Fuir et quitter le monde n’est pas si difficile,
Habiter en montagne ne cause aucun souci.
Les nuages traversent le beau temps et la pluie,
Les rocs des pics éprouvent l’obscurité du soir.
La biche qui allaite dort au sein des buissons,
Les corbeaux qui reviennent au soir perchent sur l’arbre.
Au-dessus du sommet descend la pleine lune
Qui éclaire mon coeur et le sens de la vie.
(Hanshan Deqing)
Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier
Quelquefois, le soir, quand on est assis
et qu’il commence à faire nuit,
la vieille Lise
se met à parler du temps passé.
Elle dit:
« On était plus heureux qu’aujourd’hui,
pour sûr, on ne sait pas pourquoi;
on travaillait peut-être davantage,
mais on savait mieux s’amuser;
ça vient des temps qui sont changés,
ce qui est passé est passé. »
Elle reste un moment sans parler,
tout le monde fait silence.
« Quand la moisson était finie,
tard vers la nuit tombante on rentrait;
les filles étaient perchées au fin haut du char,
les hommes suivaient,
on chantait
toutes les chansons qu’on savait.
On avait fait un vrai repas de noces;
il y avait du rôti, du poulet,
les gens étaient assis jusque sur le pas de la porte.
Et encore que le vin n’était pas ménagé
et pour rire, on sait rire, et, quand on a mangé,
ah! ces histoires qu’on se raconte !
Les vieux d’autrefois aimaient à parler.
La jeunesse dans la cour
brûlait la dernière gerbe.
On faisait un grand feu et on dansait autour.
Même qu’une fois pour rire
ils m’ont pris mon chapeau,
ils l’ont mis dans le feu.
C’était un chapeau tout neuf,
tout garni de grands rubans roses.
Et, comme j’avais l’air fâchée:
« Ne vous fâchez pas, ça porte bonheur. »
Et la ronde était commencée,
et 1a ronde tournait plus fort
pendant que mon chapeau brûlait. »
(Charles-Ferdinand Ramuz)
Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite
Un corbeau est venu se poser dans l’arbre devant ma fenêtre.
Ce n’était pas le corbeau de Ted Hughes, ni le corbeau de Galway.
Ni celui de Frost, celui de Pasternak, ni le corbeau de Lorca.
Ni l’un des corbeaux d’Homère, gorgés de tripaille,
après le combat. Ce n’était qu’un corbeau.
Qui jamais ne s’était intégré nulle part de toute sa vie,
ni n’avait rien fait qui vaille d’être mentionné.
Il resta perché là sur la branche pendant quelques minutes.
Puis prit son essor pour s’envoler magnifiquement
hors de ma vie.
(Raymond Carver)
Recueil: Poésie
Traduction: Jacqueline H. jeem-Pierry Carasso et Emmanuel Moses
Editions: De l’olivier
Nous avons longtemps suivi un sentier tortueux,
Et nous arrivons au sommet de cette colline.
Nous nous donnons au vaste pays qui s’offre.
Très loin, sur l’autre colline, perche un village
Brillant à travers fumées, subite apparition…
Soudain, nous nous écrions : «Mais c’est le nôtre ! »
J’ai
rêvé
que j’étais un oiseau
perché
sur un pommier
Le soleil
était de sortie
et mes plumes
étaient chaudes.
Je me
reposais
entre deux parades
amoureuses
quand des gosses
m’ont descendu
avec une carabine à plomb.
***
i dreamt i was a bird
I
dreamt
I was a birdsitting
in an apple tree.
The sunwas out
and my featherswere warm.
I was
resting
between courtingsessions
when some kidssnipped me off
with a BB gun.
Au milieu du clocher la grand poule a pondu
un gros oeuf qui marque les heures.
Le soleil se pose sur lui à midi pour le remonter.
Le matin, le soir le couvent, chacun à tour de rôle.
La lune, la nuit, l’endort pour qu’il se repose,
mais il continue sa besogne en rêvant.
Et à l’aube un petit coq en sort, qui chante,
qui saute, se perche vite sur le paratonnerre.
Les cloches sonnent pour le distraire ou le consoler.
Voilà mon pays où le temps se forme comme il faut
pour que je désire t’y voir naître et imaginer.