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Posts Tagged ‘pantoufle’

(Le vieil homme et le chaton Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 25 août 2022



Illustration: Frédéric Rébéna
    
Le vieil homme et le chaton

Les volets sont ouverts sur le soleil de mai
Dans le lit le vieil homme se demande s’il vit
encore Il a du mal à faire entrer un peu d’air
dans ses poumons Il s’y prend doucement
pour respirer très lentement
avec une légère douleur
quand un filet d’air se glisse dans les bronches
Au pied du lit où le vieil homme attend la mort
un enfant chat joue avec la pantoufle du vieux
C’est un chaton tout noir le pelage tout doux
Le vieil homme ferme les yeux Le soleil l’éblouit
L’enfant chat regarde le soleil les yeux dans les yeux
Il est content de tout d’être noir et fourrure
Il saute comme une puce attaque la pantoufle
en combat singulier Il en sera vainqueur
Le vieil homme lui est sûr qu’il va perdre
Il ouvre les yeux Il regarde le chat
Le chat regarde l’homme et miaule doucement
Il ne sait pas très bien ce qu’il voudrait dire
mais il sent que le vieux a très bien tout compris

et la mort un instant s’arrête de mourir

(Claude Roy)

 

Recueil: Poèmes de Claude Roy
Traduction:
Editions : Bayard Jeunesse

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TU ME DISAIS (André Verdet)

Posted by arbrealettres sur 29 mai 2022




    
TU ME DISAIS

l’aube Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous l’étoile au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps

Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable

Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas une aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains

Tu me disais encore : Je voudrais la chanter,
Avec des mots volés dans le coeur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue

Tu me disais enfin : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus

Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour

(Bûchenwald, 15 mai 1944 – 17 mai 1945.)
(André Verdet)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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PORTRAIT D’UNE DAME (William Carlos Williams)

Posted by arbrealettres sur 16 novembre 2020



 

Jean-Honoré Fragonard - Young Woman Playing with a Dog

PORTRAIT D’UNE DAME

Vos cuisses sont des pommiers
dont les fleurs touchent le ciel.
Quel ciel ? Le ciel
où Watteau suspendit une pantoufle
de femme. Vos genoux
sont une brise du sud — ou
une rafale de neige. Ah ! quelle
sorte d’homme était ce Fragonard ?
— comme si cela répondait
à quoi que ce soit. Ah, oui — au-dessous
des genoux, puisque par là
s’écoule la musique, c’est
un blanc jour d’été,
les hautes herbes de vos chevilles
tremblent sur le rivage —
Quel rivage ? —
le sable se colle à mes lèvres —
Quel rivage ?
Ah, des pétales peut-être. Comment
le saurais-je ?
Quel rivage ? Quel rivage ?
J’ai dit des pétales de pommier.

***

PORTRAIT OF A LADY

YOUR thighs are appletrees
whose blossoms touch the sky.
Which sky ? The sky
where Watteau hung a lady’s
slipper. Your knees
are a southern breeze — or
a gust of snow. Agh ! what
sort of man was Fragonard ?
— as if that answered
anything. Ah, yes — below
the knees, since the tune
drops that way, it is
one of those white summer days,
the tall grass of your ankles
flickers upon the shore —
Which shore? —
thesand clings to my lips —
Which shore ?
Agh, petals maybe. How
should I know ?
Which shore? Which sho re?
I said petals from an appletree.

(William Carlos Williams)

Illustration: Jean-Honoré Fragonard

 

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CONTE DE FEES (Jacqueline Commard)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2020



CONTE DE FEES

Si j’étais une fée … je te ferais Princesse !
Toi ma petite fille au regard limpide
Ta vie résonnerait en un chant d’allégresse
Pour t’offrir un destin sans image livide.

Tes châteaux en Espagne auraient un goût de vrai
Où tu irais danser au-delà de minuit
Ta pantoufle de vair, par bonheur échouerait
Dans les mains d’un héros des Mille et Une Nuits.

