Grande chamaillerie du pommier à l’osier,
du sureau au laurier. Une bagarre générale
entre les pies et les merles auxquels se joignent
les tourterelles. Les mésanges, les rouges-gorges,
les moineaux se sauvent, se cachent
dans le lierre du mur. Je n’en connaîtrai
jamais la cause. Elle doit être pourtant
de taille.
(Gérard Le Gouic)
Recueil: Plumes de poèmes
Traduction:
Editions: Rue du Monde
LA LUMIÈRE ÉBLOUIT L’INVISIBLE
(Le Philosophe et le Poète)
Un des états extrêmes qu’atteint l’homme
dans les peintures métaphysiques :
un mannequin d’osier
traversé de songes et d’énigmes.
Le ciel est sans oiseaux et les façades ont des fenêtres aveugles.
Dans la pénombre de la pièce, au premier plan,
deux Figures méditantes, de plâtre et de treillis,
contemplent un tableau posé sur un chevalet
Dehors la lumière éblouit l’invisible.
Sur un fond outremer presque vide,
le tableau dessine le trajet d’astres capricieux
ou bien la chute des Esprits élémentaires de la matière.
On peut y voir, si l’on préfère,
les théorèmes de la Nuit.
Dehors la lumière éblouit l’invisible.
Que se disent les deux Figures ?
—jusqu’où s’étend le bleu du doute ?
demande le Philosophe.
—jusqu’au parloir de l’orage,
répond le Poète.
Dehors la lumière éblouit l’invisible.
(Jacques Lacarrière)
Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers
Dans une bête coupure
Que je m’étais faite au pouce
Mon cœur battait lourdement.
La pluie violente noyait
L’herbe trop longue et malade
Que mes pas enfouissaient.
J’allais, soldat grelottant,
Plutôt gibier que chasseur,
À travers une oseraie
Où je me tordais les pieds.
Mais, laissant mon corps à la peine.
Oubliant mon triste harnais,
Je m’étais enfoncé bien loin
Dans le plus riche de mes rêves
Et je me prenais à sourire.
Je n’étais pas si malheureux
Que ce soir où, devant ma table,
Je me complais à retrouver
L’eau qui débordait mes souliers,
L’osier qui cinglait mon visage
Et ces battements dans mon pouce.
Des écueils portent des noms précieux
la mer se soumet à la lune
le pêcheur à pied des marées basses
revient porteur des crabes verts
dans la hotte d’osier mort
lorsqu’une fille s’écrie
laissez-moi à mes peines.
J’aurais pu trois jours, trois jours contempler
le val de tes yeux, ce val de mystère
ceint de tes sourcils comme un champ d’osier.
Il y brille au fond une eau vive et claire,
des poissons d’argent, des poissons y dansent,
d’un étang peut-être en son pur éclat.
Trois jours j’aurais pu, trois jours en Silence,
Contempler ceci, contempler cela.
Trois jours j’aurais pu, trois beaux jours encore
suivre de tes seins la courbe si tendre,
cette courbe-là qu’affirme ta robe
et voir s’y poser l’étoile tremblante,
étoile pourtant de mes nuits trop sombres
et quelle clarté sur son lit de soie.
Trois jours j’aurais pu, trois jours en silence,
Contempler ceci, contempler cela.
Et j’aurais voulu, voulu tout à coup
trouver à mes yeux pâture et breuvage
dans le lourd épi de tes deux genoux,
tes genoux serrés, tes genoux bien sages,
battants d’une porte aux vives nuances
s’invitant l’un l’autre à s’ouvrir tout grands.
Trois jours j’aurais pu, trois jours en silence,
Contempler ceci, contempler cela.
Dans l’immensité tiède de ton corps,
dans ce que ton corps contient de lumière