises,
La tête me brûle et mes tempes battent
Tape la machine à chaque contact,
Tac, tac, tac, tac, tac, tac, tac, tac !

Chaque clin d’oeil je le comprends,
Sans mariage, sans alliance
Ce ne serait que jeux et danse,
L’amour – toute l’année durant!
Mais après cela, mais après ?

Crachant du sang la troisième pense :
Je me couds aveugle et me couds souffrante,
À chaque piqûre est mon coeur meurtri
Et lui – cette semaine il se marie !
Je ne lui souhaite aucun mal !

Il oubliera ce qui fut autrefois !
Et la communauté un linceul m’offrira,
Un tout petit morceau de terre
Où tranquillement je reposerai
Je dormirai, je dormirai.

(Itzhak-Leibush Peretz)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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En méditerranée (Georges Moustaki)

Posted by arbrealettres sur 26 septembre 2019



 

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En méditerranée

Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d´histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l´automne,
En Méditerranée.

Il y a l´odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l´automne,
En Méditerranée.

Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
Là où est apparue
La première colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l´automne,
En Méditerranée.

Dans ce bassin, je jouais
Lorsque j´étais enfant.
J´avais les pieds dans l´eau.
Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux
Sont devenus des hommes,
Les frères de ceux-là
Que le monde abandonne,
En Méditerranée.

Le ciel est endeuillé,
Par-dessus l´Acropole
Et liberté ne se dit plus
En espagnol.
On peut toujours rêver,
D´Athènes et Barcelone.
Il reste un bel été
Qui ne craint pas l´automne,
En Méditerranée.

(Georges Moustaki)

 

 

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LES STATUES (Henri De Régnier)

Posted by arbrealettres sur 18 septembre 2019



 

Aristide Maillol

LES STATUES

Les feuilles, une à une, et le temps, heure à heure,
Tombent dans le bassin dont le jet d’eau larmoie;
Iphigénie en sang près d’Hélène de Troie,
Danaé, Antigone, Ariane qui pleure,

Marbres purs que le vent soufflette ou qu’il effleure!
Si le torse se cambre ou si la tête ploie,
Héroïque au destin qui caresse ou rudoie,
La statue aux yeux blancs persévère ou demeure.

L’éternelle beauté subsiste à jamais belle.
Le Silence a ployé le crêpe de son aile
Et songe, assis, le coude au socle où il inscrit

Le nom de l’héroïne énergique ou morose
Qui dérobe un sourire ou cache un sein meurtri
Derrière les cyprès ou derrière des roses.

(Henri De Régnier)

Illustration: Aristide Maillol

 

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Ma coupe, mon vin, et le Compagnon (Râbi’a)

Posted by arbrealettres sur 1 septembre 2019



 

Rabia_al-Adawiyya

Ma coupe, mon vin, et le Compagnon sont trois
Et moi, que remplit l’Amour, je suis la Râbi`a

Celui qui verse le vin fait circuler sans cesse
La coupe de la volupté et du luxe

Si de mes yeux je vois, je ne vois que pour Lui
Si regardée je suis, je suis vue avec Lui

Ô toi qui me blâmes, Sa beauté, oui, je l’aime
Et, par Dieu, mes oreilles n’ont que faire de ton blâme !

Que de nuits délirantes j’ai passées, feux, tourments,
Et mes yeux se sont faits sources, par mes larmes !

Aucune larme n’a pu remonter à sa source :
Mon union avec Lui n’a pas duré

Blessé meurtri mon oeil
Plus jamais ne s’apaise

(Râbi’a)

Illustration

 

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