Ô longs désirs, ô espérances vaines,
Tristes soupirs et larmes coutumières
A engendrer de moi maintes rivières,
Dont mes deux yeux sont sources et fontaines !
Ô cruautés, ô duretés inhumaines,
Piteux regards des célestes lumières,
Du cœur transi ô passions premières,
Estimez-vous croître encore mes peines ?
Qu’encor Amour sur moi son arc essaie,
Que nouveaux feux me jette et nouveaux dards,
Qu’il se dépite, et pis qu’il pourra fasse :
Car je suis tant navrée en toutes parts
Que plus en moi une nouvelle plaie,
Pour m’empirer, ne pourrait trouver place.
La douleur te laissa
sans âme, comme morte.
Et tu tombas, lourde et sans poids, entre les bras
de qui te navrait,
en une concession totale de vie et de mort.
Quelle fleur flétrie
ainsi belle plus tristement, lis blanc
de chair exacte et légère, doux nard de ce monde,
presque une étoile alors d’un autre monde ;
nard de l’entre deux mondes ?
Là, sur le sol noir, tu semblais,
non pas un corps avec une âme en ascension
mais une âme tombée d’un corps céleste.
mal tenue dans des bras
qui ne te comprenaient pas —,
tâche lunaire de lune errante
sur la misérable scorie ;
tâche lunaire de lune errante !
***
(La verdad y Grünewald)
La pena te dejó
sin alma, como muerta.
Y te caíste, ingrávida y pesada, entre los brazos
de quien te lastimaba,
en una concesión total de vida y muerte.
¿Qué flor marchita
más tristemente bella así, azucena
de carne exacta y leve, dulce nardo de este mundo,
entonces casi estrella de otro mundo;
nardo de entre dos mundos?
No cuerpo con el alma en ascensión
sino alma caída de cuerpo celestial
parecías allí, en el suelo negro
—mal tenida por brazos
que no te comprendían—,
¡lunar de luna errante
sobre la miserable escoria;
lunar de luna errante!
Plus de jours ténébreux, plus d’ombres monotones,
Le rêve que j’ai fait les métamorphosa,
Le printemps a jailli des mauves anémones,
Des roses, des oeillets, de l’or des mimosas.
Une abeille à travers mon coeur vibre et chantonne
Sous les rameaux pourprés et que l’aube arrosa,
Et mon bois tout entier ensoleillé résonne,
Clavecin qu’effleura jadis Cimarosa.
Le vent qui me caresse a la tiédeur d’un cygne
Et loin de ce qui fait qu’on pleure et se résigne,
Des horizons brumeux et des désirs navrés,
Je savoure, oublieux des heures affadies,
Les parfums s’exhalant des tiges alourdies,
Doux comme des aveux aux lèvres soupirés.
Il y a un dernier wagon solitaire sur le point de partir.
Entrons-y et partons
Car il n’attendra pas.
J’ai vu des fillettes partir doucement,
Leurs visages tristes,
Avec l’air honteux et navré,
Comme des couchers de soleil pourpres,
Et des enfants roses potelés,
Qui sont partis simplement
Parce qu’on les avait appelés
Et j’ai vu des hommes
Qui avaient marché fièrement, bien droits, dans les rues de par le monde,
Dont les grands yeux parcouraient
Une vaste étendue,
Eux aussi sont entrés calmement
Et ils sont partis.
Et nous sommes les derniers.
Le jour tombe.
Le dernier wagon solitaire est sur le point de partir.
Entrons-y calmement
Et partons,
Car il n’attendra pas.