Il était une dame tartine,
Dans un beau palais de beurre frais,
La muraille était de praline,
Le parquet était de croquet,
La chambre à coucher,
De crème de lait,
Le lit de biscuits,
Les rideaux d’anis.
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d’un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d’vol-au-vent
Culotte en nougat,
Gilet d’chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte,
Avait un nez de massepain,
De superbes dents de compote,
Des oreilles de craquelin.
Je la vois garnir,
Sa robe de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d’abricot.
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs cheveux de marmelade
Ornés de pommes cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabre en pelure d’oignons
Sur de drôles de brioches
Charlotte vient s’asseoir,
Les bonbons d’ ses poches
Sortent jusqu’au soir.
Voici que la fée Carabosse,
Jalouse et de mauvaise humeur,
Renversa d´un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
Pour le rebâtir,
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents,
Du sucre aux enfants.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Les mères attentives au souffle lumineux de leur nouveau-né dormant
savent qu’il n’est pas nécessaire de mourir pour connaître un autre monde :
toute pure contemplation fait s’écrouler en silence les murailles du temps.
Sur les toits blêmes, j’ai jeté notre manteau d’oubli.
Nous nous sommes absentés
Laissant l’ombre déchirée du grand chêne sur les marches.
Le cri des terreurs,
L’angle qui rive nos murailles.
Sur mon épaule droite, j’ai pris l’enfant-roi.
Nos traces, le long des terres déteintes,
Avaient la chaleur des gorges d’oiseaux.
L’oeil de l’enfant est né dans le soleil;
Son jardin, où résident les silences,
N’a plus de solitude autour d’un arbre-mort.
Parce que rien n’est simple, j’ai ravi l’enfant-roi.
Et nous voici ensemble:
Ses printemps
Mes automnes
Nos magies
Et mon pas.
Il y a sûrement une porte
mais il faudrait la trouver
une porte dans le ciel gris qui ouvrirait sur un pré
Ici c’est l’hiver mais une fois la porte ouverte
on entrerait dans l’été
Ici c’est gris étouffé cendres serrées et murailles closes
mais si on parvenait à ouvrir la porte
un plein soleil de coquelicots
d’herbe fraîche et de campanules
vous rirait au nez
Si on trouvait la porte
qui se cache dans les corridors
on aurait de nouveau la vie devant soi
avec le soleil retrouvé
la permission de tout recommencer
(Claude Roy)
Recueil: Poèmes de Claude Roy
Traduction:
Editions : Bayard Jeunesse
Char solitaire sur les routes frontalières
Long-jour passé, voici les pays soumis
Herbe errante hors des murailles des Han
Oie sauvage égarée dans le ciel barbare
Vaste désert où s’élève, droite, une fumée
Long fleuve où se pose le disque du couchant
A la passe Désolée enfin une patrouille
Le quartier général? Au mont Hirondelles !
(Wang Wei)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
Mont bleu côtoyant les remparts du nord
Eau claire entourant la muraille à l’est
En ce lieu nous allons nous séparer
Tu seras herbe, sur dix mille li, errante
Nuage flottant : humeur du vagabond
Soleil mourant : appel du vieil ami
Adieu que disent les mains. Ultime instant :
On n’entend que les chevaux qui hennissent
(Li Bo)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
Plus vite il marchait,
plus il approchait de sa maison,
plus elle rapetissait,
devenait inhabitable.
La distance se solidifiait derrière sa marche
et le poussait avec le rythme
d’une troupe militaire que rien ne presse.
Il lui fallait entrer dans cette maison minuscule,
ce qui était impossible et devint possible
lorsque la muraille militaire s’arrêta.
Le voyageur, alors, rapetissa très vite
cependant que sa maison grandissait à vue d’oeil
et qu’une belle jeune fille apparaissait à une fenêtre
et riait de son aventure.
(Jean Cocteau)
Recueil: Poèmes Appogiatures Clair-obscur Paraprosodies
Editions: Du Rocher
Fruit qui jaillissez du couteau,
Beauté dont saveur est l’écho,
Aurore à gueule de tenailles,
Amants qu’on veut désassembler,
Femme qui portez tablier,
Ongle qui grattez la muraille,
Désertez ! désertez !