Pouls dans le vent, pouls dans la mer, pouls sur la nuit qui fuit !
La toux du pouls clans mes artères bruit.
Les cornes des piliers forent leurs graminées
Comme les cors vrillés d’Ammon d’en haut sonnés.
Cloisonnant ton coeur de son marteau doux
Bergère d’Ammon, d’en haut tonne et bruit
Sur le vent, la mer et la nuit.
Le
Pouls.
Les oursins ronds ont hérissé leurs crins.
Les chevaux de mer de leur crinière de fer se creusent les reins
Et la rafale tonne et tord les cors et les cornes.
Voici le vol griffu des hippocampes au lieu des cornes d’Ammon.
Lourd sur le vent, lourd sur la mer, lourd sur la crête
Des bruits
Tapi clans les feuilles comme grimpe un menteur loup garou
Le
Pouls.
Pouls dans la vie et sur la mer hors de la nuit,
Hors du sommeil et par le bruit.
Mort pointillée en repos qui survit
Où soupçonne et bout et tonne partout
Le
Pouls.
La moule bâille au clair de lune
Entre les étoiles de mer
L’arapède au rictus amer
Et l’oursin aux aiguilles brunes
La vague idiote l’importune
Et le crabe aux pinçons pervers
La moule bâille au clair de lune
Le vent qui souffle de la dune
Lui flanque un frisson dans la chair
Ah vivre au coeur du Loir-et-Cher
Près d’une plantation d’agrumes
La moule bâille au clair de lune
J’ai atteint
à la béatitude
des anges
de bazar
j’ai tout repeint
en bleu
Les oursins
du coeur
les sandales
d’Empédocle
sur l’Etna
les machines
à sous du sexe
l’oeil
de verre
des USA
J’ai tout repeint
en bleu
nirvana
comme on fait
aux volets
de campagne
à cause
des mouches
qui n’aiment
pas cette couleur
Et j’ai tourné
sept fois
ma langue
dans l’oreille
de Dieu
pour le faire rire
En sortant de l’école
Nous avons rencontré
Un grand chemin de fer
Qui nous a emmenés
Tout autour de la terre
Dans un wagon doré
Tout autour de la terre
Nous avons rencontré
La mer qui se promenait
Avec tous ses coquillages
Ses îles parfumées
Et puis ses beaux naufrages
Et ses saumons fumés
Au-dessus de la mer
Nous avons rencontré
La lune et les étoiles
Sur un bateau à voiles
Partant pour le Japon
Et les trois mousquetaires des cinq doigts de la main
Tournant la manivelle d’un petit sous-marin
Plongeant au fond des mers
Pour chercher des oursins
Revenant sur la terre
Nous avons rencontré
Sur la voie de chemin de fer
Une maison qui fuyait
Fuyait tout autour de la terre
Fuyait tout autour de la mer
Fuyait devant l’hiver
Qui voulait l’attraper
mais nous sur notre chemin de fer
On s’est mis à rouler
Rouler derrière l’hiver
Et on l’a écrasé
Et la maison s’est arrêtée
Et le printemps nous a salués
C’était lui le garde-barrière
Et il nous a bien remerciés
Et toutes les fleurs de toute la terre
Soudain se sont mises à pousser
Pousser à tort et à travers
Sur la voie du chemin de fer
Qui ne voulait plus avancer
De peur de les abîmer
Alors on est revenus à pied
A pied tout autour de la terre
A pied tout autour de la mer
Tout autour du soleil
De la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture et en bateau à voiles
Un corps parmi les pins
plié tout blanc dans la paume des sables
couché comme incapable
d’agiter autre terme que la main
et piqué de piquants
le hérissé oursin humain s’étire
il se casse de rire
avant que de rouler demande quand
revient le sentiment.
Si les poissons-clowns font rire les baleines
Si les bouées tintent sous le flot des proues
Si les pieds-de-biches jouent à tire-d’aile
A danser au rythme des requins-marteaux
Que les poissons-lunes éclairent l’abîme
Que l’étoile de mer colmate le rafiot
Que tes doigts d’oursin comme des algues vives
Caressent les vagues qui lorgnent ma peau
Comment distinguer dans la nuit (Yannis Ritsos)
Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2016
Comment distinguer
dans la nuit
une rose
d’un oursin
sans lune?
(Yannis Ritsos)
Illustration: Pierre Malecot
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