Tes jardins seraient pleins de citrouilles dorées
Pour que de ma baguette en sortent des carrosses
Qui anéantiraient comme un raz de marée
Les crapauds malveillants et les Fées « Carabosse ».

Tes voyages lointains sur des tapis volants
Te feraient découvrir le Pays des Merveilles …
La Lampe d’Aladin, dans le soleil couchant
T’éclairerait sans fin de ses rayons de miel …

Quand je te vois dormir au creux de ton berceau
Soudain je t’imagine en Belle au Bois Dormant
Sortant de son cocon de soie et de cristaux
Et qui prendrait l’Amour pour un Prince Charmant !

Mais … je rêvais tout haut … me revoici sur terre
C’est Toi qui es la Fée de notre quotidien
Lorsque tu apparais, tu portes la lumière
Eblouissant nos vies de tes yeux enfantins !

(Jacqueline Commard)

 

 

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L’ABSENCE (Pierre Louÿs)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2018



Illustration: Francine Van Hove
    
L’ABSENCE

Elle est sortie, elle est loin, mais je la vois
car tout est plein d’elle dans cette chambre,
tout lui appartient, et moi comme le reste.

Ce lit encore tiède, où je laisse errer ma bouche, est foulé à la mesure de son corps.
Dans ce coussin tendre a dormi sa petite tête enveloppée de cheveux.

Ce bassin est celui où elle s’est lavée; ce peigne a pénétré les noeuds de sa chevelure emmêlée.
Ces pantoufles prirent ses pieds nus. Ces poches de gaze continrent ses seins.

Mais ce que je n’ose toucher du doigt, c’est ce miroir où elle a vu ses meurtrissures toutes chaudes,
et où subsiste peut-être encore le reflet de ses lèvres mouillées.

(Pierre Louÿs)

 

Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Vent (Brigitte Level)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2017



    

Vent

Par un matin clair,
Vif comme l’éclair,
Dans un courant d’air
A surgit le vent.

Puisque le vent souffle
Adieu mes pantoufles !
Donnez-moi des moufles
Que je m’emmitoufle !

Et de mon auvent
Où j’étais rêvant,
Vite me levant
J’ai suivi le vent

Le vent si vivant,
Le vent se mouvant,
Qui vole en bravant
Tous les paravents !

Et pour mieux voler
Comme fait le vent,
J’ai suivi le vent,
Qui vole au-devant

(Brigitte Level)

 

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Diamant du coeur (Théophile Gautier)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2017


 


 

Albert Asensio   _500

Diamant du coeur

Tout amoureux, de sa maîtresse,
Sur son coeur ou dans son tiroir,
Possède un gage qu’il caresse
Aux jours de regret ou d’espoir.

L’un d’une chevelure noire,
Par un sourire encouragé,
A pris une boucle que moire
Un reflet bleu d’aile de geai.

L’autre a, sur un cou blanc qui ploie,
Coupé par derrière un flocon
Retors et fin comme la soie
Que l’on dévide du cocon.

Un troisième, au fond d’une boîte,
Reliquaire du souvenir,
Cache un gant blanc, de forme étroite,
Où nulle main ne peut tenir.

Cet autre, pour s’en faire un charme,
Dans un sachet, d’un chiffre orné,
Coud des violettes de Parme,
Frais cadeau qu’on reprend fané.

Celui-ci baise la pantoufle
Que Cendrillon perdit un soir ;
Et celui-ci conserve un souffle
Dans la barbe d’un masque noir.

Moi, je n’ai ni boucle lustrée,
Ni gant, ni bouquet, ni soulier,
Mais je garde, empreinte adorée
Une larme sur un papier :

Pure rosée, unique goutte,
D’un ciel d’azur tombée un jour,
Joyau sans prix, perle dissoute
Dans la coupe de mon amour !

