Mon bien-aimé au visage brun,
à la bouche souriante, aux yeux ivres,
au front étoilé, et à l’allure gracieuse
mon bien-aimé au désir fougueux
est l’oeillet des joies,
l’apogée de la jeunesse,
l’ivre à longueur de temps,
ses cheveux sont doux,
autour de ses lèvres humides
— comme une colonie de fourmis
aux abords d’une source
le temps a essayé de représenter la beauté
et il a créé des fleurs variées dans le vaste paradis
puis intimidé devant Lui
il les a vite cachées dans les bourgeons
les langues des bougies ont rivalisé
avec les lumières de la pureté
dans la bouche du bien-aimé,
alors sa peine fut la brûlure
les lumières de la pureté, ô voeu de l’oeil !
En elles je hume la quintessence de la vie
De mon Printemps à mon Automne
Patinant sur l’avenir
Dérapant sur les sols
Me faufilant entre les marées
Communiquant avec l’azur
Je me targuais
D’être friande de vie
De glisser sur le temps
De parler
Aux moineaux et aux chênes
Maintenant
Amarrée
Assujettie
À mon hiver
Je ne m’intéresse
Qu’à la mort
Cette voisine
Face à Elle
Délivrée
Par l’Ignorance
Je demeure impassible
J’invente les paradis
Je vis je meurs et je revis.
(Andrée Chedid)
Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion
Chaque matin, de la fenêtre de mon bureau je regarde mon chêne,
seul hôte du grand champ qui s’étend devant la maison,
de l’autre côté de la route, et qui est désigné au cadastre sous le nom de Paradis.
Durant le jour, quand le ciel versicolore est en fête,
ou quand l’eau perle sur la vitre,
qu’une ombre s’étire, que des traînées de brume flottent
ou qu’un animal passe,
je prends une photo à travers le carreau.
(Belinda Cannone)
Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir
Un homme arrive au paradis.
Il demande à un ange de lui montrer le chemin qu’ont dessiné ses pas sur terre.
Par curiosité. Par enfantin désir de voir et de savoir.
Rien de plus simple, dit l’ange, allez vers cette fenêtre et regardez.
L’homme approche son visage de la vitre et contemple la trace de ses pas sur la terre,
depuis son enfance jusqu’à son dernier souffle.
Quelque chose l’étonne : parfois il n’y a plus de traces.
Parfois le chemin s’interrompt et ne reprend que bien plus loin.
Ces absences, dit l’ange,
correspondent à ces jours où votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter.
Je vous prenais donc dans mes bras,
jusqu’au jour suivant où la joie vous revenait — et vos forces avec elle.
La beauté a puissance de résurrection.
Il suffit de voir et d’entendre.
C’est par distraction
que nous n’entrons pas au paradis de notre vivant,
uniquement par distraction.