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Le bœuf, le cheval et l’âne (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 18 décembre 2020




    
Le bœuf, le cheval et l’âne

Un bœuf, un baudet, un cheval,
Se disputaient la préséance.
Un baudet ! Direz-vous, tant d’orgueil lui sied mal.
À qui l’orgueil sied-il ? Et qui de nous ne pense
Valoir ceux que le rang, les talents, la naissance,
Élèvent au-dessus de nous ?
Le bœuf, d’un ton modeste et doux,
Alléguait ses nombreux services,
Sa force, sa docilité ;
Le coursier sa valeur, ses nobles exercices ;
Et l’âne son utilité.
Prenons, dit le cheval, les hommes pour arbitres :
En voici venir trois, exposons-leur nos titres.
Si deux sont d’un avis, le procès est jugé.
Les trois hommes venus, notre bœuf est chargé
D’être le rapporteur ; il explique l’affaire,
Et demande le jugement.
Un des juges choisis, maquignon bas-normand,
Crie aussitôt : la chose est claire,
Le cheval a gagné. Non pas, mon cher confrère,
Dit le second jugeur, c’était un gros meunier,
L’âne doit marcher le premier ;
Tout autre avis serait d’une injustice extrême.
Oh que nenni, dit le troisième,
Fermier de sa paroisse et riche laboureur ;
Au bœuf appartient cet honneur.
Quoi ! Reprend le coursier écumant de colère ;
Votre avis n’est dicté que par votre intérêt !
Eh mais ! Dit le normand, par qui donc, s’il vous plaît ?
N’est-ce pas le code ordinaire ?

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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Dimanches (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2019



Louis Tytgadt 31 [800x600]

Dimanches

Morne l’après-midi des dimanches, l’hiver,
Dans l’assoupissement des villes de province,
Où quelque girouette inconsolable grince
Seule, au sommet des toits, comme un oiseau de fer !

Il flotte dans le vent on ne sait quelle angoisse !
De très rares passants s’en vont sur les trottoirs :
Prêtres, femmes du peuple en grands capuchons noirs,
Béguines revenant des saluts de paroisse.

Des visages de femme ennuyés sont collés
Aux carreaux, contemplant le vide et le silence,
Et quelques maigres fleurs, dans une somnolence,
Achèvent de mourir sur les châssis voilés.

Et par l’écartement des rideaux des fenêtres,
Dans les salons des grands hôtels patriciens
On peut voir, sur des fonds de gobelins anciens,
Dans de vieux cadres d’or, les portraits des ancêtres,

En fraise de dentelle, en pourpoint de velours,
Avec leur blason peint dans un coin de la toile,
Qui regardent au loin s’allumer une étoile
Et la ville dormir dans des silences lourds.

Et tous ces vieux hôtels sont vides et sont ternes ;
Le moyen âge mort se réfugie en eux ;
C’est ainsi que, le soir, le soleil lumineux
Se réfugie aussi dans les tristes lanternes.

Ô lanternes, gardant le souvenir du feu,
Le souvenir de la lumière disparue,
Si tristes dans le vide et le deuil de la rue
Qu’elles semblent brûler pour le convoi d’un Dieu !

Et voici que soudain les cloches agitées
Ébranlent le Beffroi debout dans son orgueil,
Et leurs sons, lourds d’airain, sur la ville au cercueil
Descendent lentement comme des pelletées !

(Georges Rodenbach)

 Illustration: Louis Tytgadt

 

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Enfance ! (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2016



Enfance ! éloignement d’où lui vient sa douceur
Nuance où la couleur s’éternise en sourdine,
Religieux triptyque ombré d’une patine
Qui met sur les fonds d’or son vernis brunisseur.

Jeunesse ! Enfance ! attrait des choses disparues;
Astres du ciel plus clairs dans l’étang bleu du coeur
Chanson d’orgue criard dont toute la langueur
Expire en sons blessés dans le lointain des rues.

