Une brise aiguise les aiguilles de pin
Monte la tristesse profonde et lointaine
La lune roule sur les vagues de mon coeur
Dans mon esprit un cristal de silence
Écoute et regard, reflets d’un miroir
Je flâne en pinçant les cordes de mon coeur
Là où l’écho s’évanouit, s’épanouit la méditation
Coeur apaisé, cendres éteintes
(Chingak)
Recueil: Les mille monts de lune Poèmes de Corée
Traduction: Sunmi Kim
Editions: Albin Michel
La lune se lève
au-dessus de la brume légère
de l’automne.
Sa robe est humide,
mais toute la nuit,
sans se changer,
elle pince les cordes argentées
de son luth,
de peur de retrouver
sa chambre vide.
(Wang Wei)
Recueil: Neige sur la montagne du lotus Chants et vers de la Chine ancienne
Traduction: Ferdinand Stočes
Editions: Picquier poche
J’ai un rectangle à remplir. De dessous il a l’air d’un rectangle, mais vu de
côté il est invisible, parce que c’est une idée. Je pince ses côtés et ils
vibrent, mais comme tout le reste. Un concert remonte ta route, et toute
une feuille de rire s’arrache de la surface pour s’envoler comme ce
rectangle le ferait s’il avait de l’énergie. Mais il n’en a pas, jusqu’au moment
où ma tête se change en bois et s’échauffe à l’intérieur. Alors le rectangle
se met à luire et fredonner. Soudain des « bulles d’hilarité » se répandent
dans tout le système, les quatre côtés du rectangle se séparent et dérivent
dans plusieurs directions, tournant sur eux-mêmes et basculant lentement
dans le noir. Je suis bien content d’en être débarrassé.
(Ron Padgett)
Recueil: On ne sait jamais
Traduction: Claire Guillot
Editions: Joca Seria
I
j’aime pour ma vie liberté errance
vienne que pourra
si je voulais me contraindre
ça ne m’irait pas
et je sais des chansons éternelles
l’hiver sans souliers
dans le froid écoutez-la ma mandoline
mais où coucher
plus d’une belle fille s’étonne
je lui plairais bien
si je n’étais un misérable
propre-à-rien
belle fille Dieu t’accorde
riche mari
si nous étions tous deux ensemble
mon chant cesserait de vivre
2
si le soleil brillait l’adorable
soleil du sud tiède et bleu
je prendrais ma mandoline
sur le pré nappe de feu
la nuit mon amour écoute
à sa fenêtre et ne dort pas
comme la nuit serait douce
souhaite-nous la douce nuit
si le soleil brillait l’adorable
soleil du sud tiède et bleu
je prendrais ma mandoline
sur le pré nappe de feu
4
tu es triste éraillé
viens sur mon coeur
fort ôte-moi le souffle
pince taquine
soupirant
joue contre joue
pour mon oreille
chante au fond de la cour
chat et chien hurlent
et le voisin est furieux
mais que nous importe
le monde violon mon doux violon
***
Der wandernde Musikant
I
Wandern lieb ich fir mein Leben,
Lebe eben wie ich kann,
Wollt ich mir auch Mühe geben,
Paßt es mir doch gar nicht an.
Schöne alte Lieder weiß ich,
In der Kälte, ohne Schuh
Draußen in die Saiten reiß ich,
Weiß nicht, wo ich abends ruh.
Manche Schöne macht wohl Augen,
Meinet, ich gefiel’ ihr Behr,
Wenn ich nur was wollte taugen,
So ein armer Lump nicht war. —
Mag dir Gott ein’n Mann bescheren,
Wohl mit Haus und Hof versehn !
Wenn wir zwei zusammen wãren,
Möcht mein Singen mir vergehn.
2
Wenn die Sonne lieblich schiene
Wie in Welschland lau und blau,
Ging’ ich mit der Mandoline
Durch die überglänzte Au.
In der Nacht dann Liebchen lauschte
An dem Fenster süß verwacht,
Wünschte mir und ihr, uns beiden,
Heimlich eine schöne Nacht.
Wenn die Sonne lieblich schiene
Wie in Welschland lau und blau,
Ging’ ich mit der Mandoline
Durch die überglänzte Au.
4
Bist du manchmal auch verstimmt,
Drück dich zärtlich an mein Herze,
Daß mir’s fast den Atem nimmt,
Streich und kneif in süßem Scherze,
Wie ein rechter Liebestor
Lehn ich sanft an dich die Wange
Und du singst mir fein ins Ohr.
Wohl im Hofe bei dem Klange
Katze miaut, Hund heult und bellt,
Nachbar schimpft mit wilder Miene —
Doch was kümmert uns die Welt,
Suße, traute Violine !
(Joseph von Eichendorff)
Recueil: Poèmes de l’étrange départ
Traduction: Philippe Marty
Editions: Grèges
Quel poignant sentiment de solitude
étreint le passant
quand il entend tinter au fond d’un patio
les accords aigrelets
pincés sur une guitare
qu’une voix sombre souligne
d’un murmure essoufflé
Palais interdit : la lune se glisse entre les branches
Son beau regard s’attarde sur un nid d’aigrettes
De son épingle de jade, elle pince la mèche
Pour sauver de la flamme un papillon de nuit
(Zhang Hu)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
De qui pinçait tes cordes étrangères,
Ce coeur, autant qu’il semble, n’a plus cure :
D’où vient dès lors l’émoi que tu réveilles
En mon esprit chagrin, vieille guitare?
C’est comme si le chaleureux soleil
S’attardait encore au fin fond du val
Après que des nues d’orage et de nuit
En auraient offusqué le globe père.
C’est comme si le miroir du ruisseau
Toujours retenait l’image des saules
Encor que la hache eût de longue date
Couché leurs cheveux d’argent dans la poudre.
Pareillement, guitare, ta magie
A fait jaillir les pleurs, éveillé le soupir,
Enjoint à l’ancien torrent de couler
Quand la source même en était tarie!
***
FOR HIM WHO STRUCK THY FOREIGN STRING
For him who struck thy foreign string,
I ween this heart hath ceased to care;
Then why dost thou such feelings bring
To my sad spirit, old guitar?
It is as if the warm sunlight
In some deep glen should lingering stay,
When clouds of tempest and of night
Had wrapt the parent orb away.
It is as if the glassy brook
Should image still its willows fair,
Though years ago the woodman’s stroke
Laid low in dust their gleaming hair.
Even so, guitar, thy magic tone
Has moved the tear and waked the sigh,
Has bid the ancient torrent flow
Although its very source is dry!
(Emily Brontë)
Recueil: Poèmes
Traduction: Pierre Leyris
Editions: Gallimard
De qui pinçait ta corde étrangère
Il semble que ce coeur n’ait plus souci
Alors d’où vient l’émoi que tu fais naître
Vieille guitare, en mon âme triste ?
C’est comme si une chaude lumière
Au fond d’un val s’attardait à loisir
Quand dans leurs nues l’orage et la nuit
Auraient voilé le globe père —
C’est comme si le ruisseau en son miroir
Gardait le reflet de ses beaux saules
Bien que sous la hache, voici longtemps
Leurs cheveux lustrés aient mordu la poussière ;
De même, ô guitare, tes sons magiques
Ont tiré des larmes, éveillé des soupirs,
Ont fait resurgir le torrent ancien
Dont pourtant la source même est tarie !
***
For him who struck thy foreign string
I ween this heart hast ceased to care
Then why dost thou such feelings bring
To my sad spirit, old guitar ?
It is as if the warm sunlight
In some deep glen should lingering stay
When clouds of tempest and of night
Had wrapt the parent orb away —
It is as if the glassy brook
Should image still its willows fair
Though years ago, the woodman’s stroke
Laid low in dust their gleaming hair:
Even so, guitar, thy magic tone
Hast moved the tear and waked the sigh
Hast bid the ancient torrent flow
Although its very source is dry!
J’aime entrouvert
le velours vert
de ton col de collines
pour y poser
un nid de baisers,
une aile d’églantine
J’aime fondant
entre mes dents
sucer ce lobe
de sucre vermeil
où boucle d’or,
boucle d’oreille,
tu pinces le soleil
Caresser ta joue,
ronde et lisse ombelle,
visage d’avril,
et d’un doigt subtil
suivre le tracé
de ton sourcil en
vol d’hirondelle
Monter en ballon
dans le bleu de tes yeux,
sous l’ombre des cils
léger dans les cieux,
monter si haut
que dans la nacelle
pris de vertige
mon coeur chancelle
Et suspendu ainsi jusqu’au soir
à trembler de peur
et d’espoir,
j’attends , avec mes oiseaux-rêves
qui dans ton ciel
tournent en rond ,
à la frange fleurie
des branches sur ton front…