et l’herbe et les concombres, et les chèvres et le genêt,
l’enthousiasme est là, oui les frontières sont là;
les branches sont là, le vent qui les agite
est là, et l’unique signe des branches
de cet arbre qu’on appelle précisément le chêne est là,
de cet arbre qu’on appelle précisément le frêne, le bouleau
le cèdre est là, et le signe répété
est là, sur le gravillon de l’allée; elles sont là
aussi les larmes, l’armoise et le laurier sont là,
les otages, l’oie cendrée, et les petits de l’oie cendrée;
et les fusils sont là, un jardin d’énigmes,
sec et sauvage, orné des seules groseilles,
les fusils sont là; au milieu du ghetto
éclairé et chimique ils sont là les fusils oui,
avec leur précision ancienne et paisible ils sont là
les fusils, et les pleureuses sont là, rassasiées
comme hiboux inassouvis, le lieu du crime est là;
le lieu du crime oui, insouciant, naturel, abstrait,
baigné d’une lumière de chaux, pitoyable,
ce poème tout blanc, vénéneux, qui s’effrite
***
grænserne findes, gaderne, glemslen
og græs og agurker og geder og gyvel,
begejstringen findes, graenserne findes;
grenene findes, vinden der løfter dem
findes, og grenenes eneste tegning
af netop det træ der kaldes egetræet findes,
af netop det træ der kaldes asketræet, birketræet,
cedertrœet findes, og tegningen gentaget
findes, i havegangens grus; findes
også gråden, og gederams og gråbynke findes,
gidslerne, grågåsen, grågåsens unger;
og geværerne findes, en gådefuld baghave,
tilgroet, gold og kun smykket med ribs,
geværerne findes; midt i den oplyste
kemiske ghetto findes geværerne,
med deres gammeldags, fredelige præcision findes
geværerne, og grædekonerne findes, mætte
som grådige ugler, gerningsstedet findes;
gerningsstedet, døsigt, normalt og abstrakt,
badet i et hvidkalket, gudsforladt lys,
dette giftige, hvide, forvitrende digt
(Inger Christensen)
Traduction de Zéno Bianu,
avec la collaboration de Karl Ejby Poulsen
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Une rangée d’arbres tout là-bas, là-bas vers les coteaux.
Mais qu’est-ce qu’une rangée d’arbres ? Il y a des arbres,
c’est tout.
Rangée et le pluriel arbres ne sont pas des choses, ce sont des noms.
Pitoyables, les âmes humaines, elles qui mettent tout en ordre,
Qui tracent des lignes de chose à chose,
Qui mettent des pancartes portant des noms sur les arbres absolument réels,
Et qui dessinent des parallèles de latitude et longitude
Sur la terre même, la terre innocente et plus verte et fleurie
que tout ça !
La fleur a voulu croître, en sa grâce divine,
Dans l’aride chaos de cette âpre ravine.
Pitoyable, elle épand son âme tendre au fond
D’un gouffre où le vertige en la terreur se fond.
Elle reste la joie et la parure uniques
Du lieu farouche où, pris de soudaines paniques,
Comme un funeste vol passent les aquilons ;
Car ni l’éblouissante aurore aux reflets blonds,
Ni les éclairs pourprés que le soir ressuscite,
N’osent descendre au cœur de l’effroyable site.
Et le pâtre qui loin du foyer s’exila,
Et que sa troupe agreste a conduit jusque-là,
Avec les durs béliers errant de roche en roche,
S’il aperçoit la fleur sauvage, s’en approche,
Et, tandis que l’écho vibre au bruit de ses pas,
La contemple, songeur, et ne la cueille pas.
Belle qui m’avez blessé d’un trait si doux,
Helas ! pour – quoy me laissez vous ?
Moy qui languis d’un cruel désespoir
Quand je suis sans vous voir.
Las ! vous emportez en ce triste départ
De mon cœur la meilleure part,
Et vous laissez l’autre en proye aux douleurs
Aux soupirs et aux pleurs.
Ou me rendez l’une, ou belle par pitié
Ne laissez pas l’autre moytié :
On bien donnez d’un pitoyable effort
A toutes deux la mort.
Le ciel se troublant et changeant de couleur
M’assiste à plaindre mon malheur,
Et de ses eaux mon deuil accompagnant,
Ces déserts va baignant.
Si de mes ennuis que je ne puis cacher
Quelque regret vous peut toucher,
Consolez-moy belle d’un doux espoir
De bien tost vous revoir.
***
Fair lady who had wounded me with so sweet an arrow,
Alas! why are you leaving me?
I who languish in cruel despair
When I do not see you.
Alas! In this sad departure you carry away
The best part of my heart
And leave the other in the grip of suffering
With sighs and tears.
Either give me back one half or, my beauty,
For pity’s sake, do not leave the other:
Or else, with a pitiful effort,
Give death to both.
The sky, becoming cloudy and changing colour,
Helps me lament my misfortune,
And with its waters accompanying my mourning,
Bathes these deserts.
If, of my worries, which I cannot hide,
Some regret might touch you,
Console me, fair lady, with the sweet hope
Of seeing you again soon.
***
Ihr Schöne, die so zart verletzt‘t mich,
Ach! Warum verlasst ihr mich?
Ich, der ich mich gar verzehre vor grausamer Verzweiflung,
Wenn ich kann nicht Euch seh‘n.
Ach weh, bei Eurem tristen Abschied
Mein bestes Herz Ihr mit Euch nehmt,
Und übereignet so den andren der Qual,
Den Seufzern und dem Tränental.
So gebet mir entweder die eine oder, meine Schönste, aus Mitleide
Lasset nicht die andre Hälfte.
