Dans un village dévasté par la guerre
un homme à demi nu
que trois silhouettes enturbannées allongent
sur une couverture ocre
la photo est dans le journal
belle comme une déposition de croix
du Quattrocento
Ce soir, le vent qui frappe à ma porte
Me parle des amours mortes
Devant le feu qui s´éteint
Ce soir, c´est une chanson d´automne
Dans la maison qui frissonne
Et je pense aux jours lointains
{Refrain:}
Que reste-t-il de nos amours?
Que reste-t-il de ces beaux jours?
Une photo, vieille photo de ma jeunesse
Que reste-t-il des billets doux,
Des mois d´avril, des rendez-vous?
Un souvenir qui me poursuit sans cesse
Bonheur fané, cheveux au vent
Baisers volés, rêves mouvants
Que reste-t-il de tout cela?
Dites-le-moi
Un petit village, un vieux clocher
Un paysage si bien caché
Et dans un nuage, le cher visage de mon passé
Les mots, les mots tendres qu´on murmure
Les caresses les plus pures
Les serments au fond des bois
Les fleurs qu´on retrouve dans un livre
Dont le parfum vous enivre
Se sont envolés, pourquoi?
Si je chante encore cette chanson
C’est pour toi
Pour que tu reviennes un jour te blottir dans mes bras
Il me reste de toi
Le souvenir des jours heureux
Quand j’étais amoureux
Quand tu prenais ma main
Pour découvrir ensembl’
Des mondes incertains
L’ivresse des matins
Un peu de mon chagrin
Et puis des mots d’amour
Ne rimant plus à rien
Mais j’aurai su garder l’espoir
L’espoir secret de te revoir
La la la la la la la la la la…
Après tant de souvenirs
La la la la la la la la
Après tant de souvenirs
La la la la la la la …
avec le bout de ma langue j’allaitais les fautes.
ZEYNEP KOYLU
I
Le hennissement d’un cheval
déchire la housse du sommeil,
réajuste les images
et le tilleul bréhaigne frémit.
Le maçon, un homme sans visage,
décharge des briques crues et des pierres
devant la porte branlante.
Le muret et le four ancien
reviennent à leurs places
et moi, fillette de cinq ans,
je cours autour de la claie et je pleure
pendant que le cochon mord à belles dents
ma poupée de chiffon,
l’unique,
comme toutes les amours uniques
que le temps disjoint,
comme s’il voulait vérifier
l’endurance du cœur.
Personne ne m’entend.
Les araignées tissent des voiles de mariée
sur le poirier en fleur,
le maçon, impassible, taille
des pierres pour une nouvelle maison
dans laquelle il n’entrera pas.
Si je l’avais appelé,
si j’avais dit grand-père,
aurait-il entendu le sang ?
II
Je n’ai jamais prononcé à haute voix
son nom
que j’apprenais d’une photo,
clouée sur une poutre au grenier.
Les silences de mon père,
les oiseaux de l’accusation
dans les yeux de maman
à cause d’un péché d’autrui
rongeant le sang de la descendance.
Le sommeil rend des mots oubliés
et m’apprend les mantras de la nuit
que la vie passe sous silence.
Son nom est un chaton apeuré
enfoui sous le lit de ma langue.
Je l’épelle en sourdine
avec la persistance de quelqu’un
qui ne veut pas se réveiller
avant de réécrire le songe
de sa vie.
(Aksinia Mihaylova)
Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard
La lumière de l’aube
efface les traces de la nuit
implacable le temps s’écoule
j’aimerais pourtant qu’il s’arrête
telle une photo fixée sur la lentille de la caméra
car aussi précieux que le fruit de l’arbre est l’amour
semblable à la lune qui s’élève la nuit
c’est ainsi que tu es, mon amour, quoi qu’il arrive
où que tu sois, je te garde en mon cœur
depuis que je t’aime mon monde a changé
parce que deux cœurs ont trouvé une maison de tendresse
des rayons de soleil jouent les cordes sensibles de l’amour
soulèvent l’aube de l’espoir.
