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Poésie

Posts Tagged ‘monstrueux’

LE CHAT (Maurice Rollinat)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    

LE CHAT

Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.

Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,

Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.

Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.

Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue
Où livres et cahiers gisent ouverts ou clos,
Il passe comme un souffle, effleurant de sa queue
La feuille où ma pensée allume ses falots,
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue.

Quand il mouille sa patte avec sa langue rose
Pour lustrer son poitrail et son minois si doux,
Il me cligne de l’œil en faisant une pause,
Et je voudrais toujours l’avoir sur mes genoux
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose.

Accroupi chaudement aux temps noirs de décembre
Devant le feu qui flambe, ardent comme un enfer,
Pense-t-il aux souris dont il purge ma chambre
Avec ses crocs de nacre et ses ongles de fer ?
Non ! assis devant l’âtre aux temps noirs de décembre

Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes
À la face bizarre, aux tétons monstrueux,
Il songe à l’angora, mignonne des mignonnes,
Qu’il voudrait bien avoir, le beau voluptueux,
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes.

Il se dit que l’été, par les bons clairs de lune,
Il possédait sa chatte aux membres si velus ;
Et qu’aujourd’hui, pendant la saison froide et brune,
Il doit pleurer l’amour qui ne renaîtra plus
Que le prochain été, par les bons clairs de lune.

Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve,
Et quand nous en sortons encor pleins de désir,
Il nous jette un regard jaloux et presque fauve
Car tandis que nos corps s’enivrent de plaisir,
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve.

Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte,
Comme pour y cueillir un brin de volupté,
La passion reluit dans sa prunelle verte :
Il est beau de mollesse et de lubricité
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte.

Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante,
Dans le creux où son corps a frémi dans mes bras,
Il se roule en pelote, et sa tête charmante
Tourne de droite à gauche en flairant les deux draps,
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante.

Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule,
Et quand il s’est grisé de la senteur d’amour,
Il s’étire en bâillant avec un air si drôle,
Que l’on dirait qu’il va se pâmer à son tour ;
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule.

Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières
Où, matou lovelace et toujours triomphant,
Il s’amuse à courir pendant des nuits entières
Les chattes qu’il enjôle avec ses cris d’enfant :
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières.

Panthère du foyer, tigre en miniature,
Tu me plais par ton vague et ton aménité,
Et je suis ton ami, car nulle créature
N’a compris mieux que toi ma sombre étrangeté,
Panthère du foyer, tigre en miniature.

(Maurice Rollinat)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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La Petite Marchande de fleurs (François Coppée)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2021




La Petite Marchande de fleurs

Le soleil froid donnait un ton rose au grésil,
Et le ciel de novembre avait des airs d´avril.
Nous voulions profiter de la belle gelée.
Moi chaudement vêtu, toi bien emmitouflée

Sous le manteau, sous la voilette et sous les gants,
Nous franchissions, parmi les couples élégants,
La porte de la blanche et joyeuse avenue,
Quand soudain jusqu´à nous une enfant presque nue

Et livide, tenant des fleurettes en main,
Accourut, se frayant à la hâte un chemin
Entre les baux habits et les riches toilettes,
Nous offrir un petit bouquet de violettes.

Elle avait deviné que nous étions heureux
Sans doute, et s´était dit: « Ils seront généreux. »
Elle nous proposa ses fleurs d´une voix douce,
En souriant avec ce sourire qui tousse.

Et c´était monstrueux, cette enfant de sept ans
Qui mourait de l´hiver en offrant le printemps.
Ses pauvres petits doigts étaient pleins d´engelures.
Moi, je sentais le fin parfum de tes fourrures,

Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon,
Et je touchais ta main chaude dans ton manchon.
Nous fîmes notre offrande, amie, et nous passâmes;
Mais la gaîté s´était envolée, et nos âmes
Gardèrent jusqu´au soir un souvenir amer.

Mignonne, nous ferons l´aumône cet hiver.

(François Coppée)

Illustration: Jean-Marie Lemire

 

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Virginité (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2020



« Baisez mes yeux, baisez mes seins,
Baisez ma hanche sinueuse,
Toute ma chair voluptueuse,
Avec de monstrueux desseins ».

