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Poésie

Posts Tagged ‘opinion’

Icebergs (Louis MacNeice)

Posted by arbrealettres sur 23 novembre 2022




    

Icebergs

Si sous les eaux les icebergs étaient capables de chaleur
Nul ne grimacerait à leurs sommets dentés,
S’élevant et plongeant sur la houle
Ils pourraient signaler que tout est pour le mieux.

Mais dans les eaux obscures les icebergs sont froids,
Aussi froids à la base que blanchis à la crête,
Et ceux qui plongent pour en avoir la preuve
Peuvent ne trouver aucun indice qui change leur opinion.

Il n’y a pas de mots sous l’eau,
Pas davantage de locutions,
De phrases, excepté celle
Qui vous informe que votre vie est terminée

Et que ce dont vous avez joui
N’était que la neuvième ou la dixième partie;
Le reste, simple claque à ceux qui osèrent supposer
Les icebergs sous l’eau capables de chaleur.

***

Icebergs

If icebergs were warm below the water
One would not wince at their jagged tops,
Lifting and dipping on the swell
They still might signal all was well.

But icebergs are cold in the dark water,
Cold their base as white their crest,
And those who dive to check the fact
Can find no signal to retract.

There are no words below the water,
Let alone phrases, let alone
Sentences – except the one
Sentence that tells you life is done

And what you had of it was a mere
Ninth or tenth; the rest is sheer
Snub to those who dared suppose
Icebergs warm below the water.

(Louis MacNeice)

Traduction de Marie Etienne

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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L’omoplate de la nuit (Serge Pey)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2020


 

Duy Huynh -   (39)

I. L’omoplate
II. de la nuit
III. cherche son squelette

IV. Un poème est une affirmation
V. d’apparence contradictoire
VI. ou contraire à l’opinion reçue
VII. qui déborde toutes les opinions

VIII. La part de vérité
IX. d’un poème déborde
X. de la vérité générale

XI. Toute conclusion d’un poème
XII. est un poème lui-même
XIII. qui déborde toute les conclusions
XIV. et le poème lui-même
XV. attaque la conclusion
XVI. qui le déborde
XVII. La posture du poète est
XVIII. celle de l’oeil du cyclone
XIX. Aucun poème n’est extérieur
XX. à la chose qu’il décrit

XXI. À l’intérieur de l’oeil du cyclone
XXII. rien ne se meut
XXIII. et le poète peut observer le mouvement
XXIV. violent des contradictions

XXV. Le seul danger pour le poète est de sortir
XXVI. ou de traverser le cyclone
XXVII. en sortant de l’oeil

XXVIII. Le travail d’un poète
XXIX. consiste à revenir
XXX. d’où il est venu

XXI. L’extrémité du centre
XXII. sa propre disparition

XXXIII. inouïe

(Serge Pey)

Illustration: Duy Huynh

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Trois causes principales de querelles (Hobbes)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2020



Illustration: Salvador Dali
    
Trois causes principales de querelles

Nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de querelles :
premièrement, la rivalité ;
deuxièmement, la méfiance ;
troisièmement, la fierté.

La première de ces choses fait prendre l’offensive aux hommes en vue de leur profit.
La seconde, en vue de leur sécurité.
La troisième, en vue de leur réputation.

Dans le premier cas, ils usent de la violence
pour se rendre maîtres de la personne d’autres hommes, de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs biens.
Dans le second cas, pour défendre ces choses.
Dans le troisième cas, pour des bagatelles,
par exemple pour un mot, un sourire, une opinion qui diffère de la leur,
ou quelque autre signe de mésestime, que celle-ci porte directement sur eux-mêmes,
ou qu’elle rejaillisse sur eux, étant adressée à leur parenté, à leurs amis, à leur nation, à leur profession, à leur nom.

Il apparaît clairement par là qu’aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect,
ils sont dans cette condition qui se nomme guerre,
et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.

(Hobbes)

 

Recueil: Léviathan
Traduction:
Editions:

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Disparaissez de devant moi, Beauté (Charles d’Orléans)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2017




Disparaissez de devant moi,
Beauté, suivez votre serment :
Vous me tentez trop fréquemment :
Vous avez tort, restez tranquille !

Toutes les fois que je vous vois,
Je me sens je ne sais comment:
Disparaissez de devant moi,
Beauté, suivez votre serment !

Je discerne tant de plaisirs
En vous, selon mon opinion,
Que mon esprit en est troublé.
Vous m’accablez, je le confirme :
Disparaissez de devant moi !

(Charles d’Orléans)

 

 

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Lorsque l’enfant était enfant (Peter Handke)

Posted by arbrealettres sur 9 octobre 2017



Illustration: Paul Klee 
    
Lorsque l’enfant était enfant

Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant,
ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?

Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…
simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment
avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi,
avant de le devenir je ne l’étais pas,
et qu’un jour moi… qui suis moi,
je ne serais plus ce moi que je suis ?

Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.

Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne,
il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville,
le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.

Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises, exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant
il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours.

***

Lied vom Kindsein – Song of Childhood – Peter Handke
Als das Kind Kind war,
ging es mit hängenden Armen,
wollte der Bach sei ein Fluß,
der Fluß sei ein Strom,
und diese Pfütze das Meer.

Als das Kind Kind war,
wußte es nicht, daß es Kind war,
alles war ihm beseelt,
und alle Seelen waren eins.

