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Poésie

Posts Tagged ‘minéral’

JE SUIS VERTICALE (Sylvia Plath)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
JE SUIS VERTICALE

Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l’amour maternel
Pour qu’à chaque mars je brille de toutes mes feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection —
Pensées devenues vagues..
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.

Alors le ciel et moi converseront à coeur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement:
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher,
et les fleurs m’accorder du temps.

(Sylvia Plath)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Françoise Morvan et Valérie Rouzeau
Editions: Gallimard

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À la base, Le minéral (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2020




Illustration: ArbreaPhotos
    
À la base,
Le minéral.

Toutes ces lignes, ces courbes,
Ces circonvolutions

Qui sur la terre prennent du corps,
Deviennent des formes,

Traquées par les tensions
Qui traversent l’espace
Et le régissent, tensions

Entre le soleil proche
Et les milliards
D’astres à la recherche
De quelque chose à faire
De mieux.

La douceur, la tiédeur
La rondeur du sein

(Guillevic)

 

Recueil: Accorder poèmes 1933-1996
Traduction:
Editions: Gallimard

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ÉLOGE DU SOUFFLEUR (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020



 

mer

ÉLOGE DU SOUFFLEUR
(pour John Coltrane)

à Mimi Lorenzini

Je pars d’un point
et je vais le plus loin possible
au plus loin des possibles
je prends une note
et je la transforme
en colonne sans fin
sans relâche et sans fin
je ménage des ouvertures
dans la peau du monde
des irruptions de jardins clos
des baies vitrées
dans la chair même du son
je joue les notes comme je les vois
je n’invente rien
je fais apparaître
les désordres fluides du vivant
les marbres tremblés du temps
jusqu’à resplendir
jusqu’à m’accorder
au mouvement perpétuel de la lumière
oui
j’attends que la lumière
se pose sur mes notes
comme un amant

comme un aimant
comme l’aimant des apparitions
là où tout palpite
au fond de l’infiniment sensible
où l’identité n’est
plus qu’un vacillement
pourquoi moi pourquoi toi
toutes les aubes viennent à ma bouche
toutes les aubes
respectent l’arc-en-ciel
je suis un argonaute du souffle

Je pars d’un point
et je vais toujours plus loin
j’avance le long de ma ligne de coeur
un peu Orphée un peu Faust
je passe à travers tous les cercles
naissances morts renaissances
s’en vont s’en reviennent
à chaque seconde de chaque solo
je traverse mille frontières
pour une liberté enfin déliée
pour un surcroît de bienveillance
j’absorbe tout
au velours de la vraie vie
au velours de la vraie nuit
j’accepte le chaos
dès lors qu’il apaise
dès lors qu’il irise
dès lors qu’il flamboie
je n’aime pas la redite

mais l’obsession
je métamorphose
je tourbillon
je vortex
je voudrais me réveiller
dans chacun de vos rêves
je voudrais vous faire entendre
les grands territoires de la solitude
chacune de mes notes met un mot
sur votre mélancolie
un mot un seul
un mot d’orage éblouissant
un mot minéral
un mot volcanique
en plein coeur du monde et
out of this world
écoutez-moi
j’ouvre un espace
j’ouvre l’espace même
mes trilles ont le pouvoir
d’effacer tous les maux
je suis un ange viril

Je pars d’un point
mais quel est ce je
qui part d’un point
mon je n’est pas un je
c’est un vrai jeu un grand jeu
un je qui joue qui noue et dénoue
un je-nous un je-monde
un je immensément collectif
inconditionnel
un je qui n’est que musique
je suis une pensée qui chante
inexorable
une pensée sonore
qui ne cesse de s’élever
une pensée qui sature votre coeur
d’une douceur rugueuse
une pensée qui bruit à chaque instant
n’attendez pas de mourir
pour écouter vraiment vos étoiles internes
n’attendez pas de mourir
pour donner naissance
au meilleur de vous-même
mille roses ouvertes dans le vide
a love supreme
un amour à jamais suprême
pour parler de la constellation des âmes
reconnaissance
accomplissement
voilà tout le baume de ma véhémence
je suis un descendant de ces hauteurs
où pense la lumière
tout n’était que son
et j’étais au milieu du son
jamais je n’ai joué
sans tout donner
jamais je n’ai joué sans vous aimer
je suis le sourire du déluge

(Zéno Bianu)

Illustration

 

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IVRESSE DE MORT (Srecko Kosovel)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2020



 

Otto Dix   Painting 156 [1280x768]

IVRESSE DE MORT

Tout est gris, silence, mort.
Les hommes voltigent
Comme chauves-souris
De pierre en pierre.
Exténués de vol,
Las, tués.

Leurs coeurs sont minéraux,
La sève n’irrigue plus leurs branches,
L’esprit n’enfante plus l’espoir.
Les coeurs sont secs.

