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Fleuve, lune et fleurs printanières (Zhang Ruoxu)

Posted by arbrealettres sur 2 janvier 2022



Illustration: Koho Shoda 

    

Fleuve, lune et fleurs printanières

Au printemps le fleuve déborde, s’unissant à la mer,
De l’océan, la lune monte avec la marée;
Scintillante, suivant les flots sur dix mille lis,
La lune glisse omniprésente le long du fleuve au printemps.

Le courant serpente entre les prairies parfumées,
Les arbres fleuris deviennent neigeux sous les rayons argentés;
Dans l’air qui semble condensé, se meut le givre
Qui voile les rives sablonneuses, à peine distinctes.

Ciel et fleuve, sans l ‘ombre d ‘une poussière, forment un camaïeu pur,
Au-dessus duquel brille une lune solitaire dans le firmament infini;
Qui fut le premier à contempler la lune au bord du fleuve?
Et quand pour la première fois, la lune a-t-elle éclairé la nuit?

La vie se perpétue, génération après génération,
Fleuve et lune paraissent immuables, année après année.
Innombrables sont les hommes qui s’en sont allés sous cette lune,
Seul demeure le grand Yangtsé charriant ses eaux précipitées.

Autant me semble, éloigné ce flocon de nuage qui va s’effilochant,
Autant est triste l’homme sur la rive aux érables verts;
Cette nuit-dans quelle maison, pense-t-on au voyageur sur l ‘eau
Sous cette lune qui s’attriste d’éclairer en solitaire le pavillon vide?

Elle s’y attarde, comme accrochée par dessus son toit,
Et pénètre le boudoir habité par une âme esseulée.
Elle se présente, insistante, à la fenêtre au rideau tiré,
Indélébile sur la planche où tomberont les coups du battoir.

A cette heure, à défaut de nouvelle, nous regardons la même lune,
Mais je voudrais être un de ces rayons qui te caresse…
Que l ‘oie sauvage porte mon message aussi loin que la lune!
Que les ondes nées des ébats des poissons composent mon courrier!

La nuit précédente, un rêve, où les pétales tombaient sur l’étang;
La mi-printemps déjà passée, et toi, malheureuse, tu ne me reviens pas…
Avec les eaux du fleuve, le printemps touche presque à sa fin,
A l’ouest, près de l ‘étang, la lune est sur son déclin;

Elle va bientôt se coucher au fond de la mer brumeuse,
Mais longue est la route, avant que les fleuves, Xiao et Xiang se rejoignent:
Combien sont-ils, ceux qui rentrent au clair de lune, cette nuit-là?
A la lune déclinée, les arbres du fleuve soupirent, mélancoliques.

***

春江潮水连海平,
海上明月共潮升。
滟滟随波千万里,
何处春江无月明!

江流宛转绕芳甸,
月照花林皆似霰;
空里流霜不觉飞,
汀上白沙看不见。

江天一色无纤尘,
皎皎空中孤月轮 。
江畔何人初见月?
江月何年初照人?

人生代代无穷已,
江月年年只相似;
不知江月照何人,
但见长江送流水。

白云一片去悠悠,
青枫浦上不胜愁。
谁家今夜扁舟子?
何处相思明月楼?

可怜楼上月徘徊,
应照离人妆镜台。
玉户帘中卷不去,
捣衣砧上拂还来。

此时相望不相闻,
愿逐月华流照君。
鸿雁长飞光不度,
鱼龙潜跃水成文。

昨夜闲潭梦落花,
可怜春半不还家。
江水流春去欲尽,
江潭落月复西斜。

斜月沉沉藏海雾,
碣石潇湘无限路。
不知乘月几人归,
落月摇情满江树。

(Zhang Ruoxu)

 

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Girafes (Karen Blixen)

Posted by arbrealettres sur 23 novembre 2017




    
J’ai maintes fois vu des girafes arpenter la plaine,
avec leur grâce incomparable, quasi végétative,
comme s’il ne s’agissait pas d’un troupeau d’animaux,
mais d’une famille de rares fleurs colossales,
tachetées et montées sur de hautes tiges.

(Karen Blixen)

 

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La Vie, la Nuit (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 15 août 2017



La Vie, la Nuit

A la recherche de la première étoile dans le ciel
je vais entre les murs
qui me tutoient.
La lumière qui ne se lève pas
dans les tunnels du sang
attend près du regard
combien de pierres
dont elle s’enveloppe
pavent le ciel.

Les fenêtres de la veille sont mortes
ouvertes aux couchants.
L’humus de la chambre
un peu tiède comme le cœur
est toujours plein de femmes
qui tricotent en songeant à l’amour.

L’ombre fait un cercle autour de la lampe
et le fourneau est sans doute seul heureux
comment sortir de cette maison
sans avoir l’air gauche, sans mentir
comment jouer le rôle de passant
sans penser à la mort
qui compte mes pas
qui me pousse si je m’arrête
comment croiser ce regard
où elle est déjà montée ?

(Lucien Becker)

 

 

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Dans la main (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 14 août 2017



Illustration: Elizaveta Porodina
    
Dans la main, la tête ouverte est belle
de toute sa boue ensanglantée
et la mémoire refait en vain un regard
qui n’a plus de poids, ni de cils.

Le corps poignant de désirs tourne dans la ville
se heurte aux jambes qui montent vers les femmes
jusqu’au point où la chair se partage en un sexe
et la terre à chaque étage rit à pleines dents.

Une femme entr’ouverte chevauche la ville :
pas un cri ne soulève la tuile d’un toit,
pas une main ne donne l’alarme dans les fenêtres,
pas un mur n’écarte sa bouche serrée.

C’est alors qu’au milieu de la nuit s’ouvre
un grand trou qui est peut-être la mer,
qui est peut-être une montagne
et qui cherche, pantelant, un peu de jour.

(Lucien Becker)

 

Recueil: Rien que l’amour
Editions: La Table Ronde

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