Mais revoici la cuisine et son train
d’ombres cassées par la fine lumière
de mars. Le chat dort sur le frigo,
l’âme enfoncée jusqu’aux yeux
dans le gant du soleil. Dehors
le disque de la terre entre les pépiements
semble s’être arrêté : il est 9 heures.
Les prés sèchent leurs plaies
sous le drap bleu. Longue est l’attente,
et de quoi ? si rien ne manque apparemment,
pas le moindre rayon à la barre
des collines, pour maintenir à flot
ton frêle esquif dans le courant des jours.
(Guy Goffette)
Recueil: Le pêcheur d’eau
Traduction:
Editions: Gallimard
La sueur des ailes tourne
délicate vertigineuse intime
tourbillonne entre le jade séducteur
et la sombre goutte brûlante
mûrit parmi les pédoncules sensibles
improvise en émois de cristaux de sang
Les pétales
Les bijoux grandissent et s’agitent mouillés
des rameaux du café aux coques de la vigne
des clignements lointains aux chemins des nervures
les rubans se faufilent parmi les vagues des écailles
Le calice
la rosée des ailes
je t’aime
Le sexe oscille entre le fauve et le roux
les baisers des truites glissent dans leurs dentelles
entre les pépiements des rives et les galets ocellés
tandis que les cheveux se nouent dans les bijoux
La corolle
viens avec moi
vitrail d’aube
le parfum brille entre les roses
respire
Tout autour de nous
tout proche
le bonheur des sommeils
Respire encore
L’émail tourne entre le rose et le jaune
du sursaut vert aux volets doucement
lentement la mésange explore les remblais
lissant ses plumes dans les flaques de sueur
(Michel Butor)
Recueil: Collation précédé de HORS-D’OEUVRE scandés par les SOUVENIRS ILLUSOIRES D’UN JAPON TRES ANCIEN
Traduction:
Editions: Seghers
Pourtant l’amour
se conforme à l’amour.
Il n’est couple d’oiseaux qui ne ressemble au nôtre.
Et du haut de leur toit, ils nous regardent
avec un rayonnement,
ils évoquent le temps où les bêtes parlaient,
leur parlaient à eux, les oiseaux,
tandis que se taisaient les hommes,
maintenant si bavards.
Il nous faudrait connaître le monde par leurs pépiements
si confidentiels à présent
que nous ne les déchiffrons pas.
Nous resterions assis sous leurs arbres,
et les écouterions comme les enfants
écoutent le maître.
Notre silence,
et la sûreté de leur pépiement
nous aiderait à vivre.
Elle se tient là dans le miroir des jours
Elle caresse le ciel du bout des doigts
Elle se tait entre deux battements d’ailes
Elle dit le feu le vent et l’étincelle
Elle est la faim la soif qui ensorcelle
Elle est soleil levant
pépiement matinal
Elle est poisson volant dans un feu végétal
Elle est lointaine et proche étrange et familière
Elle est le chant secret
la danse des fougères
Elle est la fleur sauvage la flûte traversière
Ombre posée sur les paupières de la nuit
Elle se tient silencieuse aux carreaux de ta vie
Elle est celle qui prie aux croisées de ta joie
(Jean Lavoué)
Recueil: Nous sommes d’une source
Traduction:
Editions: L’enfance des arbres
Aux deux tiers de la hauteur du volet gauche de la fenêtre,
un nid de chants d’oiseaux, une pelote de cris d’oiseaux,
une pelote de pépiements, une glande gargouillante cridoisogène,
Tandis qu’un lamellibranche la barre en travers,
(Le tout enveloppé du floconnement adipeux d’un ciel nuageux)
Et que le borborygme fait le bruit des entrailles,
Le coucou bat régulièrement comme le bruit du cœur dans le lointain.
Chant des oiseaux à midi
Ce pépiement
N’est certes pas méchant.
Ils chantent sans penser à nous
Et ils sont aussi nombreux que la semence d’Abraham.
Ils ont leur propre vie
Et voler est pour eux chose normale.
Certains sont oiseaux rares et d’autres vulgaires
Mais toute aile est grâce.
Leur coeur n’est jamais lourd
Même en piquant un ver.
Peut-être sont-ils simplement insouciants.
Les cieux sont leur royaume
De jour et de nuit.
Et lorsqu’ils touchent une branche
Elle est leur aussi.
Ce pépiement est dénué de malice
Et avec le temps il paraît même
Plein de compassion.
(Dalia Ravikovitch)
Recueil: Anthologie de la poésie en hébreu moderne
Traduction: J. Milbauer
Editions: Gallimard
L’aube s’ouvre aussi
sur les larmes
une tristesse
un ruissellement irrésistibles
l’effacement absolu des choses
des pensées
car le regard heurte ces larmes
sans issue
nulle trouée dans le coeur
ni dans les pins
le ciel d’un blanc obscur
suinte sur les feuillages
qui s’enfoncent à l’infini
parmi la brume
le coeur aussi seul
irrémédiablement définitivement
seul
que le pépiement de cet oiseau
perdu dans le brouillard
ce n’est pas un chant
pas même un appel
juste un faible cri
au milieu de l’abîme du monde