Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘mimosa’

Invitation (Jean-Hughes Malineau)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2022




    
Invitation

Je vous souhaite la peur délicieuse d’un orage
tout seul dans votre chambre d’enfant
le sourire triste d’un bonbon de miel
au cours d’une convalescence tiède,
un baiser, sur le front, dans le noir.

Je vous souhaite l’émerveillement d’un caillou
choisi sur une plage entre cent millions d’autres.
Je voudrais tant que vous partagiez l’événement d’une ultime coccinelle
perdue sur la page d’un livre à la rentrée des classes,
le bouleversement d’une goutte de rosée qui hésite à l’extrémité d’une branche
ou la fragilité du ronronnement d’un chat dans la pupille de la nuit.

Écoutez la cotte de maille du peuplier dans le vent !
Écoutez l’audace d’une odeur de mimosa en plein coeur de l’hiver !

Je vous souhaite la curiosité,
l’appétit d’infimes et de minuscules rencontres
l’éclair d’une cicindèle ou d’un martin-pêcheur…
le plaisir d’une giboulée sur la peau nue
les grains de douceur sur la rivière
qui confesse tous les dessous du ciel
de ses dentelles d’écume sur les galets.

Je vous souhaite, le panier rempli de chanterelles,
l’odeur de chien mouillé, du vêtement qui sèche
près d’une flamme de feu de bois
et l’amitié de ce vieil habit qui ne craint rien.
Le chèvrefeuille, le chardonneret, l’ancolie, la morille…

Ah ! comme je vous souhaite de bâtir votre enfance
dans un puzzle de nuages blancs
la nuque sur un coussin de mousse.

(Jean-Hughes Malineau)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Adieu à l’estancia (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2021



Adieu à l’estancia

(…)
Adieu, chardons fleuris, azur frais des pampas,
Bois lointains que l’aurore inondait d’espérance,
Et familier jardin où tout sera silence,
Jardin des souvenirs et des blonds mimosas !

Adieu, ma meule d’or comme une grappe mûre
Que le bœuf sous le joug, regarde tout rêveur,
Chaumine qui t’ouvrais, l’été, fraîche et obscure,
Et qui pendant l’hiver es chaude comme un cœur !

Mes chers eucalyptus, il est tard, je vous quitte,
Adieu, mes vieux amis au feuillage profond,
Vous, le parfum léger et l’âme de ce site,
Je vous laisse mon Rêve épars sur votre front…

(Jules Supervielle)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Dimanche matin (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2019




    
Dimanche matin

La neige au-dessus des mimosas, les paquets de
journaux près des flaques, la fontaine dans les bois où le
receveur des contributions nettoie sa voiture.

En bas les bâches bleues et rouges tendues sur les piles
de sacs de ciment et les taches de rouille ou de minium sur
les coques des cargos qui viennent de Limassol ou d’Odessa.

Plus loin quelques fleurs mauves dans les rochers
blancs, les nudistes parcourent le sentier des douaniers,
baisers dans les coins, chiens qui flairent, la mer lape les
galets et les retourne comme des pièces fausses.

Au large les yachts frétillent après une semaine de
somnolence, les mouettes virent à l’assaut, claquent un
peu et plongent vers les épluchures que les cuisiniers
laissent tomber dans leur sillage.

Puis l’heure sonne à travers le frisson des branches
et le tintement des câbles métalliques dans l’accalmie de
la circulation.

Soudain le nid du phénix s’enflamme dans les collines et les mots éperdus, comme lâchés après des mois
de claustration, se cherchent dans ma tête au galop.

Alors je ramasse au bord du chemin les fragments
d’un vieux prospectus vantant les mérites d’une voyante, et
m’appuie sur le dossier d’un banc pour écrire ceci au verso.

(Michel Butor)

 

Recueil: Collation précédé de HORS-D’OEUVRE scandés par les SOUVENIRS ILLUSOIRES D’UN JAPON TRES ANCIENS
Traduction:
Editions: Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

A flancs de coteau du village (René Char)

Posted by arbrealettres sur 30 septembre 2019



A flancs de coteau du village
bivouaquent des champs fournis de mimosas.
A l’époque de la cueillette,
il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante
d’une fille dont les bras sont occupés durant la journée aux fragiles branches.
Pareille à une lampe ont l’auréole de clarté serait de parfum, elle s’en va,
le dos tourné au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole
L’espadrille foulant l’herbe, cédez-lui le pas du chemin.
Peut-être aurez vous la chance de distinguer sur ses lèvres
la chimère de l’humidité de la nuit ?

