Cette chambre est fermée de tous côtés.
Cependant, un éclair l’a traversée.
Il me semble du moins en avoir aperçu un.
Ou est-ce la merveilleuse réalité
que nous percevons de l’endroit où nous sommes ?
Cet éclair, est-il désormais
ailleurs, hors d’ici ?
Est-ce chose possible ?
Il n’y a en ce lieu aucun passage.
Et les vitres des fenêtres sont couvertes d’épais rideaux.
Cela ne fut-il qu’une intime illusion?
Cet éclair, n’est-il passé qu’en moi?
Ce malentendu entre dedans et dehors
m’a fait entendre un grondement violent.
Pendant qu’en ce vide obscur
la respiration est à peine sensible,
un silence imperturbable demeure
couché et endormi à mes pieds sur lui : un couvre-pied.
Ce frémissement, qui a parcouru coins et recoins de ce lieu,
a provoqué dans les forêts environnantes un cri de douleur soudain,
audible jusqu’à cette chambre si bien fermée,
cri apparu pour s’éteindre aussitôt, sans disparaître pour autant.
Les rayons, qui pénétrèrent et lacérèrent cet instant fragile,
se sont enfuis et s’enfuient encore,
vers le haut et le bas, le nord, le sud.
S’agit-il du vaste ciel où je me tiens assis maintenant?
Quelle étrange vision pour mes yeux clos !
Mon siège tourne, et en tournant
m’entraîne dans une orbite circulaire,
planète au mouvement semblable
à des milliers d’autres en cet espace infini.
Est-ce donc ainsi la forme de ma pensée,
ainsi ce monde :
un royaume céleste dans la chambre ?
***
(Lokenath Bhattacharya)
Traduction de l’auteur et de Marc Blanchet
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
RÉPERTOIRE DES APPARITIONS
(sur des « lisières » de Michel Mousseau)
je vois
un tournoiement sans fin
c’est le tissage de la vie
c’est le tissage de la nuit
tout se croise
et s’entrecroise
tout pulse
et tout palpite
chaque mot ne tient plus
qu’à un fil
je vois
l’oeil de houille profonde
encore et toujours
l’oeil de houille
avec son frémissement d’élytres
l’oeil de houille
aile de papillon
entre les paumes du ciel
je vois
et je le reconnais
le territoire de la solitude
le vertige du sillon
le carbone
de la nuit étoilée
celui qui met
un mot
sur toutes les mélancolies
je vois un sceau
une empreinte
des tiges de roseau
qui bruissent sans relâche —
« tu ne sais pas ce que c’est que l’amour »
un appel
à une autre respiration
le profond
de l’intimité créatrice
je vois
notre vraie tête
notre tête originelle
pelote de lichens irisés
sphère ouverte
revenue de tout
en orbite
autour du coeur
Comme la première hirondelle
J’ai pris le chemin de l’azur,
Je volerai de l’aube au crépuscule,
La nuit ne sera qu’un repos,
Pour repartir avec le premier cri du jour
Suivi de la première hirondelle
A jamais éveillé et plus près du soleil
Que de la terre, à tire-d’aile.
*
Matin midi et même soir
L’oeil ouvert à rompre son orbite
Cherche au large du ciel sans limites
Le chemin d’un énorme savoir.
La fleur ouverte sur sa tige
Inondée de lumière mais jamais
Satisfaite en oublie ses racines,
Sans avoir vu se flétrit au sommet.
L’eau des rivières et des fleuves
Se précipite vers la mer
Dans le grand large sans fond ni rives
Où sa hâte d’exil ne trouve que désert.
Mon oeil voyant fait de deux yeux qui se résorbent
Dans le cercle élargi de l’unité sans bords,
Va ton chemin de soir de minuit et d’aurore
Astre qui ne connais ni le Sud ni le Nord,
Vers ce là-bas que rien n’indique ni ne signe
Grand ouvert et tout plein de l’obscure clarté
Des désirs accomplis et des pensées insignes
Là où jamais les yeux séparés n’ont été.
La nuit
Quand je dors
Veille à mon chevet
Mon squelette –
De blanches rotules,
Un violon blanc.
Du trou des orbites
Jaillit
Dans mon rêve
La sonate au clair de lune.
(Reid Zychlinski)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard
Même après la nuit de la chute
jusqu’à l’abîme, tu resteras
dans les orbites de nos proches et amis
Une demeure : La poésie comme l’amour a ses portes et ses légendes
Elle accorde pour les amants et les poètes les baies de ses désirs,
les couches de ses voluptés,
et ses répits.
Notre mort sera
une autre langue
dans les ascensions de nos futurs secrets.
Il faut s’établir à l’extérieur de soi,
au bord des larmes
et dans l’orbite des famines,
si nous voulons
que quelque chose
hors du commun se produise,
qui n’était que pour nous.
Nous sommes arrivés très loin, très loin
pour entendre les orbites de pierre,
les yeux éteints qui continuent de regarder,
les grands visages en place pour l’éternité.
J’espère m’éloigner sous peu :
D’abord sur une planète,
De là sur l’orbite solaire,
De là encore sur une orbite galactique,
Et encore encore, sur l’orbite
Où courent des essaims de galaxies ;
Puis me perdre dans des nébuleuses inconnues.
Loin, bien sûr, mais pas au point
Que ne me joignent plus ta main
Et ton humide langue.
***
Spero tra poco lontanare :
Dapprima su una planetaria
Indi su un’orbita solare,
Indi ancora su un’orbita galattica,
E ancora ancora, sull’orbita
Che corrona gli sciami di galassie ;
E perdermi tra ignote nebulose.
Lontano certo, ma non tarito
Che non mi giunga la tua mano
E l’umida tua lingua.