Dans le filet bordé par des bouchons
c’est le printemps. Des arbres pleins de fleurs
nous montrent, souriants, les dents de leurs boutons
lorsque nous regardons en arrière.
Dans le filet bordé par des bouchons
et qui plus est plié triplement
il y a de même les astres ; ils me connaissent
et l’un d’eux se souvient, toujours quand
je rentre — et il m’éclaire, alors que dans l’ombre
vers le seuil aimé j’avance de nouveau.
Qui d’autre a donc les étoiles pour amies ?
D’un petit nombre seulement c’est le lot.
Dans le filet bordé par des bouchons
le vent s’est fait prendre ; et son rire,
c’est le rire que, si elles parlent des hommes,
les femmes font à chaque fois retentir.
Dans le filet bordé par des bouchons
sont prises maintenant les griffes d’une douce peur.
Et c’est la peur que, toujours, éprouvent les hommes
quand ils évoquent les femmes, se parlant entre eux.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
En passant près d’un petit bois,
Où le coucou chantait
Où le coucou chantait
Et dans son joli chant disait :
« Coucou, coucou
Coucou, coucou »
Et moi je croyais qu’il disait :
« Coupe-lui le cou !
Coupe-lui le cou ! »
Refrain :
Et moi de m’en cour’, cour’, cour’
Et moi de m’en courir.
Et moi de m’en cour’, cour’, cour’
Et moi de m’en courir.
En passant près d’un étang,
Où le canard chantait
Où le canard chantait
Et dans son joli chant disait :
« Cancan, cancan
Cancan, cancan »
Et moi je croyais qu’il disait :
« Jette-le dedans !
Jette-le dedans ! »
Refrain
En passant près d’un moulin,
Où une femme berçait
Où une femme berçait
Et dans son joli chant disait :
« Dodo, dodo,
Dodo, dodo »
Et moi je croyais qu’elle disait :
« Jette-le dans l’eau !
Jette-le dans l’eau ! »
Refrain
En passant près d’une rivière,
Où les pêcheurs pêchaient
Où les pêcheurs pêchaient
Et dans son joli chant disait :
« Quel beau poisson, quel beau poisson
Quel beau poisson, quel beau poisson »
Et moi je croyais qu’ils disaient :
« Quel polisson !
Quel polisson ! »
Refrain
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Près du torrent, il est une pierre en forme de tortue,
Assis sur son dos, pêchant à la ligne, d’où vient ce vieillard ?
Sans qu’il le voie sa canne de bambou descend au fil de l’eau,
Il convoite des yeux les azalées rouges des deux berges.
***
(Suyǒn)
Recueil: Ivresse de brumes, griserie de nuages
Traduction: Ok-sung / Anne Baron / Jean-François Baron
Editions: Gallimard
C’est un parc aux pigeons
Et vous le croyez doux
Pensez donc!
C’est la grille d’enfer
Pour votre serviteur
songez-y!
Le parc ne lui fait peur
Mais quelques souvenirs
A haïr
Ainsi sommes-nous
Des deux côtés de cette grille
De belle herbe fraîche
Et d’arbres aérés
Vous dites que c’est doux
Que n’y suis-je!
Tandis que j’y frémis
Ah ! Dieu oui !
Car moi je ne m’en tire
Que rompu et roussi
Trop de morts et de mal
Et une nuit trop longue
Pour trop de cruauté
Et nos coeurs trop longtemps serrés
Et presque sans souffler
Trop de notre vie passé dans la terreur et dans la guerre
Jusqu’à nous avoir changés de nature
Et accablés de notre péché la fatigue
Comment décharger nos mémoires
Et les laver des fours et des gibets et de l’outrage ?
Comment revivre ?
Comment des graines dans la cendre
Dans notre âme mortelle nourrie de sable
Trop longtemps bue par le désert ?
Comment revivre ?
Comment des branches vertes
Dans le charbon des arbres calcinés ?
Il faudrait un printemps plus fort
Pour nous reprendre tout à fait
I1 faudrait nous refaire
Au lieu de ces ravines de ces fentes
Dont nous sommes en nous
Tout blanchis et ouverts
Désarmée
Attardée
En tendresse
En détresse
O ma soeur profonde
Que je te reconnais
Nous portons même cendre
Dans un pauvre sachet
Nous avons même soif
Humble et très en peine
De rejaillir et de trembler
De toutes ces fleurs du soleil
Où nos yeux ont recommencé
Vent de la vie au crin puissant
Viens attaquer
Pour en tirer
Les accents et les cris d’une pleine musique
Ces deux violons penchés
Bons pêcheurs ces filets
Allez les replonger
Dans les eaux ruisselantes