Il était une dame tartine,
Dans un beau palais de beurre frais,
La muraille était de praline,
Le parquet était de croquet,
La chambre à coucher,
De crème de lait,
Le lit de biscuits,
Les rideaux d’anis.
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d’un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d’vol-au-vent
Culotte en nougat,
Gilet d’chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte,
Avait un nez de massepain,
De superbes dents de compote,
Des oreilles de craquelin.
Je la vois garnir,
Sa robe de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d’abricot.
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs cheveux de marmelade
Ornés de pommes cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabre en pelure d’oignons
Sur de drôles de brioches
Charlotte vient s’asseoir,
Les bonbons d’ ses poches
Sortent jusqu’au soir.
Voici que la fée Carabosse,
Jalouse et de mauvaise humeur,
Renversa d´un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
Pour le rebâtir,
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents,
Du sucre aux enfants.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Que la lune est belle à midi
c’est l’été au coin du feu
quand le vent ronfle dans le désert
et qu’il fait nuit dans vos cheveux
Arbres plantés comme l’espoir
au bord des routes en rang d’oignons
pluie qui protège la pensée
petites sources infatigables dormez-vous
Au matin gris suivi de tous les escargots
de la veille et du lendemain
j’avance au son des trompettes
Dormez-vous dormons-nous
dormirons-nous encore comme les sacristains
Les rêves ne finissent jamais vous dormez
les yeux ouverts et les membres en désordre
On a frappé à votre porte
C’est déjà le matin
c’est toujours le matin
(Philippe Soupault)
Recueil: Poèmes et poésies
Traduction:
Editions: Grasset
Cher coeur, reine du céleri et de la huche,
petite panthère du fil et de l’oignon,
que j’aime voir briller ton minuscule empire,
les armes de la cire et de l’huile et du vin,
de l’ail, et de ce sol que tes mains ont ouvert,
de la substance bleue qu’elles ont allumée,
de la transmigration du songe à la salade,
du serpent enroulé du tuyau d’arrosage.
De ta faucille tu soulèves les senteurs,
je te vois présider au savon dans la mousse,
tu gravis mes échelles et mes escaliers fous,
et tu découvres dans le sable du cahier,
fouillant les symptômes de ma calligraphie
les lettres égarées qui ont cherché ta bouche.
***
Corazón mío, reina del apio y de la artesa :
pequeña leoparda del hilo y la cebolla :
me gusta ver brillar tu imperio diminuto,
las armas de la cera, del vino, del aceite,
del ajo, de la tierra por tus manos abierta,
de la substancia azul encendida en tus manos,
de la transmigración del sueño a la ensalada,
del reptil enrollado en la manguera.
Tú, con tu podadora levantando el perfume,
tú, con la dirección del jabón en la espuma,
tú, subiendo mis locas escalas y escaleras,
tú, manejando el síntoma de mi caligrafía
y encontrando en la arena del cuaderno
las letras extraviadas que buscaban tu boca.
C’était un peintre
qui cherchait des sujets
dans un village-souris
si-il-vi si-il-vi
s’il vit.
Le boucher souilla de sang
une robe bise
une robe grise
une robe de vent une robe de brise
dans le village-souris
si-il-vi si-il-vi
s’il va.
La laveuse portait des torchons
en tas sur sa fatigue
la digue
comme des pelures d’oignon
si-il-vi si-il-vi
s’il vit.
Ils les mirent un peu partout
la robe bise et les chiffons
le vent sécha le sang du mouton
puis se baisèrent la bouche à doux
dans leur village-souris
si-il-vi si-il-vi
s’il va.
Le boucher partit
la laveuse aussi
le peintre peignit
le village en gris souris
puis s’endormit.
Voilà tout ce que l’oiseau vit
si-il-vi si-il-vi
tireli la fontaine
barbela marjolaine
s’il vit
Sylvie.
Le couteau, les oignons, le chaudron
l’ombre est en croix sur le mur
celui qui entrera dans ma maison
dira le mot pur
prendra ma main
mes façons
ô feu de la pudeur
plan du vin dans le verre
et quand je pense qu’après ma mort,
il y aura encore des jours pour les autres, d’autres jours, d’autres nuits,
des chiens en maraude, des arbres tremblant dans le vent.
Je ne laisserai pas grand-chose.
Quelque chose à lire, peut-être.
Un oignon sauvage
sur la route écoeurée.
Paris dans le noir.
***
and to think, after I’m gone,
there will be more days for others, other days, other nights,
dogs walking, trees shaking in the wind.
I won’t be leaving much.
something to read, maybe.
à Florence
Sous le toit c’est le grenier
sous le grenier la maison.
Au-dessus le ciel ses oiseaux
et autour
le bourg
ses porches
ses cloches
ses colombiers la rivière ses roseaux
les fourches les huches
les sources les roches les ruches…
Et autour
du bourg
dort le Valois
qui est une île en France.
Et autour de la France
c’est la tête ronde
de la terre ses plateaux ses déserts
ses vallons ses volcans
ses savanes ses mers
ses roses des vents
ses archipels ses océans…
Mais sous le toit c’est le grenier
où la terre
demeure enfermée
dans le coeur les yeux les mains
les dix doigts merveilleux d’un gamin
où la terre gît enfermée
à côté des chapeaux des nacres des ors des nippes
des jais des Arlequins des illustrés des pipes
comme l’été dort entier
dans un oignon de tulipe
dans un oignon séché
de la Reine de Tulipe.