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Poésie

Posts Tagged ‘paître’

Toute langue (Yves Rouquette)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2022



Illustration: https://wordart.com/
    
Toute langue

Toute langue est celle de la maison ou
seulement bruit sans pouvoir sur le silence.

Les mots se laissent mener
à l’abattoir comme ces boeufs
que tu voyais paître dans la combe
corne contre corne, comme s’ils étaient encore
tenus ensemble par le joug.

Ils ressemblent aussi aux morts
quand la terre les pétrit
pour en faire enfin des dieux

Pourtant tu ne peux pas tout leur demander.
Il sont ce que tu es.

***

(Yves Rouquette)

Traduction de l’Occitan par Alain Freixe

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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Partant de Paumanok (Walt Whitman)

Posted by arbrealettres sur 23 novembre 2022




    
Partant de Paumanok

Partant de Paumanok à forme de poisson, où je suis né
Même bien né, élevé par les soins d’une mère parfaite,
Après avoir couru de nombreuses cités en amoureux des pavés populaires,
En habitant de ma cité de Manhattan, des savanes du sud,

Ou en soldat de campement, porteur d’un sac à dos et d’un fusil, ou en mineur californien,
Ou en homme rude dans ma maison des bois du Dakota, régime carné et eau de source,
Ou retiré pour musarder ou méditer dans quelque endroit secret,
Loin du cliquettement des foules passant par intervalles, ravies, heureuses,

Ayant la connaissance du frais, du libre bienfaiteur qu’est le fleuve Missouri, du puissant Niagara,
Des troupeaux de bisons paissant les plaines, du taureau au poitrail imposant et velu,
De la terre, des rochers, des fleurs du cinquième mois, des étoiles, de la pluie, de la neige, mon émerveillement,

M’étant instruit des notes de l’oiseau qui se moque et du vol du faucon des montagnes,
Puis ayant entendu l’incomparable à l’aube, la grive ermite des cèdres du marais,
Solitaire, chantant dans l’Ouest, j’affronte un Nouveau Monde

***

Starting from Paumanok

Starting from fish-shape Paumanok where I was born,
Well-begotten, and rais’d by a perfect mother,
After roaming many lands, lover of populous pavements,
Dweller in Mannahatta my city, or on southern savannas,

Or a soldier camp’d or carrying my knapsack and gun, or a miner in California,
Or rude in my home in Dakota’s woods, my diet meat, my drink from the spring,
Or withdrawn to muse and meditate in some deep recess,
Far from the clank of crowds intervals passing rapt and happy,

Aware of the fresh free giver the flowing Missouri, aware of mighty Niagara,
Aware of the buffalo herds grazing the plains, the hirsute and strong-breasted bull,
Of earth, rocks, Fifth-month flowers experienced, stars, rain, snow, my amaze,

Having studied the mocking-bird’s tones and the flight of the mountain-hawk,
And heard at dawn the unrivall’d one, the hermit thrush from the swamp-cedars,
Solitary, singing in the West, I strike up for a New World.

(Walt Whitman)

Traduction de Marie Etienne

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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COMPLAINTE (Luis De Camoes)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2022




    
COMPLAINTE

MOTIF : Celui qui saurait Où
pousse l’Amour
Pourrait le semer !

GLOSE : D’amour et douleur Je
me fis semeur ; Semant
de l’amour, Moissonnant
des leurres,
De ma vie ne vis
D’homme qui cueillît
Ce qu’il eût semé.

Vis terre fleurie De
belles épines, Belles
pour les yeux,
Pénibles à vivre ;
Mais bête perdue Qui
paît de cette herbe
A mal’heure naît.

Avecques mes pertes
Je luttais en vain :
Car semant du grain
Je cueillais la peine.
Nul amour ne vis Qui
durât beaucoup Sans
beaucoup blesser.

(Luis De Camoes)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: Sophia De Mello Breyner
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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La mer (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2020



La mer

Les îles de Chausey partent à la dérive.
Je m’accroche avec force à la rive perfide
Qui risque de crouler sous des coups de boutoir
Tandis que le soleil, disque volumineux,
Se morfond, solitaire, au bord de l’horizon.

La côte se prélasse en robe d’Emeraude
Où tu veilles, bergère et « fée des grèves » vastes(1),
Sur ton troupeau de blancs moutons des prés-salés
Qui paît à ras des flots, aux abords de Cherrueix,
L’herbe d’iode et de sel poussant dans les polders.

Je pirate parfois dans les ombres naissantes
Avec les loups de mer sur leurs vaisseaux fantômes.
Dans le bief du Vivier, je vois, après la pêche,
Quelques barques venir s’embosser dans la vase.

