L’architecture de la place s’élève.
La bague du veilleur sur la plus haute tour
renvoie le soleil près de s’abîmer.
A son premier instant, la nuit se tache des mouvements
que donne la peur à la gorge des reptiles.
Les grains d’un chapelet roulent d’une grille.
Les couleurs se gardent dans les livres.
Nous, Bretons de cœur, nous aimons notre vrai pays !
L’Arvor est renommée à travers le monde.
Sans peur au cœur de la guerre, nos ancêtres si bons
Versèrent leur sang pour elle.
Refrain :
Ô Bretagne, mon pays, que j’aime mon pays
Tant que la mer sera comme un mur autour d’elle.
Sois libre, mon pays !
Bretagne, terre des vieux Saints, terre des Bardes,
Il n’est d’autre pays au monde que j’aime autant,
Chaque montagne, chaque vallée est chère dans mon cœur.
En eux dorment plus d’un Breton héroïque !
Refrain
Les Bretons sont des gens durs et forts,
Aucun peuple sous les cieux n’est aussi ardent.
Complaintes tristes ou chants plaisants s’éclosent en eux.
Ô ! Combien tu es belle, ma patrie !
Refrain
Si autrefois, Bretagne, tu as fléchi durant les guerres,
Ta langue est restée vivante à jamais,
Son cœur ardent tressaille encore pour elle.
Tu es réveillée maintenant ma Bretagne !
***
Bro Gozh Ma Zadou
Ni, Breizhiz a galon, karomp hon gwir Vro !
Brudet eo an Arvor dre ar bed tro-dro.
Dispont kreiz ar brezel, hon tadoù ken mat,
A skuilhas eviti o gwad.
Refrain :
O Breizh, ma Bro, me ‘gar ma Bro.
Tra ma vo mor ‘vel mur ‘n he zro.
Ra vezo digabestr ma Bro !
Breizh, douar ar Sent kozh, douar ar Varzhed,
N’eus bro all a garan kement ‘barzh ar bed,
Pep menez, pep traonienn, d’am c’halon zo kaer,
Enne kousk meur a Vreizhad taer !
Refrain
Ar Vretoned ‘zo tud kalet ha kreñv,
N’eus pobl ken kalonek a zindan an neñv,
Gwerz trist, son dudius a ziwan eno,
O ! pegen kaer ec’h out, ma Bro !
Refrain
Mar d’eo bet trec’het Breizh er brezelioù bras,
He yezh a zo bepred ken beo ha bizkoazh,
He c’halon birvidik a lamm c’hoazh ‘n he c’hreiz,
Dihunet out bremañ, ma Breizh !
Allongé sur le sable on dirait qu’il dort
Il est beau et très calme dans le froid qui mord
C’est un guerrier nomade, un homme du désert
Qui est couché dans le sable les yeux grands ouverts
Jusqu’où vont les nomades plus loin que la mort
Dans le chant des étoiles y’a le mirador
A quoi rêvent les nomades sous le ciel ouvert
A des pur-sang arabes écumant la mer.
Reste dans ton rêve, c’est peut-être mieux
Mais le jour se lève et en plein milieu
Il y a la frontière.
La violence est silence,
Silence est désert
Sentinelles de sable tournés vers la mer
Tirez sur tout ce qui bouge, même sur la poussière
Tirez sur le soleil rouge qui meurt dans la mer.
Qui partage les pierres, les jungles et le sable
Qui a mis l’univers à plat sur la table
Qui a peur de son ombre et qui fait la guerre
Mais déjà le vent efface ton nom sur la pierre.
Couché sur le sable, on dirait qu’il dort
Mais pour un nomade, c’est après la mort
Qu’y a plus de frontière.
Où est la frontière?
Où est la frontière?
Pour qui la frontière?
C’est loin la frontière?
Pourquoi la frontière?
C’est loin la frontière?
Où est la frontière?
(Bernard Lavilliers)
Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Quelques secondes avant de mourir
la mère tourna son visage vers nous
et d’une voix rauque s’écria :
Il n’y a rien !
Puis la voûte du silence s’éleva sur sa bouche.
Dans quel abîme se sont répandus
les grains de son chapelet
cent fois embrassés,
où sont tombés les mots de toutes ses prières
et le bruissement des chansons
qu’elle chantait depuis l’enfance ?
Que sont devenues la peur et l’angoisse
devant ses actes les plus menus ?
Ils portent les noms des péchés
sans être meilleurs ou pires
que les autres.
Quelle obscurité a-t-elle aperçue
dans cette cruelle seconde,
où, du talon, nous repoussons le sol
pour retomber aussitôt sur lui ?
e sortis sur le balcon
et de la chaise branlante de ma mère
je regardai quelque part,
dans les hauteurs célestes.
Durant toute notre longue vie
elles ne cessent de lorgner vers nos fenêtres,
elles n’ordonnent rien,
elles ne demandent rien
et, si vous voulez, elles
sont d’une beauté indicible.
Et nous, nous essayons de les acheter
par un grain d’encens par un grain du chapelet,
par des mots, par une larme !
Et à la fin
nous voulons soulever leurs barrières lumineuses
par notre dernier soupir,
celui qui, de tous nos gémissements,
est le plus vain.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
Dans le filet bordé par des bouchons
c’est le printemps. Des arbres pleins de fleurs
nous montrent, souriants, les dents de leurs boutons
lorsque nous regardons en arrière.
Dans le filet bordé par des bouchons
et qui plus est plié triplement
il y a de même les astres ; ils me connaissent
et l’un d’eux se souvient, toujours quand
je rentre — et il m’éclaire, alors que dans l’ombre
vers le seuil aimé j’avance de nouveau.
Qui d’autre a donc les étoiles pour amies ?
D’un petit nombre seulement c’est le lot.
Dans le filet bordé par des bouchons
le vent s’est fait prendre ; et son rire,
c’est le rire que, si elles parlent des hommes,
les femmes font à chaque fois retentir.
Dans le filet bordé par des bouchons
sont prises maintenant les griffes d’une douce peur.
Et c’est la peur que, toujours, éprouvent les hommes
quand ils évoquent les femmes, se parlant entre eux.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
Et un jour, alors qu’ils étaient assis
dans les longues ombres des peupliers blancs,
l’un dit : « Maître, j’ai peur du temps.
Il nous dépasse et nous dérobe notre jeunesse,
mais que donne-t-il en retour ? »
Et le Prophète répondit ceci :
« Ramasse maintenant une poignée de bonne terre.
Y trouves-tu une graine et peut-être un ver ?
Si ta main était suffisamment grande et patiente,
la graine deviendrait une forêt et le ver un troupeau d’anges.
Et n’oublie pas que les années qui transforment les graines en forêts
et les vers en anges, appartiennent à ce Maintenant.
Toutes ces années découlent de ce Maintenant. »
(Khalil Gibran)
Recueil: Le Secret
Traduction: Anahita Gouya
Editions: J’ai lu
Des yeux de ma dame s’envole
une lumière si belle que lorsqu’elle apparaît
on voit des choses qu’on ne peut décrire
pour leur noblesse et pour leur nouveauté ;
et de ses rayons pleut sur mon coeur
une telle peur qu’elle me fait trembler
et dire : « Ici je ne veux jamais revenir » ;
mais bientôt je perds toutes mes forces :
et je reviens là où je suis vaincu,
réconfortant mes yeux épouvantés,
qui ont d’abord senti cette grande valeur.
Quand j’arrive, hélas, ils sont clos ;
le désir qui les mène ici est éteint :
qu’Amour pourvoie donc à ma survie.
***
De gli occhi de la mia donna si move
un lume si gentil che, dove appare,
si veggion cose ch’uom non pò ritrare
per loro altezza e per for esser nove :
e de’ suoi razzi sovra ‘1 meo cor piove
tanta paura che mi fa tremare
e dicer : « Qui non voglio mai tornare » ;
ma poscia perdo tutte le mie prove :
e tornomi colà dov’io son vinto,
riconfortando gli occhi päurusi,
che sentier prima questo gran valore.
Quando son giunto, lasso, ed e’ son chiusi ;
lo disio che li mena quivi è stinto :
però proveggia a lo mio stato Amore.