The light of dawn
erases the traces of the night
relentlessly, time goes on flowing
although I wish it would stop
like a picture fixed by the camera’s lens
because as valuable like fruit in a tree is love
Like the moon ascending at night
so you are, my love, whatever happens
wherever you are, I keep you in my heart
since I am in love with you my world has changed
because two hearts found a home of tenderness
sunrays play on the heartstrings of love
lighting up the dawn of hope.
(Anna Keiko)
***
ZORII SPERANȚEI
Lumina zorilor
șterge urmele nopții
se scurge timpul nepăsător
deși eu aș vrea să-l opresc
fixat pe lentilă ca un clișeu de dor,
căci prețioasă ca rodul bogat e iubirea.
Asemenea lunii ce se-nalță în noapte
ești tu, dragostea mea, orice s-ar întâmpla
te port în inimă oriunde fiind,
de când te iubesc, alta e lumea mea,
în locașul tandreței două inimi încap
razele soarelui dau glas corzilor iubirii
spre zorii speranței cântec suind.
Recueil: ITHACA 576
Traduction: Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Chinois original / Anglais / Roumain Passionaria Ivanov /
Editions: POINT
Mort aux rats. Pif !
Pif, Pif, Pif, Pif, Kr.
KR. KR. KR.
Le rat agonise au grenier.
Strychnine.
O mes jeunes jours,
Comme le soleil silencieux au grenier.
Du haut du toit me parvient le parfum des tilleuls.
Cre, cre, cre, cre
Crève,
Homme.
Homme.
Homme.
A 8 heures il y a conférence
Sur les idéaux humanistes.
Les journaux publient les photos
Des pendus bulgares.
Les gens ?
Ils lisent et craignent Dieu.
Mais Dieu est en disponibilité.
Poème posthume
A insérer dans le passé,
Poème qui ne vient pas
A son heure.
Le voici au jour,
Etrange
Comme un frère
Et désiré
Comme un visage sur des rails.
Poème à contretemps
A vivre après mort,
Né par erreur.
Sablier
Oublié
Près d’une photo pâle.
Sourire
Pour personne
Déchirant le silence.
Il me restera de la lumière
Il me restera de l’eau, du vent
Des rêveries sucrées, d’autres amères
Et le mal au coeur de temps en temps
Il me restera des souvenirs
Des visages et des voix et des rires
Il me restera du temps qui passe
Et la vie, celle qui fait mourir
Il me restera ces choses qu’on amasse
Sans y penser, sans y compter, sans savoir
Quand on vit fort, on vit sans mémoire
Mais elle prend des photos sans qu’on sache
Il me restera de longs silences
Longues secondes au passé, tristesse
Il me restera aussi Valence
Ici, naquit un peu de tendresse
Il me restera deux, trois bricoles
Une épingle, un parfum oubliés
Un disque, un vieux bouquin, des babioles
Mais que je ne pourrai pas jeter
Il me restera ces choses qu’on amasse
Sans y penser, sans y compter, sans savoir
Quand on vit fort, on vit sans mémoire
Mais elle prend des photos sans qu’on sache
Elle avait les yeux clairs et la robe en velours
A côté de sa mère et la famille autour
Elle pose un peu distraite au doux soleil
de la fin du jour
La photo n’est pas bonne mais l’on peut y voir
Le bonheur en personne et la douceur d’un soir
Elle aimait la musique, surtout Schumann
et puis Mozart
Comme toi..
Comme toi..
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi..
Elle allait à l’école au village d’en bas
Elle apprenait les livres, elle apprenait les lois
Elle chantait les grenouilles
Et les Princesse qui dorment au bois
Elle aimait sa poupée, elle aimait ses amis
Surtout Ruth et Anna et surtout Jérémie
Et ils se marieraient un jour peut-être à Varsovie
Comme toi..
Comme toi..
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi..
Elle s’appelait Sarah elle n’avait pas huit ans
Sa vie, c’était douceur, rêves et nuages blancs
Mais d’autres gens en avaient décidé autrement
Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
C’était une petite fille sans histoire et très sage
Mais elle n’est pas née comme toi,
ici et maintenant
Comme toi..
Comme toi..
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi..