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Poésie

Posts Tagged ‘oubli’

Où prendre appui ? (Louise Herlin)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



 
    
Où prendre appui ?
Les bras se dérobent
Amours, amitié, fidélité jurée

Restent l’épaule du vent
La pente du talus
L’herbe, l’herbe somnolente
La pluie
L’oubli

Et l’attente incorrigible
attente
D’un miraculeux
Retour de possible

(Louise Herlin)

Recueil: Chemins de traverse
Editions: De la Différence

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LA COULEUR DE MES LARMES (Jérôme Bories-Azeau)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
LA COULEUR DE MES LARMES

Je pleure des larmes sèches à mon coeur qui se meurt.
Ces flammes qui me lèchent ont du sang la saveur.
Je ne sais ce qui pêche et il n’est point de leurre.
La nuit me paraît fraîche, j’ai des envies d’ailleurs.

Je pleure des larmes noires en mon coeur évanoui.
Drapé dans mon peignoir, je cherche en vain l’oubli.
Les souvenirs, ce soir, me poussent á l’insomnie.
Je n’ai plus mal à boire face aux maux de la vie.

Je pleure des larmes vaines au son de mes douleurs.
Entravé par ces chaînes, j’ai le mal des fleurs.
Ce manque que je traîne atténue leurs couleurs.
Elle a quitté ma scène, engendrant la tumeur.

Je pleure des larmes grises aux sentiments passés.
Ces flammes qui attisent amertume et regrets.
Cet amour infini que je n’ai embrassé
Qu’au début de ma vie et qui s’est envolé.

Je pleure des larmes chaudes comme ses câlins,
Ses regards d’affection, ses sourires, nos matins.
Sa lune a disparu, elle était de satin.
Évanouie sa clarté, interrupteur éteint.

Je pleure des larmes blanches au vide immaculé.
Ces flammes sont des lames aux dents trop aiguisées.
Ce désert de tendresse à jamais irrigué
Des sanglots de l’amour qu’on n’a pu se donner.

(Jérôme Bories-Azeau)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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NUIT OBSCURE (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023




    
NUIT OBSCURE

CHANSONS DE L’ÂME
qui se réjouit d’avoir atteint
le haut état de perfection,
qui est l’union avec Dieu,
par le chemin de la négation spirituelle

Dans une nuit obscure
par un désir d’amour tout embrasée
oh joyeuse aventure
dehors me suis glissée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans l’obscur et très sûre
par la secrète échelle déguisée
oh joyeuse aventure
dans l’obscur et cachée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans cette nuit de joie
secrètement car nul ne me voyait
ni mes yeux rien qui soit
sans lumière j’allais
autre que celle en mon coeur qui brûlait

Et elle me guidait
plus sûr que la lumière de midi
au lieu où m’attendait
moi je savais bien qui
en un pays où nul ne paraissait

Oh nuit qui as conduit
nuit plus aimable que l’aube levée
oh nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée
l’aimée en l’ami même transformée

Contre mon sein fleuri
qui tout entier pour lui seul se gardait
il resta endormi
moi je le caressais
de l’éventail des cèdres l’air venait

Du haut du créneau l’air
quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et chacun de mes sens me ravissait

En paix je m’oubliai
j’inclinai le visage sur l’ami
tout cessa je cédai
délaissant mon souci
entre les fleurs des lis parmi l’oubli

***

NOCHE OSCURA

CANCIONES DEL ALMA
que se goza de haber llegado
al alto estado de la perfección,
que es la unión con Dios,
por el camino de la negación espiritual

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
salí sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

A oscuras y segura
por la secreta escala disfrazada
oh dichosa ventura
a oscuras y en celada
estando ya mi casa sosegada

En la noche dichosa
en secreto que nadie me veía
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guía
sino la que en el corazón ardía

Aquesta me guiaba
mds cierto que la luz del mediodía
adonde me esperaba
quien yo bien me sabía
en parte donde nadie parecía

O noche que guiaste
O noche amable más que el alborada
O noche que juntaste
amado con amada
amada en el amado transformada

En mi pecho florido
que entero para él solo se guardaba
allí quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcía
con su mano serena
en mi cuello hería
y todos mis sentidos suspendía

Quedéme y olvidéme
el rostro recliné sobre el amado
cesó todo y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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L’OUBLI (Mohammed Dib)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



    

L’OUBLI

Il y avait une table.
Il y avait des chaises.

Et il oublia quoi.
Il retenait son souffle.

Il y avait une pendule.
Il y avait un buffet.

Il y avait une fenêtre.
Des oiseaux y passaient.

Il leva les yeux.
Il les vit passer.

(Mohammed Dib)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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ASCENSION (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 28 mars 2023



Illustration: David Caspar Friedrich
    
ASCENSION

Partout neige, glace alentour,
Pentes courant vers des abîmes.
Là-bas, rêveur, plus blanc toujours,
Le royaume des hautes cimes.

J’avance un pied, puis l’autre pied
Sur le roc d’où la neige en couche
Croule et je vais vers les glaciers,
Mon court brûle-gueule à la bouche

Peut-être dans le bleu pâli
Dont la lune teinte la glace,
Loin de tout, le sommeil, l’oubli
Et la douce paix ont leur place.

***

AUFSTIEG

Und ringsum Schnee und Gletschereis
Und steile Berge Wand an Wand,
Dahinter traumhaft weit und weiß
Das tief verschneite Oberland.

Und langsam setz ich Schuh
um Schuh Auf Fels und schneeverwehten Grund
Und wandere den Gletschern zu,
Die kurze Pfeife schräg im Mund.