« Mais laissez mon sexe et ma bouche.
J’adore voir, dans votre oeil clair,
Un rauque éclair,
Un éclair louche,
Dur et farouche. »

La vierge priait, ardemment,
Accroissant ses désirs, ses vices,
Et sans sévices,
J’étais amant,
Atrocement.

(Paul Eluard)

Illustration: Paul Delvaux

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Animal monstrueux (Henri Cazalis)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2019



 

Sarolta Bán n5 [1280x768]

Animal monstrueux, qu’agite une âme obscure,
Monstre muet, comment, ô ma mère, ô Nature,
Suis-je ta conscience et ton verbe, et pourquoi
Sembles-tu ne penser et ne parler qu’en moi ?

(Henri Cazalis)

Illustration: Sarolta Bán

 

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Ô terre monstrueuse (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2018




    
Ô terre monstrueuse, inaliénable,
inadaptée parce que rongée d’azur!
Il n’y a de lieu que pour l’épreuve.

(Edmond Jabès)

 

Recueil: L’ineffaçable L’inaperçu
Traduction:
Editions: Gallimard

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Nous aimerions Dieu (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2018




    
Nous aimerions Dieu
si le cristal de nos yeux
était convexe et non concave.

Nous verrions les étoiles
non dans l’air
mais en nous-mêmes.

Nous aimerions Dieu
si le coeur, grotte de l’âme,
était en eau, au lieu de chair.

Nous verrions dans cet aquarium
les hommes, la monstrueuse
faune des péchés.

(Federico Garcia Lorca)

 

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Fontaine (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2018



 

fontaine-cassée3 [1280x768]

Fontaine

La fontaine brisée m’a dit quelle était sa vie
Toujours mouillée toujours pleurant
Et les terrifiantes histoires que raconte l’eau
Quand elle sort de terre
Les poissons monstrueux qu’elle a portés
Et patati et patata
Ce n’est pas une vie rose
Que la vie d’une fontaine brisée.

(Robert Desnos)

Illustration

 

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Les rivages (June Shenfield)

Posted by arbrealettres sur 15 février 2018




    
les rivages
plus monstrueux
les uns
que les autres
refusent
l’empreinte de mes pas
les marées
anéantissent ces
châteaux
que je n’ai d’autre
moyen de construire
qu’en sable auquel
je n’ai moyen de
m’accrocher
qu’en rêve
sur un radeau
brisé
qu’emporte
incessant
le ressac
vague
après vague
en froids
rappels
du temps
révolu.

***

each shore
more
monstrous
than the next
rejects my
footprints
the tides crush
down those
castles
I find no other
way to build
no other ways
to cling to
sand
but dream
on a broken
raft
carried along
by the
never-ending
waves
each one
a cold
reminder
of what
has been.

(June Shenfield)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

 

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Je cherche à comprendre (Etty Hillesum)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2018



 

Illustration: Otto Dix
    
Je cherche à comprendre et à disséquer les pires exactions,
j’essaie toujours de retrouver la place de l’homme dans sa nudité,
sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable.
Enseveli parmi les ruines monstrueuses de ses actes absurdes.

(Etty Hillesum)

 

 

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LE TRAVAIL CONTINU (Raymond Queneau)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2017




    
LE TRAVAIL CONTINU

À l’ombre du mot tilbury
se reposait un soir de juin
un homme qui tentait d’enter
un vers marron sur de la prose
Cette opération monstrueuse
l’occupait de telle façon
qu’il ne vit point passer la phrase
qui l’aurait tiré d’embarras
Il s’acharnait en grommelant
cependant que sous le ciel rose
la lune d’un pas turbulent
traversait des nuages lyriques
Lorsque l’entracte fut fini
l’horticulteur pédagogique
remit dans l’ombre le lexique
et saisissant sa douce hie
il se pencha de nouveau sur
son travail presque minéral
Paveurs Pavés êtes ainsi
lorsque tombe le crépuscule
l’écho des poètes passés
dans cette rue presque nocturne

(Raymond Queneau)

 

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