« Arabesques » : depuis toujours ce mot me plaît.
En peinture, sculpture, musique ou ballet,
Il évoque pour moi de gracieux mouvements
Et il me parle à l’oreille si doucement.
Selon que je me trouve au bord d’un lac en Chine
Ou bien au bord de la mer Méditerranée,
Moi, sur des cucurbitacées je les dessine
Ou sur des galets, et ce depuis des années.
Je laisse aller ma main, mon esprit rêvasser.
Dans un beau voyage intérieur à chaque fois
Il m’emmène très loin, au plus profond de moi,
Enfin pacifiée, unifiée, réconciliée.
Il arrive que certains viennent bavarder.
Mes dessins leur rappellent des contrées lointaines.
Mes amis pékinois m’ont souvent demandé
Si j’avais séjourné en terre tibétaine.
« Arabesque » : exotique et pourtant familier…
Car ce mot me ramène au temps de mon enfance.
Papa passait du Chopin et me disait : « Danse ! »
Et moi, bien sûr, je ne me faisais pas prier.
D’arabesques en sauts de biche, je rêvais
D’entrer à l’Opéra, d’y consacrer ma vie.
J’étais faite pour danser, et ne concevais
Aucun autre avenir, n’avais pas d’autre envie.
Le destin fut tout autre mais je danse encore.
J’aime la poésie, les beaux-arts, la musique
Et les langues, et le théâtre. Oui, je dévore
La vie, que, bien souvent, je trouve magnifique.
A l’ombre des sapins exhalant leur arôme
S’ouvrent, un peu gluantes, des bises;
Le vent indolemment fait tomber des alises
Et le jour qui s’écoule a la saveur d’un baume.
Un torpide sanglot monte des fondrières,
Languissante prière et qui scande
Les chuchotis légers qu’ont les blancs de Hollande
Et les trembles semant leurs feuilles aux lisières.
Souplement écartant les branches enlacées
Des taillis d’un bleu d’hortensias,
Un brocart, suspendant sa marche cadencée,
Frotte ses cornes aux troncs des acacias.
Renvoyant à l’écho les coups brefs qu’il assène
Un pic entêté fouille du bec
L’écorce crevassée et rugueuse d’un chêne
D’où tombe en crépitant l’averse des glands secs;
Un mulot dérangé a glissé sous les ronces,
Et je rêve, ô solitude douce…
Mon coeur pacifié te pénètre et s’enfonce
En toi, comme le pied des hêtres dans la mousse.
LUI :
L’odeur épanouie de ta faim
éveille une envie de carnage
Mon regard s’enflamme en tes yeux
Je deviens un volcan qui bascule !
Que soient balayés la Morale
et les reproches des horloges!
Que soient culbutés en oubli
ceux qui se gardent spectateurs et juges
Je veux brûler dans ta blessure
mon ciel et mon enfer
Que mon désir dardé creuse sa tombe en toi.
ELLE :
Ma main paralysée sur ta vie triomphante
je renais à la joie
Mon tumulte s’enivre à ton odeur de fauve
Le soleil pénètre en moi
m’illumine !
Les trépidations me ravagent
Mes mains s’agrippent à des crinières
Je crie d’amour dans la douleur.
Locomotive emballée
tu brûles les gares
m’oubliant en fumée vivante
derrière toi
Je hurle de faim sauvage
Ton évasion m’affole et m’exaspère
J’ai des visions de comètes et d’usines
Je me disloque et me fragmente
Un vertige agressif m’entraîne
et me béatifie
LUI :
Hors de toi
rien que de la nuit
rien que du vent perdu
du bruit qui s’illusionne
Je nie que j’aie pu vivre hors de tes bras
tel un haut vent dédaigneux des formes
de la terre
Mais
déjà
Voici surgir le cri qui te délivre !
et m’abandonne…
Nous fûmes toujours en plénitude
la flamme et l’eau se mariant en incendie
Sous la neige de ton absence
mon désir est un tison brûlant
Ma fièvre chante et t’appelle
Toi seule me pacifie.