Oder aber mit erbarmender Bemühung
Gebt beiden dann den Tod!
Der Himmel in sein‘ Verwirrung und Wechsel der Couleur
Mir hilft beklagen also mein eigenes Malheur,
Und mit seinen Wassern begleitet meinen Kummer
Und auch dies Elend er benetzt.
Wenn von mein‘ Nöten, die ich nicht kann verhehlen,
Bedauern Euch mag doch berühr‘n,
Dann, Schönste, tröstet mich gar sanfte mit Hoffnung
Auf ein zeitig‘ Wiederseh‘n.
Sus, sus, mon Lut, d’un accord pitoyable
Plains la douleur qui me rend miserable:
Plains mon desastre, et d’un ton éclatant
Dy le depart qui me va tourmentant.
Pleurez mes yeux, et d’une longue trace
L’eau de mes pleurs coule dessus ma face,
Et que jamais n’en tarisse le cours,
Qu’en tarissant ma vie et mes amours.
Il ne faut plus que j’aye aucune attente,
De voir jamais chose qui me contente :
Retirez-vous tous mes plaisirs passez,
Et mille ennuis pour garde me laissez.
***
Get up, get up, my Lute, with a pitiful chord
Pity the pain that makes me miserable:
Pity my disaster and, with a loud tone,
Relate the departure that goes on tormenting me.
Weep, my eyes, and with a long trace,
The water of my tears flows down my face,
And may its course never dry up
Except in drying up my life and loves.
I must have no further expectation
Of ever seeing anything that contents me:
Take away all my past pleasures,
And leave me a thousand worries as a guard.
***
Auf, auf, meine Laute, mit einem Akkord so falsch gestimmt
Beklag‘ den Schmerz, der mir den Atem nimmt:
Beklage meine Niederlag’,
Und mit einem Tone hell & klar
Schild’re den Abschied, der martert mich.
Weinet, meine Augen, und in langer Spur
Die Wasser meiner Zähren mein Antlitz netzen.
Und niemals soll das enden,
Nur wenn mein Leben & meine Lieb‘
Sich für immer wenden.
Nie mehr darf ich erwarten
Ein mich erfreuend Ding,
Verzieht euch doch, all mein‘ vergangen‘ Freuden,
Und tausend Ärgernisse mir hier zur Wache lasst!
(Didier Le Blanc)
0:00:00 – Hélas Que Me Faut-il Faire?
0:02:36 – Passepieds De Bretagne
0:05:19 – Que Feray-Je?
0:11:36 – Allons Vielle Imperfaite
0:15:18 – Bien Qu’un Cruel Martire
0:21:51 – Spagnolette 0:25:26 – Sus! Mon Lut D’un Accord Pitoyable
0:28:45 – Les Mariniers Adorent Un Beau Jour
0:33:25 – Quel Secours Faut-Il Que J’Atende
0:38:34 – Tant Et Tant Il M’Ennuye Tant
0:42:24 – Mai Voyez Mon Cher Esmoy
0:46:43 – Fantaisie
0:49:53 – J’Ayme Trop Mieux Souffrir La Mort
0:52:04 – Ô Combien Est Heureuse
0:59:06 – Belle Qui M’Avez Blessé
Vampire sans horreur et Monstre sans effroi,
Chimère sans beauté, Chauve-Souris, ô toi
Qui vas heurtant du front les ténèbres divines,
Ivre d’ombre et d’horreur, de nuit et de ruines,
Comment ne pas t’aimer en pleurant, ô ma soeur ? —
Ta laideur de sabbat éloigne la douceur, —
Ton pitoyable élan se brise dans le vide
Tant l’effort maladroit de ton lourd vol stupide
T’affolle et te tourmente, et ne t’élève pas ! —
Et tes regards meurtris sont aveugles et las
D’avoir trop adoré les astres et la lune…
Tu sembles apporter la sinistre infortune
Et les pressentiments du danger et de la mort
Tandis que l’univers se délasse et s’endort.
Ta muette souffrance erre et rôde et s’égare.
Plein de tâtonnements, ton passage bizarre
Mêle l’inquiétude et la fièvre aux beaux soirs.
C’est toi le frôlement d’étranges désespoirs,
Furtifs, enveloppés de terreur et de haine.
Passe, spectre éperdu, pareil à l’âme humaine
Dans ce qu’elle a de triste et d’ignoble et de beau,
Avec ton corps de bête et tes ailes d’oiseau !
D’INVISIBLES pipeaux charment ma solitude.
Le soir voit défleurir le mélilot des prés.
O nymphes aux yeux verts, et toi, Pan au poil rude,
Je vous offre ces fruits que l’automne a dorés.
Lorsque j’ai convoité la fraîcheur des fontaines,
Etendu sur la roche et las des longs chemins,
Vous m’avez apporté l’eau des sources lointaines,
O nymphes ! dans le creux frissonnant de vos mains.
Je n’ai plus redouté l’aridité des sables,
Bouclier d’or où se double l’airain du ciel,
Car j’ai bu longuement, dans vos mains pitoyables,
L’eau claire qui me fut plus douce que le miel.
Mon cœur d’enfant est en exil
Dans ce corps étranger!
Mon cœur d’enfant est en péril
Dans cette société…
Où es-tu, petite fille?
Tes sentiments m’étaient si familiers,
Que cherches-tu donc au sein de cette ville,
Pauvre cœur exilé!
Ne vois-tu pas ce décalage vil
Entre ce que tu fus et la réalité?
Pauvre cœur vieilli, jamais du temps tu ne remonteras le fil,
Pitoyable cœur, devrai-je t’étouffer?