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Poésie

Posts Tagged ‘nom’

Le programme en quelques siècles (Armand Robin)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2023


Les Temps modernes

On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.

On supprimera l’Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice,
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l‘Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.

On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.

On supprimera le Sens du Mot
Au nom du Sens de mots,
Puis on supprimera le sens des mots.

On supprimera le Sublime
Au nom de l’Art,
Puis on supprimera l’art.

On supprimera les Ecrits,
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.

On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.

On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.

On supprimera l’Esprit
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.

AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L’HOMME.
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L’HOMME:
IL N’Y AURA PLUS DE NOM

NOUS Y SOMMES.

(Armand Robin)

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Fleur de lune (Guy Meunier)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2023



Illustration
    
Fleur de lune

L’endymion est une fleur qui
En dit long sur les sous-bois qui
Sont revenus de leur maquis
Où l’hiver les avait requis.

L’endymion est une fleur que
Je m’en vais retrouver dès que
Décembre nous montre sa queue
Et que Mars devient belliqueux.

L’endymion est une fleur dont
La délicatesse est un don
Pour le timide céladon
Oui lui confie ses abandons.

L’endymion est une fleur dont
Le nom usuel est clochette ou
Bien jacinthe des bois, et qui
Fleurit lorsque la lune est … bleue.

(Guy Meunier)

Recueil: On fait comme on a dit
Editions: Lavillatte
  

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La Frontière (Bernard Lavilliers)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023



    

La Frontière

Allongé sur le sable on dirait qu’il dort
Il est beau et très calme dans le froid qui mord
C’est un guerrier nomade, un homme du désert
Qui est couché dans le sable les yeux grands ouverts

Jusqu’où vont les nomades plus loin que la mort
Dans le chant des étoiles y’a le mirador
A quoi rêvent les nomades sous le ciel ouvert
A des pur-sang arabes écumant la mer.

Reste dans ton rêve, c’est peut-être mieux
Mais le jour se lève et en plein milieu
Il y a la frontière.

La violence est silence,
Silence est désert
Sentinelles de sable tournés vers la mer
Tirez sur tout ce qui bouge, même sur la poussière
Tirez sur le soleil rouge qui meurt dans la mer.

Qui partage les pierres, les jungles et le sable
Qui a mis l’univers à plat sur la table
Qui a peur de son ombre et qui fait la guerre
Mais déjà le vent efface ton nom sur la pierre.
Couché sur le sable, on dirait qu’il dort
Mais pour un nomade, c’est après la mort
Qu’y a plus de frontière.

Où est la frontière?
Où est la frontière?
Pour qui la frontière?
C’est loin la frontière?
Pourquoi la frontière?
C’est loin la frontière?
Où est la frontière?

(Bernard Lavilliers)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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C’est seulement en vieillissant (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023




    
C’est seulement en vieillissant
que j’ai appris à aimer le silence.
parfois il exalte plus que la musique.
Dans le silence apparaissent des signes frissonnants
et sur les carrefours de la mémoire
tu entends les noms
que le temps a essayé d’étouffer.
Le soir, dans les couronnes des arbres, j’entends même
les coeurs des oiseaux.
Et un soir au cimetière,
j’ai entendu comme au fond d’une tombe
craquait le cercueil.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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LES BARRIÈRES CÉLESTES (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023



Illustration: Ron Mueck
    
LES BARRIÈRES CÉLESTES

Quelques secondes avant de mourir
la mère tourna son visage vers nous
et d’une voix rauque s’écria :
Il n’y a rien !
Puis la voûte du silence s’éleva sur sa bouche.

Dans quel abîme se sont répandus
les grains de son chapelet
cent fois embrassés,
où sont tombés les mots de toutes ses prières
et le bruissement des chansons
qu’elle chantait depuis l’enfance ?
Que sont devenues la peur et l’angoisse
devant ses actes les plus menus ?
Ils portent les noms des péchés
sans être meilleurs ou pires
que les autres.

Quelle obscurité a-t-elle aperçue
dans cette cruelle seconde,
où, du talon, nous repoussons le sol
pour retomber aussitôt sur lui ?

e sortis sur le balcon
et de la chaise branlante de ma mère
je regardai quelque part,
dans les hauteurs célestes.
Durant toute notre longue vie
elles ne cessent de lorgner vers nos fenêtres,
elles n’ordonnent rien,
elles ne demandent rien
et, si vous voulez, elles
sont d’une beauté indicible.
Et nous, nous essayons de les acheter
par un grain d’encens par un grain du chapelet,
par des mots, par une larme !

Et à la fin
nous voulons soulever leurs barrières lumineuses
par notre dernier soupir,
celui qui, de tous nos gémissements,
est le plus vain.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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Je ne veux pas connaître (Laurent Graff)

Posted by arbrealettres sur 7 mars 2023



    

Je ne veux pas connaître le nom des oiseaux ni celui des herbes.
Je ne veux même pas savoir où se trouvent le nord et le sud.

(Laurent Graff)

Recueil: Au nom de sa majesté
Editions: Le dilettante

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CHOSES (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Gabriela Mistral
    
CHOSES
A Max Daireaux.