Vielleicht daß dort fern aller Welt
Im blauen Licht von Eis und Mond
Der süße Friede, der mir fehlt,
Und Schlummer und Vergessen wohnt

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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Lis-les (Umar Abu Rishah)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023



Illustration
    
Lis-les
Feuillets d’un mort

C’est ma chambre,
l’oubli s’y est rouillé et le mutisme a vieilli !

Entre avec les bougies !
Elle est de ténèbres avec un repaire creusé à l’entrée.

Avance doucement,
la poussière et l’araignée pourraient prendre peur.

Auprès de ma coupe brisée
il y a une liasse de feuillets
et entre leurs deux couvertures une vie en éclats.

Apporte-les…
ta jeunesse passée s’y trouve
et la beauté à laquelle tu t’étais astreinte.

Lis-les…
ne me voile pas l’éternité,
publie-les…
ne me laisse pas mourir.

***

(Umar Abu Rishah)

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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MOURIR IV (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2023



    
MOURIR IV

J’en ai assez de mourir
Jour après jour
Et de laisser les journées
Filer entre mes mains
J’en ai assez de périr
Jour après jour
Et de perdre dans l’oubli
Tous mes lendemains

La sève des souvenirs
Ne m’habite plus
Le silence s’installe
Nos mains unies
Se sont tues
Dans l’herbe
La mémoire m’a quittée
Et le jour s’enveloppe
De ficelles
Qui m’emmaillotent
Et me laissent sur la rive
Abandonnée
Je veux me redresser
Mais pourquoi ?
Et comment ?
J’abandonne
Et laisse la mort immense
Prendre ma place
Pour toujours ?

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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Vive voix (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022




Illustration: Christophe Leparoux
    
Vive voix

Pleine terre à craquer
Maison de serre chaude
O visage à deux mains
Nacelle de l’oubli
Les copeaux du couchant volent sous l’établi

Tu veilles
Ton enfant se lisse dans ses ailes
Lentement tu descends les marches
Les prunelles
Une rose épargnée envahit la fenêtre

Déjà
Et dans le sang
Ta femme va paraître

Alors le vent soulève une larme
Un rideau
Le plafond s’enhardit jusqu’au bord du tréteau
Et la scène écartée du ciel et de la rampe
Appareille à jamais vers la plus haute lampe.

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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Un tremblement de l’esprit (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2022




    
Au tout début de cette lettre
une mouche est venue par la fenêtre
s’est égarée dans la maison
Elle se cognait partout
aux murs aux lampes aux vitres
perdant de ses forces de son allure
à bout de souffle à bout de songe
Enfin elle a trouvé
la faible ouverture d’une porte
entrebâillée
et d’un seul coup l’infini
le grand large le ciel fin

Eh bien Nella je suis dans le monde
comme cette mouche dans la maison
Je perds mes forces mon goût
je cherche partout un passage
une lisière une source
une parole aussi ample qu’un ciel
un amour aussi grand que l’amour
et quand je retrouve ma solitude
qui n’est pas une solitude
qui n’est pas un abandon un oubli
une perte
qui est un don une flamme
une aurore

Oui quand je retrouve ma solitude
je suis comme cette mouche
à l’instant du passage de la porte
rendu à l’abondance
rendu au calme au clair
et plus rien devant moi que Dieu
qui peut-être existe peut-être n’existe pas
plus rien devant moi
que la fleur immaculée de vivre
baignée d’air pur
Un tremblement de l’esprit
comme d’un linge sur un fil

(Christian Bobin)

 

Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana

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Les frontières sont là (Inger Christensen)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2022



    

les frontières sont là, les rues, l’oubli

et l’herbe et les concombres, et les chèvres et le genêt,
l’enthousiasme est là, oui les frontières sont là;

les branches sont là, le vent qui les agite
est là, et l’unique signe des branches

de cet arbre qu’on appelle précisément le chêne est là,
de cet arbre qu’on appelle précisément le frêne, le bouleau
le cèdre est là, et le signe répété

est là, sur le gravillon de l’allée; elles sont là
aussi les larmes, l’armoise et le laurier sont là,
les otages, l’oie cendrée, et les petits de l’oie cendrée;

et les fusils sont là, un jardin d’énigmes,
sec et sauvage, orné des seules groseilles,
les fusils sont là; au milieu du ghetto
éclairé et chimique ils sont là les fusils oui,
avec leur précision ancienne et paisible ils sont là

les fusils, et les pleureuses sont là, rassasiées
comme hiboux inassouvis, le lieu du crime est là;
le lieu du crime oui, insouciant, naturel, abstrait,
baigné d’une lumière de chaux, pitoyable,
ce poème tout blanc, vénéneux, qui s’effrite

***

grænserne findes, gaderne, glemslen

og græs og agurker og geder og gyvel,
begejstringen findes, graenserne findes;

grenene findes, vinden der løfter dem
findes, og grenenes eneste tegning

af netop det træ der kaldes egetræet findes,
af netop det træ der kaldes asketræet, birketræet,
cedertrœet findes, og tegningen gentaget

findes, i havegangens grus; findes
også gråden, og gederams og gråbynke findes,
gidslerne, grågåsen, grågåsens unger;

og geværerne findes, en gådefuld baghave,
tilgroet, gold og kun smykket med ribs,
geværerne findes; midt i den oplyste
kemiske ghetto findes geværerne,
med deres gammeldags, fredelige præcision findes

geværerne, og grædekonerne findes, mætte
som grådige ugler, gerningsstedet findes;
gerningsstedet, døsigt, normalt og abstrakt,
badet i et hvidkalket, gudsforladt lys,
dette giftige, hvide, forvitrende digt

(Inger Christensen)

Traduction de Zéno Bianu,
avec la collaboration de Karl Ejby Poulsen

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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