Il existe des mers que je n’ai jamais vues,
Pour croire qu’elles sont plus belles que la mienne.
Le phare de Cancale a grignoté la nuit ;
Ce gros œil de cyclope, ouvert au bout du cap,
Se braque sur la grève où j’échoue mon esquif.

La vague roule et roule un galet, le polit,
L’arrondit avec soin : il épouse la forme
De ma main qui l’emporte et garde dans sa chair
Le souvenir puissant d’une forte marée
D’équinoxe qu’on vit galoper dans la baie.
Il trône sur le bord de notre cheminée,
Près d’une goélette à trois-mâts qui navigue
Dans une bouteille, œuvre d’un vieux terre-neuvas.

(1) Titre que porte une jolie jeune fille élue au cours d’une
kermesse. Sorte de  » Miss locale »

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration

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La vieille femme (Lupenga Mphande)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2020




Sais-tu pourquoi la vieille femme chante?
Elle a soixante ans et six petits-enfants à nourrir
Ses fils et leurs femmes sont dans le Sud à la mine d’or
Chaque jour elle trait la chèvre et vend le lait
Pour acheter du savon et laver les enfants
Elle leur donne à manger et attache la chèvre
Le soir auprès du feu elle leur conte les histoires d’autrefois
Je sais pourquoi la vieille femme chante

Sais-tu quand la vieille femme s’endort?
Elle se repose dans l’ombre, la nuit elle pense
Au lendemain: donner à manger aux enfants et faire paître la chèvre
Sarcler le jardin et arroser les plants de fève
Réparer le chaume du toit et préparer la grange
Piler le mil et le maïs, vanner, allumer le feu…
Je ne sais pas quand la vieille femme s’endort

Sais-tu pourquoi la vieille femme boite?
Elle va chercher l’eau le matin
au puits qui est si loin
Chercher le bois avec sa hache
à la forêt qui est si loin
Elle va au champ chercher des feuilles de courge
laissant la chèvre à l’attache près du puits
Elle rentre vite à la maison préparer le repas des enfants
Je sais pourquoi la vieille femme boite.

(Lupenga Mphande)

Illustration

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L’aurore s’allume (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 22 juin 2020



 

Illustration: William Turner
    
L’aurore s’allume

I
L’aurore s’allume ;
L’ombre épaisse fuit ;
Le rêve et la brume
Vont où va la nuit ;
Paupières et roses
S’ouvrent demi-closes ;
Du réveil des choses
On entend le bruit.

Tout chante et murmure,
Tout parle à la fois,
Fumée et verdure,
Les nids et les toits ;
Le vent parle aux chênes,
L’eau parle aux fontaines ;
Toutes les haleines
Deviennent des voix !

Tout reprend son âme,
L’enfant son hochet,
Le foyer sa flamme,
Le luth son archet ;
Folie ou démence,
Dans le monde immense,
Chacun. recommence
Ce qu’il ébauchait.

Qu’on pense ou qu’on aime,
Sans cesse agité,
Vers un but suprême,
Tout vole emporté ;
L’esquif cherche un môle,
L’abeille un vieux saule,
La boussole un pôle,
Moi la vérité !

II

Vérité profonde !
Granit éprouvé
Qu’au fond de toute onde
Mon ancre a trouvé !
De ce monde sombre,
Où passent dans l’ombre
Des songes sans nombre,
Plafond et pavé !

Vérité, beau fleuve
Que rien ne tarit !
Source où tout s’abreuve,
Tige où tout fleurit !
Lampe que Dieu pose
Près de toute cause !
Clarté que la chose
Envoie à l’esprit !

Arbre à rude écorce,
Chêne au vaste front,
Que selon sa force
L’homme ploie ou rompt,
D’où l’ombre s’épanche ;
Où chacun se penche,
L’un sur une branche,
L’autre sur le tronc !

Mont d’où tout ruisselle !
Gouffre où tout s’en va !
Sublime étincelle
Que fait Jéhova !
Rayon qu’on blasphème !
Oeil calme et suprême
Qu’au front de Dieu même
L’homme un jour creva !

III

Ô Terre ! ô merveilles
Dont l’éclat joyeux
Emplit nos oreilles,
Eblouit nos yeux !
Bords où meurt la vague,
Bois qu’un souffle élague,
De l’horizon vague
Plis mystérieux !

Azur dont se voile
L’eau du gouffre amer,
Quand, laissant ma voile
Fuir au gré de l’air,
Penché sur la lame,
J’écoute avec l’âme
Cet épithalame
Que chante la mer !

Azur non moins tendre
Du ciel qui sourit
Quand, tâchant d’entendre
Je cherche, ô nature,
Ce que dit l’esprit,
La parole obscure
Que le vent murmure,
Que l’étoile écrit !

Création pure !
Etre universel !
Océan, ceinture
De tout sous le ciel !
Astres que fait naître
Le souffle du maître,
Fleurs où Dieu peut-être
Cueille quelque miel !

