LA GUERRE
LA CHANSON DE L’OURAGAN
L’empereur Kao-Ty
L’ouragan furieux, court par le ciel,
et pourchasse les nuages, qui roulent et s’enfuient.
C’est ainsi que ma puissance, a culbuté les ennemis et les a dispersés…
De tous les horizons, ils ont disparu,
maintenant, et je peux rentrer dans mon empire.
Mais où trouverai-je des braves, d’un souffle assez fort,
pour maintenir le ciel pur, autour de mes frontières ?
(Textes chinois)
Recueil: Le Livre de Jade
Traduction: Judith Gautier
Editions: Plon
[Rosalia]
Porto Rico,
Magnifique archipel…
Île aux embruns tropicaux.
Éternelle culture de l’ananas,
Éternelles cerises de café…
[Anita]
Porto Rico…
Dégoûtant archipel…
Île des maladies tropicales.
Toujours y soufflent les ouragans,
Toujours y augmentent la population…
Et les dettes,
Et les cris des bébés,
Et les balles qui sifflent.
J’aime l’île de Manhattan.
Fumer la pipe, c’est le paradis !
[Les Autres]
J’aime vivre en Amérique !
Pour moi tout va bien en Amérique !
Tout est gratuit en Amérique !
À bas prix en Amérique !
[Rosalia]
J’aime la ville de San Juan.
[Anita]
Je connais un bateau qui t’y emmènera.
[Rosalia]
Des milliers d’arbres en fleurs.
[Anita]
Des milliers de personnes qui grouillent !
[Toutes]
Il y a des automobiles en Amérique,
Il y a de l’acier chromé en Amérique,
Il y a des roues à rayon en Amérique,
C’est du lourd, en Amérique !
[Rosalia]
Je roulerai en Buick dans les rues de San Juan.
[Anita]
S’il y a une route à emprunter.
[Rosalia]
J’offrirai une course à mes cousins.
[Anita]
Comment tu vas t’y prendre pour les faire rentrer ?
[Toutes]
L’immigrant choisit l’Amérique,
Tout le monde se dit bonjour en Amérique ;
Personne ne se connaît en Amérique
Porto Rico est en Amérique !
[Rosalia]
J’apporterai une télé à San Juan.
[Anita]
Si il y a du courant !
[Rosalia]
Je leur offrirai une nouvelle machine à laver.
[Anita]
Qu’ont-ils à laver ?
[Toutes]
J’aime les côtes d’Amérique !
Le confort t’attend en Amérique !
Ils ont des poignées à serrure en Amérique,
Ils ont du parquet en Amérique
[Rosalia]
Quand je retournerai à San Juan.
[Anita]
Quand cesseras-tu de bavasser, va-t’en !
[Rosalia]
Tout le monde m’acclamera là-bas !
[Anita]
Là-bas, tout le monde sera parti ici !
(WEST SIDE STORY)
***
America
[Rosalia]
Puerto Rico,
You lovely island . . .
Island of tropical breezes.
Always the pineapples growing,
Always the coffee blossoms blowing . . .
[Anita]
Puerto Rico . . .
You ugly island . . .
Island of tropic diseases.
Always the hurricanes blowing,
Always the population growing . . .
And the money owing,
And the babies crying,
And the bullets flying.
I like the island Manhattan.
Smoke on your pipe and put that in!
[Les Autres]
I like to be in America!
O.K. by me in America!
Ev’rything free in America
For a small fee in America!
[Rosalia]
I like the city of San Juan.
[Anita]
I know a boat you can get on.
[Rosalia]
Hundreds of flowers in full bloom.
[Anita]
Hundreds of people in each room!
[Toutes]
Automobile in America,
Chromium steel in America,
Wire-spoke wheel in America,
Very big deal in America!
[Rosalia]
I’ll drive a Buick through San Juan.
[Anita]
If there’s a road you can drive on.
[Rosalia]
I’ll give my cousins a free ride.
[Anita]
How you get all of them inside?
[Toutes]
Immigrant goes to America,
Many hellos in America;
Nobody knows in America
Puerto Rico’s in America!
[Rosalia]
I’ll bring a T.V. to San Juan.
[Anita]
If there a current to turn on!
[Rosalia]
I’ll give them new washing machine.
[Anita]
What have they got there to keep clean?
[Toutes]
I like the shores of America!
Comfort is yours in America!
Knobs on the doors in America,
Wall-to-wall floors in America!
[Rosalia]
When I will go back to San Juan.
[Anita]
When you will shut up and get gone?
[Rosalia]
Everyone there will give big cheer!
[Anita]
Everyone there will have moved here!
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Combien de fois, depuis mes jeunes ans, combien de fois m’aura giflé le vent!