Je veux vous évoquer la ville aux pignons noirs,
Vieille ville flamande où les paroisses proches,
Lorsque j’étais enfant, faisaient pleurer leurs cloches
Comme un adieu de ceux qui mouraient dans les soirs !

Je veux recomposer la maison paternelle
Avant l’absence, avant la mort, avant les deuils;
Les soeurs, jeunes encor, dormant dans les fauteuils
Et le jardin en fleur et la vigne en tonnelle.

Je veux revivre une heure à l’ombre des grands murs,
Dans le collège ancien où nos âmes placides
S’ouvraient comme une église aux profondes absides
Avec des vitraux d’or pleins de visages purs.

Je veux vous reporter à ces calmes années :
Je suis resté le même après bien des douleurs;
Le manteau de mon Ame a toutes ses couleurs
Mais mes yeux sont plus las que des roses fanées.
{…]

Qu’importe ! ma souffrance est bonne ! Je les plains
Ceux qui n’ont plus l’orgueil d’être mélancoliques,
En gardant comme moi les dévotes reliques,
Les reliques d’enfant dont mes tiroirs sont pleins.

Surtout qu’en toi, ma chère ancienne, je m’épanche
Dans un chuchotement de mon esprit au tien
Viens donc; allons-nous-en poursuivre l’entretien
Dans le jardin flétri de ma Jeunesse Blanche,

Dans ce jardin désert, dans ce jardin fermé,
Dans ce jardin fleuri de lis, piqué de cierges,
Où jadis s’avançaient d’incomparables vierges
Dont les lèvres soufflaient l’odeur du mois de mai.

Mais ce parc est en proie à l’insulte des ronces,
Et mes rêves anciens, dans les lointains glacés,
Tels que des marbres blancs, tendent leurs bras cassés
Et de leurs yeux éteints pleurent dans les quinconces.

Pauvre parc envahi par l’automne et le soir,
Qui souffre en évoquant son aurore abolie;
Il est morne, il est vide, et ma mélancolie
L’enferme tout entier comme un grillage noir !

(Georges Rodenbach)

Illustration

 

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DIMANCHES (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2016



DIMANCHES

Morne l’après-midi des dimanches, l’hiver,
Dans l’assoupissement des villes de province,
Où quelque girouette inconsolable grince
Seule, au sommet des toits, comme un oiseau de fer !

Il flotte dans le vent on ne sait quelle angoisse !
De très rares passants s’en vont sur les trottoirs :
Prêtres, femmes du peuple en grands capuchons noirs,
Béguines revenant des saluts de paroisse.

Des visages de femme ennuyés sont collés
Aux carreaux, contemplant le vide et le silence,
Et quelques maigres fleurs, dans une somnolence,
Achèvent de mourir sur les châssis voilés.

Et par l’écartement des rideaux des fenêtres,fenêtres
Dans les salons des grands hôtels patriciens
On peut voir, sur des fonds de gobelins anciens,
Dans de vieux cadres d’or, les portraits des ancêtres,

En fraise de dentelle, en pourpoint de velours,
Avec leur blason peint dans un coin de la toile,
Qui regardent au loin s’allumer une étoile
Et la ville dormir dans des silences lourds.

Et tous ces vieux hôtels sont vides et sont ternes;
Le moyen âge mort se réfugie en eux;
C’est ainsi que, le soir, le soleil lumineux
Se réfugie aussi dans les tristes lanternes.

O lanternes, gardant le souvenir du feu
Le souvenir de la lumière disparue,
Si tristes dans le vide et le deuil de la rue
Qu’elles semblent brûler pour le convoi d’un Dieu!

Et voici que soudain les cloches agitées
Ébranlent le Beffroi debout dans son orgueil,
Et leurs sons, lourds d’airain, sur la ville au cercueil
Descendent lentement comme des pelletées !

(Georges Rodenbach)

Illustration

 

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