Meubles à l’encan,
Coeurs au clou,
Raisons enrôlées,
La foule se pend aux croisées.

Les suicidés,
Les pendus
Oscillent aux fenêtres.

(Srecko Kosovel)

Illustration: Otto Dix 

 

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Les pierres ont la mémoire longue (Werner Lambersy)

Posted by arbrealettres sur 7 novembre 2019



Les pierres ont la mémoire longue

Ce sont des êtres sensibles
noués autour d’anciennes convulsions
figées en des raidissements
quasi musculaires
après l’éloignement du feu
qui fut premier
dans la lignée de leurs ancêtres
et dans les spasmes orgiaques
de leur naissance

Ce sont des vies
qui portent en elles
sur elles et autour d’elles
les armoiries et les blasons
toute l’héraldique
de la noblesse universelle
du grand Chosier
l’arbre généalogique
des grands dynastes guerriers
et des prophètes méphitiques
du minéral

(Werner Lambersy)

 

 

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L’HOMME FERTILE (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 30 octobre 2018



 

Don Hong-Oai  -21-4845d

L’HOMME FERTILE

L’astre n’a que ses randonnées
Pas de graines au corps minéral

Mais l’homme fertile
Déborde
De ce qui ne s’achève pas.

(Andrée Chedid)

Illustration: Don Hong-Oai 

 

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ODE À LA CASCADE (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 6 septembre 2018



Illustration: Jean-Joseph Chevalier
    
ODE À LA CASCADE

Soudain, un jour
je me suis levé tôt
et t’ai donné une cascade.
Entre tout
ce qui existe
sur la terre,
pierres,
édifices,
oeillets,
entre tout
ce qui vole dans l’air,
nuages,
oiseaux,
entre tout
ce qui existe
sous la terre,
minéraux,
morts,
il n’y a
rien d’aussi fugitif,
rien qui chante
comme une cascade.

La voici :
elle rugit
comme lionne blanche,
brille
comme la fleur du phosphore,
rêve
avec chacun de tes rêves,
chante
dans mon chant
et me donne
un argent passager.
Mais
elle travaille
et meut
la roue
d’un moulin
et n’est pas seulement
chrysanthème blessé,
mais réalisatrice
aussi de la farine,
mère du pain que tu manges
chaque jour.

(Pablo Neruda)

 

Recueil: Nouvelles odes élémentaires
Traduction: Jean-Francis Reille
Editions: Gallimard

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DENDRITES (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 23 août 2018



DENDRITES

Au point majeur de la rencontre
(où minéral et végétal s’affrontent
au creuset des sèves et des silices)
vous étendez, dendrites, vos feuillages de pierre
au point majeur de la rencontre
(où minéral et végétal unissent leurs ombelles
dans l’encre immobile du temps).

(Jacques Lacarrière)

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LAC SUPÉRIEUR (Lorine Niedecker)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2018



 

lac de glacier  Patagonie

LAC SUPÉRIEUR

Dans tout fragment de tout ce qui vit
il reste de la pierre

Dans le sang les minéraux
de la pierre

***

In every part of every living thing
is stuff that once was rock

In blood the minerals
of the rock

(Lorine Niedecker)

 
Illustration: ArbreaPhotos

 

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J’ai cueilli des fleurs minérales (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2018



sodium [800x600]

J’ai cueilli des fleurs minérales
au bord des bassins des geysers
pour alimenter mes vergers
alchimiques en greffons drus
afin d’obtenir les agrumes
dont se délectent les dragons
veillant autour de mes trésors
convoités par les gens en place
que leurs espions ont alertés

J’ai cueilli des cendres vivantes
au bord des fusées retombées
des feux d’artifice en l’honneur
des dernières libérations
pour fumer les terreaux safran
des prés où joueront les enfants
des griffons nés dans les cavernes
que m’ont léguées les anciens maîtres
pour y mûrir mes talismans

J’ai cueilli les interminables
minutes des accouchements
au bord des scènes et des vies
pour en tisser l’allongement
des cases du calendrier
en plages d’immortalité
à l’abri de toutes les taxes
l’or des ans le citron des vagues
pour ouvrir les geôles du temps

J’ai cueilli des flux d’étincelles
au bord d’alambics électriques
dans les discrets laboratoires
où s’élabore l’élixir
qui dissoudra canons et tanks
épaulettes cravaches morgue
dans les piscines des gymnases
où s’exerceront les dauphins
pour explorer les autres règnes

J’ai cueilli les éclairs d’été
au bord des forêts et banquises
pour creuser dans les nuits des pôles
des galeries en draperies
s’enroulant autour de l’essieu
de notre planète et donnant
sur des trous noirs ou bien couleur
de la raie du sodium pour rendre
Vénus habitable et Pluton

(Michel Butor)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha

 

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