Au temps de ma jeunesse, c’était gifle en caresse,
au temps de mes vingt ans, comme gifle un serment,
au temps de mes trente ans, comme gifle entre amants,
quand j’eus pris l’air penché, gifle au pédant fâché,
voyez ce dos courbé, gifle au gaga-bébé,
au temps (par tous les temps gifle la faux du Temps)
au temps où Mort vous griffe, soudain la Gifle-Gifle,
la mer, en ouragan, et celle que j’attends.
– Combien de fois, depuis mes jeunes ans, combien de fois m’aura giflé le vent.
Une femme, qui a un visage comme une lampe, te regarde.
Elle te regarde comme l’aube éclaire, éveille et nourrit.
Son visage est comme ces clartés irréelles qu’on devine au loin sur la mer,
au moment où les dernières obscurités se défont.
Tout est tout proche et très loin.
Elle prend tes mains de loin.
Elle pose ta tête sur ses seins, tu entends battre son coeur :
c’est le sang des espaces qui ruisselle.
Elle met les mains sur tes yeux,
c’est alors que l’horizon s’épaissit,
la nuit bascule dans un ouragan de douceur silencieuse.
C’est l’oubli du sablier, la défaite des fantômes.
Tout, pour quelques instants, dans le parfum d’une mort heureuse,
se cache dans les plis de la robe des anges.
Tu reconnaîtras ta force
à ta capacité
à résister à la solitude.
Les étoiles géantes sont seules
en marge de l’espace.
Les petites et les confuses
se tassent en galaxies.
La semence du séquoia choisit les clairières
riches en soleil, ouragan et oxygène.
La semence des fougères se niche dans les forêts vierges.
L’aigle n’a jamais eu besoin
de faire la connaissance d’un autre aigle.
Les fourmis ont inventé les peuples.
Tu reconnaîtras ta force
à ta capacité
à surmonter l’instant présent,
car l’instant présent est plus dur,
plus terrible et plus long
que le temps, que l’éternité.
***
Самоћа
Своју снагу препознаћеш по томе
Колико си у стању
Да издржиш самоћу.
Џиновске звезде самују
На ивицама свемира.
Ситне и збуњене
Сабијају се у галаксије.
Семе секвоје бира чистине
Са много сунца, урагана и ваздуха.
Семе папрати завлачи се у прашуме.
Орао никад није имао потребу
Да се упозна са неким другим орлом.
Мрави су измислили народе.
Своју снагу препознаћеш по томе
Колико си у стању
Да пребродиш тренутак,
Јер тренутак је тежи
И страшнији и дужи
Од времена и вечности.
Tout parle, l’air qui passe et l’alcyon qui vogue,
Le brin d’herbe, la fleur, le germe, l’élément.
T’imaginais-tu donc l’univers autrement ?
Crois-tu que Dieu, par qui la forme sort du nombre,
Aurait fait à jamais sonner la forêt sombre,
L’orage, le torrent roulant de noirs limons,
Le rocher dans les flots, la bête dans les monts,
La mouche, le buisson, la ronce où croît la mûre,
Et qu’il n’aurait rien mis dans l’éternel murmure ?
Crois-tu que l’eau du fleuve et les arbres des bois,
S’ils n’avaient rien à dire, élèveraient la voix ?
Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte ?
Crois-tu que l’océan, qui se gonfle et qui lutte,
Serait content d’ouvrir sa gueule jour et nuit
Pour souffler dans le vide une vapeur de bruit,
Et qu’il voudrait rugir, sous l’ouragan qui vole,
Si son rugissement n’était une parole ?
Crois-tu que le tombeau, d’herbe et de nuit vêtu,
Ne soit rien qu’un silence ? et te figures-tu
Que la création profonde, qui compose
Sa rumeur des frissons du lys et de la rose,
De la foudre, des flots, des souffles du ciel bleu,
Ne sait ce qu’elle dit quand elle parle à Dieu ?
Crois-tu qu’elle ne soit qu’une langue épaissie ?
Crois-tu que la nature énorme balbutie,
Et que Dieu se serait, dans son immensité,
Donné pour tout plaisir, pendant l’éternité,
D’entendre bégayer une sourde-muette ?
Non, l’abîme est un prêtre et l’ombre est un poëte ;
Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Tout dit dans l’infini quelque chose à quelqu’un ;
Une pensée emplit le tumulte superbe.
Dieu n’a pas fait un bruit sans y mêler le verbe.
Tout, comme toi, gémit ou chante comme moi ;
Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi
Tout parle ? Ecoute bien. C’est que vents, ondes, flammes
Arbres, roseaux, rochers, tout vit !
Existe-t-il entre l’air et le vent — brise, bourrasque
et ouragan — une complicité du Souffle qui, du
néant à la création et peut-être de nouveau au
néant, parcourt de toute éternité l’univers, Souffle
auquel ne cesse de vouloir s’ajuster notre
éphémère respiration?