Je te reconnaîtrai aux algues de la mer
au sel de tes cheveux aux herbes de tes mains
Je te reconnaîtrai au profond des paupières
je fermerai les yeux tu me prendras la main
Je te reconnaîtrai quand tu viendras pieds nus
sur les sentiers brûlants d’odeurs et de soleil
les cheveux ruisselants sur tes épaules nues
et les seins ombragés des palmes du sommeil
Je laisserai alors s’envoler les oiseaux
les oiseaux long-courriers qui traversent les mers
Les étoiles aux vents courberont leurs fuseaux
les oiseaux très pressés fuiront dans le ciel clair.
Je voudrais être seul dans le sud
Peut-être mes yeux lents ne verront plus le sud
Aux légers paysages endormis dans l’espace,
Aux corps comme des fleurs sous l’ombrage des branches
Ou fuyant au galop de chevaux furieux.
Le sud est un désert qui pleure quand il chante,
Et comme l’oiseau mort, sa voix ne s’éteint pas ;
Vers la mer il dirige ses désirs amers
Ouvrant un faible écho qui vibre lentement.
A ce si lointain sud je veux être mêlé.
La pluie là-bas n’est rien qu’une rose entr’ouverte ;
Son brouillard même rit, rire blanc dans le vent.
Son ombre, sa lumière ont d’égales beautés.
Rêvez un frêle paysage
De bruyères et de bouleaux,
Dont flotte au vent le blanc feuillage,
Comme l’écume sur les flots ;
Et sous cette ombre échevelée,
Rêvez, plus gracieuse encor
Que les bouleaux de la vallée,
La vierge aux longues tresses d’or.
Jour et nuit, blanche et blonde, elle erre ;
Ses yeux bleus se noyant de pleurs,
Fille du ciel et de la terre,
Sœur des étoiles et des fleurs.
Sur son passage tout l’admire
Et tout la chante d’une voix ;
Brisons la guitare et la lyre,
Ses musiciens sont les bois ;
La bête sort de sa tanière,
L’oiseau de son nid pour la voir ;
L’étang, la source et la rivière,
Lui présentent leur bleu miroir.
Jour et nuit, blanche et blonde, elle erre ;
Ses yeux bleus se noyant de pleurs,
Fille du ciel et de la terre,
Sœur des étoiles et des fleurs.
On dit qu’avec les astres même,
La nuit, elle a de longs discours ;
Un autre vous dira qu’elle aime,
Sans rien conter de ses amours.
Oh ! ce n’est point sous vos ombrages,
Bouleaux, sapins, genévriers,
Que nichent ses amours sauvages :
Son cœur est loin de nos sentiers.
Jour et nuit, blanche et blonde, elle erre ;
Ses yeux bleus se noyant de pleurs,
Fille du ciel et de la terre,
Sœur des étoiles et des fleurs.
Elle aime sous l’ombre mystique
Des palmiers d’or qui sont au ciel,
Et sa vie est un long cantique
Qui fuit loin du monde réel.
Ange, vous êtes une femme,
Le ciel est peut-être à vos pieds ;
Choisissez entre mille une âme
Qui vous aime et que vous aimiez.
Jour et nuit, blanche et blonde, elle erre ;
Ses yeux bleus se noyant de pleurs,
Fille du ciel et de la terre,
Sœur des étoiles et des fleurs.
Le temps des lilas et le temps des roses
Ne reviendra plus à ce printemps ci;
Le temps des lilas et le temps des roses
Est passé, le temps des œillets aussi.
Le vent a changé, les cieux sont moroses,
Et nous n’irons plus courir, et cueillir
Les lilas en fleur et les belles roses;
Le printemps est triste et ne peut fleurir.
Oh! joyeux et doux printemps de l’année
Qui vins, l’an passé, nous ensoleiller,
Notre fleur d’amour est si bien fanée,
Las! que ton baiser ne peut l’éveiller!
Et toi, que fais-tu? pas de fleurs écloses,
Point de gai soleil ni d’ombrages frais;
Le temps des lilas et le temps des roses
Avec notre amour est mort à jamais.
À l’envers de l’ombre il y a un chant
d’oiseau au bord d’un étang le grand soleil d’été
L’ombre est celle d’un frêne il frémit imperceptiblement
Le chant la voix d’une mésange quatre notes flûtées
L’ombre c’est moi encore peut-être qu’elle ombrage
Ce fut moi qui écoutais l’oiseau Le ciel pâle
en moi se mire dans l’eau de l’étang
Les feuilles du frêne éparpillent leur chuchotement
et l’herbe vive crépite de sautereaux verts
Je voudrais toucher une à une chaque note du chant
de la mésange avec mes doigts pour être sûr
que ce qu’elle chante c’est pour de vrai
chaque note une anémone blanche très petite
dans l’épaisseur du sous-bois Chaque son pur
qui se lève et dit C’est moi le sol mineur
à haute enfantine irrécusable voix
Les années autrefois étaient plus immobiles
les frênes les mésanges l’herbe les étangs
plus certains Tout était pour de vrai
Ce qui existe a l’air d’exister moins
d’être moins sûr de son droit ou bien
est-ce moi ?
À l’envers du temps la mésange s’arrête de
chanter l’arbre de frissonner Je reviens sur mes pas
Je te parle tu me réponds toi ma vie à
l’endroit de l’ombre et du temps
ma pour de vrai
(Claude Roy)
Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse
Massifs harmonieux, édens des flots tranquilles,
D’oasis aux fleurs d’or innombrables réseaux,
Que la vague caresse et que les blonds roseaux
Encadrent du fouillis de leurs tiges mobiles.
Bosquets que l’onde berce au doux chant des oiseaux,
Des zéphirs et des nids pittoresques asiles,
Mystérieux et frais labyrinthe, Mille-Iles,
Chapelet d’émeraude égrené sur les eaux.
Quand la première fois je vis, sous vos ombrages,
Les magiques reflets de vos brillants mirages,
Un chaud soleil de juin dorait vos verts abris ;
D’enivrantes senteurs allaient des bois aux grèves ;
Et je crus entrevoir ce beau pays des rêves
Où la sylphide jongle avec les colibris.