Et, pour moi, cette obscure tache
Reluit comme un écrin d’Ophyr,
Et du vélin bleu se détache,
Diamant éclos d’un saphir.

Cette larme, qui fait ma joie,
Roula, trésor inespéré,
Sur un de mes vers qu’elle noie,
D’un oeil qui n’a jamais pleuré !

(Théophile Gautier)

Illustration: Albert Asensio

 

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Wagon de chaussures (Avrom Sutzkever)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2017



Wagon de chaussures

les roues coursent, coursent,
et que transportent-elles ?
un wagon elles m’apportent
de chaussures tressaillantes.

wagon à dais nuptial
dans la splendeur du soir ;
chaussures – un plein compartiment
comme des humains qui dansent.

est-ce un mariage, une fête
aveuglant mon esprit ?
chaussures – si familières
j’ai reconnu chacune.

claquètent les semelles :
vers où, vers où, vers où ?
des vieilles rues de Vilnius
on nous mène à Berlin.

„à qui sont-elles ?“ si je demande,
risque que mon cœur se fende ;
dites-moi, chaussures, la vérité :
où sont vos pieds ?

les pieds de ces pantoufles
aux boutonnets de rosée ;
où est le frêle corps ?
où est donc cette femme ?

dans ces chaussures d’enfants, toutes,
pourquoi ne vois-je d’enfant ?
pourquoi la mariée ne chausse
bientôt les souliers de la noce ?

parmi bottines et godillots
je trouve les escarpins de ma mère.
ceux qu’elle réservait au sabbat
pour certes y mettre ses plus beaux habits.

et claquètent les semelles :
vers où, vers où, vers où ?
des vieilles rues de Vilnius
on nous mène à Berlin.

***

A vogn shikh

Di reder yogn, yogn,
Vos brengen zey mit zikh?
Zey brengen mir a vogn
Mit tsaplendike shikh.

Der vogn vi a khupe
In ovntikn glants;
Di shikh- a fule kupe
Vi mentshn in a tants.

A khasene, a yontev?
Tsi hot mikh ver farblendt?
Di shikh- azoyne nonte
Oyf s’nay ikh hob derkent.

Es klapn di optsasn:
Vuhin, vuhin, vuhin?
Fun alte vilner gasn
Me traybt undz keyn Berlin.

Ikh darf nit fragn “vemes”,
Nor s’tut in hartz a ris:
oh, zagt mir, shikh, den emes,
Vu zenen zey di fis?

Dis fis fun yene tufle
Mit knephele vi toy
Und do –vu iz dos gufl?
Und dort vu iz di froy?

In kindershikh in alle
Vos zeh ikh nit kayn kind?
Vos tut nit on di kale
Di shikhelekh atsind?

Durkh kindershikh un shkrabes
Kh’derken mayn mames shikh!
Zi flegt zey bloyz oyf shabes
Aroyftsien oyf zikh.

Un s’klapn di optsasn:
Vuhin, vuhin, vuhin?
Fun alte vilner gasn
Me traybt undz keyn Berlin.

(Avrom Sutzkever)

Illustration

 

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Homonyme (Maurice Carême)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2017




Homonyme

Il y a le vert du cerfeuil
Et il y a le ver de terre.
Il y a l’endroit et l’envers.
L’amoureux qui écrit en vers,
Le verre d’eau plein de lumière,
La fine pantoufle de vair
Et il y a moi, tête en l’air,
Qui dis toujours tout de travers.

(Maurice Carême)

Illustration

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Petite chanson pour une légende d’amour (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 30 septembre 2016



Le beau cavalier s’est arrêté à la fontaine
et il a bu à la bouche de la princesse engloutie.
Bonnes fées, accourez!
La pierre trahie est sans souffle.
Plus d’eau pour être aimée,
mais un lit défait et, dessous,
deux pantoufles.

(Edmond Jabès)

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