Als das Kind Kind war,
hatte es von nichts eine Meinung,
hatte keine Gewohnheit,
saß oft im Schneidersitz,
lief aus dem Stand,
hatte einen Wirbel im Haar
und machte kein Gesicht beim fotografieren.

Als das Kind Kind war,
war es die Zeit der folgenden Fragen :
Warum bin ich ich und warum nicht du ?
Warum bin ich hier und warum nicht dort ?
Wann begann die Zeit und wo endet der Raum ?
Ist das Leben unter der Sonne nicht bloß ein Traum ?
Ist was ich sehe und höre und rieche
nicht bloß der Schein einer Welt vor der Welt ?
Gibt es tatsächlich das Böse und Leute,
die wirklich die Bösen sind ?
Wie kann es sein, daß ich, der ich bin,
bevor ich wurde, nicht war,
und daß einmal ich, der ich bin,
nicht mehr der ich bin, sein werde ?

***

Song of Childhood

When the child was a child
It walked with its arms swinging,
wanted the brook to be a river,
the river to be a torrent,
and this puddle to be the sea.

When the child was a child,
it didn’t know that it was a child,
everything was soulful,
and all souls were one.

When the child was a child,
it had no opinion about anything,
had no habits,
it often sat cross-legged,
took off running,
had a cowlick in its hair,
and made no faces when photographed.

When the child was a child,
It was the time for these questions:
Why am I me, and why not you?
Why am I here, and why not there?
When did time begin, and where does space end?
Is life under the sun not just a dream?
Is what I see and hear and smell
not just an illusion of a world before the world?
Given the facts of evil and people.
does evil really exist?
How can it be that I, who I am,
didn’t exist before I came to be,
and that, someday, I, who I am,
will no longer be who I am?

When the child was a child,
It choked on spinach, on peas, on rice pudding,
and on steamed cauliflower,
and eats all of those now, and not just because it has to.

When the child was a child,
it awoke once in a strange bed,
and now does so again and again.
Many people, then, seemed beautiful,
and now only a few do, by sheer luck.

It had visualized a clear image of Paradise,
and now can at most guess,
could not conceive of nothingness,
and shudders today at the thought.

When the child was a child,
It played with enthusiasm,
and, now, has just as much excitement as then,
but only when it concerns its work.

When the child was a child,
It was enough for it to eat an apple, … bread,
And so it is even now.

When the child was a child,
Berries filled its hand as only berries do,
and do even now,
Fresh walnuts made its tongue raw,
and do even now,
it had, on every mountaintop,
the longing for a higher mountain yet,
and in every city,
the longing for an even greater city,
and that is still so,
It reached for cherries in topmost branches of trees
with an elation it still has today,
has a shyness in front of strangers,
and has that even now.
It awaited the first snow,
And waits that way even now.

When the child was a child,
It threw a stick like a lance against a tree,
And it quivers there still today.

(Peter Handke)

 

Découvert ici: https://petalesdecapucines.wordpress.com/

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La poésie (Khalil Gibran)

Posted by arbrealettres sur 29 juillet 2017



Illustration: Neila Ben Ayed
    
La poésie
n’est pas une opinion qu’on exprime.

C’est une chanson qui s’élève
d’une blessure saignante
ou d’une bouche souriante.

(Khalil Gibran)

 

Recueil: Le sable et l’écume

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MAISON ET CONDUITE (Carlos Drummond de Andrade)

Posted by arbrealettres sur 11 mai 2017




    
MAISON ET CONDUITE

Les parties lumière
et les parties noires
du vaste manoir
découpent en plein
milieu mon cœur.

Je suis l’un ou l’autre
mouvant caractère
selon la lumière
qu’en moi il infuse
ou qui se refuse.

Ange-de-splendeur,
petite crapule,
je n’ai pas contrôle
sur moi dans la cave
ou sur le balcon.

Serai-je les deux
à l’exact instant
où j’ouvre la porte,
encore hésitants,
et la porte et moi?

Le vaste manoir
de lumière-et-d’ombre
c’est lui qui décide
comme jugera
de moi l’opinion
des grands, sans appel
pour mon moi confus
dans l’indéfinie
tombée de la nuit.

(Carlos Drummond de Andrade)

 

Recueil: La machine du monde et autres poèmes
Traduction: Didier Lamaison et Claudia Poncioni
Editions: Gallimard

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Quand le Coeur s’unifie (Seng Ts’an)

Posted by arbrealettres sur 16 août 2016



Si le monde vide paraît changer
c’est par notre ignorance
Inutile de chercher la vérité
abandonnez plutôt les opinions

Ne vous attachez pas aux dualités
veillez à ne pas les suivre
Dès qu’apparaissent bien et mal
le Coeur se perd dans la confusion

Le deux découle de l’un
mais ne vous attachez pas à l’un
Quand le Coeur s’unifie sans s’accrocher à l’un
les dix-mille-lois ne l’affectent pas

*

(Seng Ts’an)

 

 

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Je ne connais ni les oiseaux ni les fleurs ni les arbres (Jean-Claude Pirotte)

Posted by arbrealettres sur 13 janvier 2016



je ne connais ni les oiseaux
ni les fleurs ni les arbres
je me connais encore moins
je me cherche dans les décombres

et je me perds dans les chemins
où je ne croise que des ombres
je ne suis qu’un drôle d’oiseau
c’était l’opinion de ma mère

qui connaissait tous les oiseaux
toutes les fleurs et tous les arbres
et qui prédisait les désastres
elle me conduisait au zoo

afin de me montrer les cages
où vivent les enfants sages

(Jean-Claude Pirotte)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

 

 

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