(René Char)

Illustration

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , | 4 Comments »

Rendez-moi le cerisier porte-feu (Georges Libbrecht)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2019



 

Fuyuko Matsui promenade

Rendez-moi le cerisier porte-feu riant de toutes ses braises,
ma grenouille verte et le cricri du logis.
Rendez-moi l’arc-en-ciel, le jet d’eau, l’hortensia et ses flammes corymbes.
Les yeux des pensées, les brugnons lumineux et la rose rouge
réchauffant son parfum dans le jour.
Rendez-moi le sens de ma floraison devant l’héliotrope.
Rendez-moi l’Enfant et la Vierge de lumière.
Rendez-moi le mimosa, la paix et l’arbre du Bien.
Rendez-moi le bengali dont les notes m’éclairent.

(Georges Libbrecht)

Illustration: Fuyuko Matsui

 

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

GERBE DE MIMOSA (Kathleen Raine)

Posted by arbrealettres sur 4 décembre 2018




GERBE DE MIMOSA

MA mère bien-aimée
Une gerbe de mimosa
Il y a bien longtemps, venant d’une Italie imaginaire
Qu’elle ne verrait jamais
Offrit à sa fille —
Cueillie sur un lointain arbre en fleurs.

Aujourd’hui
Dans un bois de mimosa
Chargé d’une poussière d’or fleuri
J’ai rencontré en souvenir
Ma mère en ce jour
Où je me détournai de
La simplicité de son amour.

Moi qui ai pillé la beauté du monde
Maintenant je n’entrerai jamais
En ce jardin d’or qu’elle m’offrit.

***

MIMOSA-SPRAY

MY dear mother
One mimosa-spray
Long ago, from an imagined Italy
She would never see
Offered her daughter
From a far-off blossoming tree.

Today
In a mimosa-grove
Heavy with flower-gold dust
I met in memory
My mother on that day
When I turned from her
Love’s simplicity.

I who have rifled the world’s beauty
Now will never enter
That golden garden she offered me.

(Kathleen Raine)

Illustration: Suzanne Accaries

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , | 2 Comments »

Ce jardin (Albert Camus)

Posted by arbrealettres sur 7 mai 2018



Ce jardin de l’autre côté de la fenêtre, je n’en vois que les murs.
Et ces quelques feuillages où coule la lumière.
Plus haut, c’est encore les feuillages.
Plus haut, c’est le soleil.
Et de toute cette jubilation de l’air que l’on sent au dehors,
de toute cette joie épandue sur le monde,
je ne perçois que des ombres de feuillages qui jouent sur les rideaux blancs.

Cinq rayons de soleil aussi qui déversent patiemment dans la pièce
un parfum blond d’herbes séchées.
Une brise, et les ombres s’animent sur le rideau.
Qu’un nuage couvre, puis découvre le soleil,
et voici que de l’ombre surgit le jaune éclatant de ce vase de mimosas.

Il suffit : cette seule lueur naissante
et me voici inondé d’une joie confuse et étourdissante.
Prisonnier de la caverne, me voici seul en face de l’ombre du monde.
Après-midi de janvier.
Mais le froid reste au fond de l’air.

Partout une pellicule de soleil qui craquerait sous l’ongle
mais qui revêt toutes choses d’un éternel sourire.
Qui suis-je et que puis-je faire
– sinon entrer dans le jeu des feuillages et de la lumière.
Etre ce rayon de soleil où ma cigarette se consume,
cette douceur et cette passion discrète qui respire dans l’air.

Si j’essaie de m’atteindre, c’est tout au fond de cette lumière.
Et si je tente de comprendre
et de savourer cette délicate saveur qui livre le secret du monde,
c’est moi-même que je trouve au fond de l’univers.
Moi-même, c’est-à-dire cette extrême émotion qui me délivre du décor.

Tout à l’heure, d’autres choses et les hommes me reprendront.
Mais laissez-moi découper cette minute dans l’étoffe du temps,
comme d’autres laissent une fleur entre les pages.
Ils y enferment une promenade où l’amour les a effleurés.
Et moi aussi, je me promène, mais c’est un dieu qui me caresse.
La vie est courte et c’est péché que de perdre son temps.

Je perds mon temps pendant tout le jour
et les autres disent que je suis très actif.
Aujourd’hui c’est une halte
et mon coeur s’en va à la rencontre de lui-même.

