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Poésie

Posts Tagged ‘mur’

CHANSON (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023



Illustration: Alexis Becard
    
CHANSON

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.

Vent du ciel ! vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. O brise familière, Perds-le !
Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
O vent, et dans la mer va jeter ma poussière !

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Seigneur, qui tenez entre vos doigts mon âme (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



    

Seigneur, qui tenez entre vos doigts mon âme
Comme une chandelle de pissenlit mûr
Dont le vent vous réclame Ailleurs les cent ailes;
Qui la tenez frémissante au bord du monde…

Ô Dieu! qu’allez-vous faire !…
Ah! ne me livrez pas si faible à l’espace…
Laissez-moi sans vivre, …
laissez-moi sans être !

N’ouvrez pas au jour hostile qui s’êlance
La nuit de mon somme,
Pour me jeter tremblante encore de silence
Dans le bruit des hommes.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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J’ai su comment les visages se défont (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
J’ai su comment les visages se défont,
Comment on voit la teneur sous les paupières,
Comment des pages d’écriture au poinçon
Font ressortir sur les joues la douleur,
Comment les boucles noires ou cendrées
Ressemblent soudain à du métal blanc.
Le sourire s’éteint sur les lèvres dociles
Et la peur tremble dans un petit rire sec.
Si je prie, ce n’est pas pour moi seule,
Mais pour tous ceux qui ont avec moi attendu
Dans le froid féroce, ou sous la canicule,
Au pied du mur rouge, du mur aveugle.

(Anna Akhmatova)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Jean-Louis Backès
Editions: Gallimard

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L’auberge (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023



Illustration: David Téniers  
    
L’auberge

Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.

Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !

La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.

Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Ô PAYSAGE (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2023




    
Ô PAYSAGE

Le soleil luit sur la route,
Caresse un vaste champ de blé
Tel un grand rivage sablé
Combien dans mon coeur je le goûte
Alors que tombent les épis
De la belle plaine aux blés mûrs
La brise aux mille reflets purs
Rayonne sur ce blond tapis
Tout près, le calme pâturage
Aligne ses petits bouquets
Sentant bon la vieille bourrache
Près des oiseaux dans les bosquets
Les matins bleus aux couchants d’or
Recouvrent tes sillons de vie
O paysage fortifie
Tous les humains de ton trésor.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE

Le bruit bourgeonne
roulé par des voitures à fines roues.
Un homme vit dans le grenier sans
connaître le reste de la maison
gardé par des chats et des cuivres.
La poussière le recouvre des longs
voyages au long des murs où de
temps en temps
paraissent des femmes
lentes et sans vêtement.

(Daniel Boulanger)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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J’aime imaginer (Julien Baer)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



Illustration: Guy Borremans
    
J’aime imaginer

Quand tes dix doigts d’un geste lent effleurent la soie
Ou se dessinent
Tes seins que tu frôles à présent d’un air absent
Qui me fascine

Un miroir où tu te vois naître et disparaître
Qui te résume
Allongée sur le lit défait, les draps froissés
Tu te consumes

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Laisse aux passants aux autres gens quelques indices
Pour qu’ils espèrent
Je n’ai besoin de presque rien pour dans le noir
Voir la lumière

Et s’ils veulent savoir où tu vis, ce que tu dis
A quoi tu penses
Il me suffit de t’inventer et en un éclair
Tout recommence

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Je vois souvent ce qui n’est pas, ce qui s’esquisse
Encore à peine
Je vois du sang sur le mur blanc et même libre
Je vois mes chaînes

Et si tu pars vers d’autres quais, d’autres idées
Une autre histoire
Pour moi tu n’as jamais vraiment, même un instant
Quitté la gare.

(Julien Baer)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Mon enfance (Monique Serf)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




Illustration
    
Mon enfance

J’ai eu tort, je suis revenue dans cette ville au loin perdue
Où j’avais passé mon enfance
J’ai eu tort, j’ai voulu revoir le coteau où glissait le soir
Bleu et gris, ombres de silence
Et j’ai retrouvé comme avant
Longtemps après
Le coteau, l’arbre se dressant
Comme au passé

J’ai marché les tempes brûlantes
Croyant étouffer sous mes pas
Les voies du passé qui nous hantent
Et reviennent sonner le glas
Et je me suis couchée sous l’arbre
Et c’était les mêmes odeurs
Et j’ai laissé couler mes pleurs
Mes pleurs

J’ai mis mon dos nu à l’écorce, l’arbre m’a redonné des forces
Tout comme au temps de mon enfance
Et longtemps j’ai fermé les yeux, je crois que j’ai prié un peu
Je retrouvais mon innocence
Avant que le soir ne se pose
J’ai voulu voir
La maison fleurie sous les roses
J’ai voulu voir
Le jardin où nos cris d’enfants
Jaillissaient comme source claire
Jean-claude et Régine et puis Jean
Tout redevenait comme hier
Le parfum lourd des sauges rouges
Les dahlias fauves dans l’allée
Le puits, tout, j’ai tout retrouvé
Hélas

La guerre nous avait jeté là, d’autres furent moins heureux je crois
Au temps joli de leur enfance
La guerre nous avait jeté là, nous vivions comme hors-la-loi
Et j’aimais cela quand j’y pense
Oh mes printemps, oh mes soleils, oh mes folles années perdues
Oh mes quinze ans, oh mes merveilles
Que j’ai mal d’être revenue
Oh les noix fraîches de septembre
Et l’odeur des mûres écrasées
C’est fou, tout, j’ai tout retrouvé
Hélas

Il ne faut jamais revenir aux temps cachés des souvenirs
Du temps béni de son enfance
Car parmi tous les souvenirs, ceux de l’enfance sont les pires
Ceux de l’enfance nous déchirent
Oh ma très chérie, oh ma mère, où êtes-vous donc aujourd’hui?
Vous dormez au chaud de la terre
Et moi je suis venue ici
Pour y retrouver votre rire
Vos colères et votre jeunesse
Et je reste seule avec ma détresse
Hélas

Pourquoi suis-je donc revenue et seule au détour de ces rues
J’ai froid, j’ai peur, le soir se penche
Pourquoi suis-je venue ici, où mon passé me crucifie
Et ne dort jamais mon enfance?

(Monique Serf)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Couteau (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2023




    
couteau

Bâtis un mur
autour de ton cœur
pour que l’amour
ne puisse jamais entrer.

L’amour est plus cruel
que le couteau
d’un homme
qui tranche
la gorge
de quatre enfants.

***

knife

Build a wall
around your heart
so that love
can never get in.

Love is crueler than the knife of a man
who slit
the throats of four children.

(Richard Brautigan)

Recueil:Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus
Traduction: de l’anglais par Thierry Beauchamp et Romain Rabier
Editions: Points

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Le lézard (Jean l’Anselme)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2023




    
Le lézard

J’étais seul.
Mon regard était prisonnier
d’un mur blanc chaulé de frais.

Il y avait ce mur en plein soleil,
chaud de tout ce soleil
et blanc de tout ce soleil.

Il y avait le silence
et le silence de mon regard
et pas un souffle de vent.

Tout était en place pour que dans ce blanc,
dans cette chaleur, dans ce silence,
il y eut un lézard.

Il ne manquait que cette présence.

Mon regard figé l’attendit.
Interminablement.

(Jean l’Anselme)

Recueil: Jean Orizet: Les plus beaux poèmes pour les enfants

Editions: Le Cherche Midi

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