J’aime les choses jamais eues,
avec celles que je n’ai plus.

Je palpe une eau silencieuse,
étale sur des prés frileux,
frissonnant sans la moindre brise,
dans un clos qui fut mon enclos.

Je la vois comme la voyais,
une étrange pensée me vient
et je joue, lente, avec cette eau,
comme avec poisson ou mystère.

Je pense au lieu où j’ai laissé
des pas joyeux que je n’ai plus
et sur le seuil, vois une plaie,
pleine de mousse et de silence.

Je cherche un vers que j’ai perdu
et que m’avait dit à sept ans
une femme faisant le pain,
dont je vois la bouche bénie.

Un parfum défait en rafales
m’apporte bonheur quand il vient,
si ténu qu’il n’est pas parfum,
et c’est l’odeur des amandiers.

Il redonne enfance à mes sens,
je lui cherche un nom et ne trouve
et flaire l’air et les villages,
en quête d’amandiers absents.

J’entends tout près une rivière;
je l’entends depuis quarante ans :
c’est le murmure de mon sang,
ou quelque rythme à moi donné;

ou bien l’Elqui de mon enfance,
que je remonte et passe à gué,
jamais perdu, coeur contre coeur,
nous allons comme deux enfants.

Lorsque je rêve de mes Andes,
j’avance par des défilés
où me parvient un sifflement,
presque une conjuration.

Je vois à ras de Pacifique
mon archipel violet sombre,
avec l’île qui m’a laissé
une âcre odeur d’alcyon mort.

Un dos, un dos grave et paisible
au bout du rêve que je fais
marque la fin de mon chemin;
je m’y repose quand j’arrive.

Tronc d’arbre mort ou bien mon père
est ce vague dos couleur cendre;
je ne l’interroge ni trouble,
je me couche à côté et dors.

J’aime une pierre d’Oaxaca
ou Guatemala; j’en approche;
fixe et rouge, elle me ressemble;
la crevasse en expire un souffle.

Dans son sommeil, je la vois nue,
et ne sais pourquoi la retourne.
Je ne l’ai pas eue peut-être :
c’est mon sépulcre que je vois.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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DONNE-MOI TA MAIN (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
DONNE-MOI TA MAIN

Donne-moi ta main
et nous danserons;
donne-moi ta main
et tu m’aimeras.

Nous serons ainsi
qu’une seule fleur,
ainsi qu’une fleur,
une fleur, c’est tout.

C’est le même chant
que nous chanterons;
c’est le même pas
que nous danserons.

Comme un seul épi
nous ondulerons,
comme un seul épi
un épi, c’est tout.

Tu t’appelles Rose
et moi Espérance,
mais nous oublierons
ton nom et le mien.

Et sur la colline
nous ne serons plus
qu’une unique danse,
unique, c’est tout.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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PRIÈRE DE LA DÉMENTE (Claude de Burine)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
PRIÈRE DE LA DÉMENTE

Et que je brûle en mer
M’apaise enfin dans ma légende
Sur un rivage qu’enchanterait
L’histoire inutile des vagues.

O Dieu
Enlève-moi le feu
Et dis-moi qu’il est bien
Que l’amandier fleurisse
Qu’il me faut accepter sa chance
Sans que j’aie faim à manger la terre
Pour devenir une fois
Sa femme de printemps

O Dieu
Guéris mon corps
De la blessure de l’homme
Préserve-le
D’être sous son baiser
Etang, forêt, marée

Permets que nous dormions ensemble
Nus
Ce n’est pas vrai
Que j’ai crié son nom
J’arracherais plutôt mes lèvres
Avec le vent
Si le vent voulait encore de moi.

Il venait
Je le touchais
Sous le manteau de sortilèges
Je descendais de lui
Comme on descend des rois.

O Dieu
Emporte-moi
Donne-moi
Juste assez de rosée
Juste assez de soif

Je ne veux être qu’une enfant triste
Qui regarde le couchant s’éteindre
Dans la candeur de ses doigts

(Claude de Burine)

Recueil: Hanches
Editions: Saint Germain des Prés

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L’AUBERGE DES ERRANTS (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
L’AUBERGE DES ERRANTS

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables,

Et encore et toujours, tel un parfum,
S’étale le clair de lune sur les toits,
Et par les airs, frais et sombres,
Vole l’essaim léger des nuages.

Tout cela existe, est bien réel,
Mais nous, errants, reposons une nuit,
Puis repartons par les champs,
Et nul ne pense plus à nous.

Bien plus tard, des années après peut-être,
Un rêve en nous évoque la fontaine,
La porte et le toit, et comme tout était là,
Et comme maintenant et longtemps encore tout sera là.

C’est en nous un petit jardin familier,
Et pourtant il n’y eut qu’une halte brève,
Un toit étranger pour l’hôte inconnu,
Il ignore la ville et le nom.

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables…

(Hermann Hesse)

 

Recueil: L’Allemagne en Poésie
Traduction: Rémi Laureillard
Editions: Folio Junior

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