Si une angoisse encore m’étreint,
c’est de sentir cet impalpable instant glisser entre mes doigts
comme les perles du mercure.
Laissez donc ceux qui veulent se séparer du monde.
Je ne me plains plus puisque je me regarde naître.

Je suis heureux dans ce monde car mon royaume est de ce monde.
Nuage qui passe et instant qui pâlit.
Mort de moi-même à moi-même.
Le livre s’ouvre à une page aimée.
Qu’elle est fade aujourd’hui en présence du livre du monde.

Est-il vrai que j’ai souffert,
n’est-il pas vrai que je souffre
et que cette souffrance me grise
parce qu’elle est ce soleil et ces ombres,
cette chaleur et ce froid que l’on sent très loin,
tout au fond de l’air.

Vais-je me demander si quelque chose meurt
et si les hommes souffrent
puisque tout est écrit dans cette fenêtre
où le ciel déverse sa plénitude.

Je peux dire et je dirai tout à l’heure
que ce qui compte est d’être humain, simple.
Non, ce qui compte est d’être vrai
et alors tout s’y inscrit, l’humanité et la simplicité.

Et quand suis-je plus vrai et plus transparent que lorsque je suis le monde ?
Instant d’adorable silence.
Les hommes se sont tus.
Mais le chant du monde s’élève et moi,
enchaîné au fond de la caverne,
je suis comblé avant d’avoir désiré.

L’éternité est là et moi je l’espérais.
Maintenant je puis parler.

Je ne sais pas ce que je pourrais souhaiter de mieux
que cette continuelle présence de moi-même à moi même.
Ce n’est pas d’être heureux que je souhaite maintenant,
mais seulement d’être conscient.

On se croit retranché du monde,
mais il suffit qu’un olivier se dresse dans la poussière dorée,
il suffit de quelques plages éblouissantes sous le soleil du matin,
pour qu’on sente en soi fondre cette résistance.

Ainsi de moi.
Je prends conscience des possibilités dont je suis responsable.
Chaque minute de vie porte en elle sa valeur de miracle
et son visage d’éternelle jeunesse.

(Albert Camus)

Illustration: ArbreaPhotos  

 

 

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 4 Comments »

Le gui (Francis Ponge)

Posted by arbrealettres sur 5 mai 2018



Le gui

Le gui, la glu,
sorte de mimosa nordique,
de mimosa des brouillards.
C’est une plante d’eau,
d’eau atmosphérique.
Feuilles en pales d’hélice
et fruits en perles gluantes.
Tapioca gonflant dans la brume,
colle d’amidon, grumeaux.
Végétal amphibie.
Algues flottant au niveau
des écharpes de brume,
des traînées de brouillard,
épaves restant accrochées
aux branches des arbres
à l’étiage des brouillards de décembre.

(Francis Ponge)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

Rendez-moi (Géo Libbrecht)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2018



 

Rendez-moi le cerisier porte-feu riant de toutes ses braises,
ma grenouille verte et le cricri du logis.
Rendez-moi l’arc-en-ciel, le jet d’eau, l’hortensia et ses flammes corymbes.
Les yeux des pensées, les brugnons lumineux et la rose rouge réchauffant son parfum dans le jour.

Rendez-moi le sens de ma floraison devant l’héliotrope.
Rendez-moi l’Enfant et la Vierge de lumière.
Rendez-moi le mimosa, la paix et l’arbre du Bien.
Rendez-moi le bengali dont les notes m’éclairent.

(Géo Libbrecht)

Illustration

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Gloria (Paul Louis Rossi)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2018



 

Gloria

Il y a des glaïeuls blancs dans le jardin
et la musique glorieuse de Vivaldi emplit l’air sonore du matin.
Il semble que quelqu’un frappe à la porte du rez-de-chaussée,
il semble que l’on insiste, c’est inutile, puisque je ne suis déjà plus présent.

Il y a des anges roses et bleus dans le ciel et moi, l’ange pervers,
je montre mes yeux vides, ma bouche de mimosa et mon rire comme une bulle de savon.

Une tirelire tinte, un moulin à café, une boîte de thé,
un éclatement serein d’objets familiers.

Les jeunes filles s’évanouissent dans la rue, il se produit comme un ruissellement d’automobiles neuves et brillantes
dans les avenues et les boulevards, les cloches sonnent.

Non ce n’est pas le Jugement dernier, tout au plus le déluge, et encore j’exagère certainement.

(Paul Louis Rossi)

Illustration: Leonid Afremov

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :