Sur le fleuve à marée haute les vagues s’étendent au ciel,
De l’autre côté du fleuve, dans les arbres glacés le soir, monte le brouillard
Trois jours de vent du nord, personne ne traverse,
Au bout de la grève silencieuse et déserte, un bosquet de barques.
***
(Liú Zi Hui) (1101-1147)
Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise
Posé à même la montagne inclinée,
Je suis l’errance d’une barque fragile,
Dont l’écho rappelle ma destinée.
Elle flotte, légère, sur les flots lourds,
Et fuit mon regard dans l’ampleur du ciel.
Le soleil s’épuise alors dans l’horizon
Et ma vue entre soudain dans le demi-jour d’une lumière indécise.
Un dernier rayon considère encore la cime des arbres
Et la pointe des roches chenues.
Tandis que le lac se teinte d’encre noire,
Des nuages rouges témoignent encore de l’astre défunt.
L’ombre des îles, plus noire encore
Se détache des eaux assoupies
Qui reflètent un instant le souvenir du jour ;
Mais déjà l’obscurité pèse sur les bois et les collines,
Et le trait confus du rivage
Se trouble dans mon regard impuissant.
La nuit vient, l’air est vif ;
Le souffle du nord crie implacable
Et pousse les cormorans vers la rive.
Ils attendront l’aurore entre les roseaux.
La lune coquette se montre sur les eaux lisses.
Je prends mon luth
Et accompagne ma solitude.
Mes doigts caressent les cordes en sanglots ;
Le chant disperse au loin ses accords.
Le temps s’envole ;
Un frisson de rosée me rappelle à l’heure tardive.
(Chang Jian)
(VIIIe siècle)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Verte, si Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière
Amples, si amples se déploient les saules du jardin
Belle, si belle cette femme qui se tient en haut des marches
Claire et brillante, elle apparaît dans la fenêtre
Charmant, si charmant son visage poudré
Fines, si fines ses mains blanches qui se découvrent
Autrefois chanteuse, elle ornait la maison de musique
La voilà aujourd’hui à un petit qui délaisse son foyer
Comment se résoudre à voir encore son lit inoccupé ?
Le banquet remplit le jour d’échos hilares
Et les joies délicieuses épuisent encore nos mots.
Comment dire cette merveille que le luth accentue
Son chant m’amène au voisinage céleste
Le génie musical embrase l’écoute de ceux qui s’attardent
Et c’est d’un seul coeur que nous portons l’élan de nos souhaits
Mais la fête entamée garde encore une pensée silencieuse
Les jours des hommes tourbillonnent puis se dispersent
Si peu de temps pour jouir du beau séjour !
Pourquoi ne pas laisser ses ambitions galoper ?
Pour être ainsi le premier arrivé aux commandes du monde
Pourquoi rester pauvre et ignoré,
Enlisé dans les marais aigres du ressentiment !
La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.
(Anonyme)
Les dix-neuf poèmes anciens des Han (ler siècle ap. J.-C.)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Je baigne mon corps dans l’eau d’orchidée
Et mille parfums se mêlent à mes cheveux.
Je passe des robes colorées à la trame fleurie.
L’esprit des nuées tourne et virevolte.
Il s’équilibre enfin.
Radieux et souverain dans sa gloire éternelle,
Il vient se délasser dans le temple de Longue Vie.
Le soleil et la lune ornent son éclat.
Son char est attelé d’un dragon.
Sa main divine est ferme sur les rênes.
Il vagabonde dans l’ampleur du ciel.
À peine descendu, le voilà déjà qui s’envole jusqu’aux nuages.
Ses yeux limpides embrassent le Nord et les régions des quatre mers.
Quelle contrée n’a-t-il pas encore visitée ?
Je pense à vous beau seigneur en soupirant.
Grave est ce coeur que vous seul savez affliger.
(Anonyme)
Le Recueil des chants du Sud (Chuci)
(IV III siècles : période des Royaumes combattants)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Cette chambre est fermée de tous côtés.
Cependant, un éclair l’a traversée.
Il me semble du moins en avoir aperçu un.
Ou est-ce la merveilleuse réalité
que nous percevons de l’endroit où nous sommes ?
Cet éclair, est-il désormais
ailleurs, hors d’ici ?
Est-ce chose possible ?
Il n’y a en ce lieu aucun passage.
Et les vitres des fenêtres sont couvertes d’épais rideaux.
Cela ne fut-il qu’une intime illusion?
Cet éclair, n’est-il passé qu’en moi?
Ce malentendu entre dedans et dehors
m’a fait entendre un grondement violent.
Pendant qu’en ce vide obscur
la respiration est à peine sensible,
un silence imperturbable demeure
couché et endormi à mes pieds sur lui : un couvre-pied.
Ce frémissement, qui a parcouru coins et recoins de ce lieu,
a provoqué dans les forêts environnantes un cri de douleur soudain,
audible jusqu’à cette chambre si bien fermée,
cri apparu pour s’éteindre aussitôt, sans disparaître pour autant.
Les rayons, qui pénétrèrent et lacérèrent cet instant fragile,
se sont enfuis et s’enfuient encore,
vers le haut et le bas, le nord, le sud.
S’agit-il du vaste ciel où je me tiens assis maintenant?
Quelle étrange vision pour mes yeux clos !
Mon siège tourne, et en tournant
m’entraîne dans une orbite circulaire,
planète au mouvement semblable
à des milliers d’autres en cet espace infini.
Est-ce donc ainsi la forme de ma pensée,
ainsi ce monde :
un royaume céleste dans la chambre ?
***
(Lokenath Bhattacharya)
Traduction de l’auteur et de Marc Blanchet
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Le vent glace la neige sur le mont Céleste
Quelle flûte fait entendre « Dure est la marche » …
Au milieu des sables, trois cent mille soldats
En même temps se retournent : la lune
(Li Yi)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
Nuages vagabonds, éternels pèlerins
Par la steppe azurée, en des colliers de perles,
Vos libres flots, sans être ainsi que moi contraints,
Du nord abandonné vers le sud se déferlent.
Qu’est-ce qui vous poursuit: implacable destin,
Secrète jalousie ou haine qui se terre,
Ou portez-vous le poids d’un crime clandestin,
Sentez-vous des amis le souffle délétère?
Vous en avez assez de ces plaines flétries.
Exempts de passions, gardant votre équilibre,
Vous ignorez l’exil, à défaut de patrie,
Eternellement froids, éternellement libres.
(Michel Lermontov)
Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne
Un
murmure
de vent d’océan
Souffle de loin
Et la lessive
flotte
À
l’ombre
du mur Entre
le ciel et la terre
Il y a des gens qui
veulent vivre en paix
N’abandonnez pas, continuez
à rêver De paix et de prospérité
Quand les murs de la peur fondront-ils
Quand reviendrai-je de l’exil
Et mes portes s’ouvriront
À ce qui est
vraiment
bon
***
Hébreu — arabe
(les paroles en arabe
sont tirées d’une chanson
d’enfants, chantée par Feiruz)
Viens dormir ! —
Un autre lever de soleil
Viens dormir —
Et le matin est là
Nous
abattrons —
Une mère envoie
Une colombe pour vous
Avec une prière
Envole-toi colombe,
n’y crois pas —
Son enfant à l’école
Nous allons rire avec l’enfant —
au son Pour qu’il puisse dormir —
de guerre
Les murs
de
la peur
fondront un jour
Et je reviendrai de l’exil
Mes portes ouvriront
À ce qui est
vraiment
bon
(anglais et arabe)
Du nord au
sud
De
l’ouest
à l’est Écoute
la prière des mères
apporte leur la paix
La lumière monte de l’est
à la prière des mères
pour la
paix.
***
Prayer Of The Mothers
רחישת רוח ים
מנשבת מאי שם
וכביסה מתנפנפת
לצילי החומה
بين الأرض والسما
ناس كتير
بيعيشوا سوى
ما تخافوا تحلموا
بالسلام والأمان
מתי ימסו חומות הפחד
ושבתי מגלותי
יפתחו שעריי
אל הטוב האמיתי
يلا تنام עוד זריחה
تندبحلك طير الحمام בוקר בא
روح يا حمام אם שולחת
בתפילה لا تصدّق
את ילדה לבית הספר
نضحك ع الطفل ت ينام
לצלילי מלחמה
עוד ימסו بيكفي خوف
חומות הפחד تعوا نبدا من جديد
ושבתי מגלותי
יפתחו שעריי ونفتح الأبواب
אל הטוב האמיתי
from the north to the south
from the west to the east
hear the prayer of the mothers
bring them peace
bring them peace
من الشمال
للجنوب
من الغرب
صوب الشرق
إسمع صلاة الأمهات
للسلام
بدنا السلام