Ô champs ! ô feuillages !
Monde fraternel !
Clocher des villages
Humble et solennel !
Mont qui portes l’aire !
Aube fraîche et claire,
Sourire éphémère
De l’astre éternel !

N’êtes-vous qu’un livre,
Sans fin ni milieu,
Où chacun pour vivre
Cherche à lire un peu !
Phrase si profonde
Qu’en vain on la sonde !
L’oeil y voit un monde,
L’âme y trouve un Dieu !

Beau livre qu’achèvent
Les coeurs ingénus ;
Où les penseurs rêvent
Des sens inconnus ;
Où ceux que Dieu charge
D’un front vaste et large
Ecrivent en marge :
Nous sommes venus !

Saint livre où la voile
Qui flotte en tous lieux,
Saint livre où l’étoile
Qui rayonne aux yeux,
Ne trace, ô mystère !
Qu’un nom solitaire,
Qu’un nom sur la terre,
Qu’un nom dans les cieux !

Livre salutaire
Où le cour s’emplit !
Où tout sage austère
Travaille et pâlit !
Dont le sens rebelle
Parfois se révèle !
Pythagore épèle
Et Moïse lit !

(Victor Hugo)

 

Recueil: Les rayons et les ombres
Traduction:
Editions: Bayard Jeunesse

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BIBLE (Pierre Morhange)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2020




BIBLE

Le feu et toute la crépitude
M’avaient jeté sur un versant
Je chantais un chant nu
Et seul comme un mouton
Je paissais l’effroi et la solitude
Chacun est un Job et un Jérémie
De profundis ad te clamavi
Inutilement du triste génie de ma vie
Un pauvre arbre vert une feuille
Que rien n’appelle et que rien n’accueille
Un soupir un nom prononcé
Mystère de la détresse nue et totale
Le grain de la douleur une larme étonnée
Qu’aucun autre ne sait et ne saura jamais.

(Pierre Morhange)


Illustration: William Blake

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C’était au temps de la Hollande (Jean-Claude Pirotte)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2019



Illustration: Jozef Israëls
    
c’était au temps de la Hollande
la Mer du Sud était au nord
les vaches paissaient sur les bords
les canaux traversaient la lande

on se roulait dans la bruyère
le temps passait sans effacer
aucune image de la terre
ni de la mer ni du passé

dans la nuit noire on voyait clair
les heures du jour étaient lentes
et la pluie n’était pas amère

nous avions l’amitié des plantes
la foi de l’étoile polaire
et des yeux qui jamais ne mentent

(Jean-Claude Pirotte)

 

Recueil: Gens sérieux s’abstenir
Traduction:
Editions: Le Castor Astral

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Paysage (Gabriel Vicaire)

Posted by arbrealettres sur 11 octobre 2018




Paysage

Il est charmant, ce paysage,
Peu compliqué, mais que veux-tu
Ce n’est qu’une mer de feuillage,
Où, timide, à peine surnage
Un tout petit clocher pointu.

Au premier plan, toujours tranquille
La Saône reluit au matin.
Par instants, de l’herbe immobile
Un boeuf se détache et profile
Ses cornes sur le ciel lointain.

Vis-à-vis, gardant ses ouailles,
Le nez penché sur un tricot,
Tandis qu’au loin chantent les cailles,
Une vieille compte ses mailles,
Rouge comme un coquelicot.

Et moi, distrait à ma fenêtre,
Je regarde et n’ose parler.
A quoi je pense ? A rien peut-être,
Je regarde les vaches paître
Et la rivière s’écouler.

(Gabriel Vicaire)

 

 

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AVEC LES VIEUX MOTS (Gilles Vigneault)

Posted by arbrealettres sur 26 août 2018



 

Gilles Vigneault

AVEC LES VIEUX MOTS

Avec les vieux mots
Les anciennes rimes
J’arrive trop tôt
J’arrive trop tard
J’arrive trop tôt
Pour casser la lime
J’arrive trop tard
Pour prendre ma part
Ma part c’était toi
Ma part c’était elle
C’était vous trois fois
Nous quatre et vous deux
Ailleurs c’est à toi
Que je suis fidèle
Je vieillis pour deux
Je m’importe peu

Je guette mes saisons
Du coin de l’oeil
Je n’ai pas de maison
C’est mon orgueil

Je refais des jeux
Que j’ai vu refaire
Quand je nomme Dieu
C’est à mon insu
Je fais des adieux
Mais c’est sur la terre
Par vice ou vertu
Rien ne m’a déçu

Loin dans la maison
Une jeune fille
Guette à l’horizon
Mon ombre et mon pas
Mais c’est sans raison
L’âme se gaspille
Paisse le veau gras
Je ne viendrai pas

(Gilles Vigneault)

 

 

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