Posts Tagged ‘plaie’
Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023

Illustration: Nadav Kander
PRIÈRE
Qu’on me laisse partir à présent
Je pèserais si peu sur les eaux
J’emporterais si peu de chose
Quelques visages le ciel d’été
Une rose ouverte
La rivière est si fraîche
La plaie si brûlante
Qu’on me laisse partir à l’heure incandescente
Quand les bêtes furtives
Gagnent l’ombre des granges
Quand la quenouille
Du jour se fait lente
Je m’étendrais doucement sur les eaux
J’écouterais tomber au fond
Ma tristesse comme une pierre
Tandis que le vent dans les saules
Suspendrait mon chant
Passants ne me retenez pas
plaignez-moi
Car la terre n’a plus de place
pour l’étrange Ophélie
On a scellé sa voix on a brisé le vase
De sa raison
Le monde m’assassine et cependant
Pourquoi faut-il que le jour soit si pur
L’oiseau si transparent
Et que les fleurs
S’ouvrent à chaque aurore plus candides
Ô beauté
Faisons l’adieu rapide
Par la rivière par le fleuve
Qu’on me laisse à présent partir
La mer est proche je respire
Déjà le sel ardent
Des grandes profondeurs
Les yeux ouverts je descendrais au cœur
De la nuit tranquille
Je glisserais entre les arbres de corail
Écartant les amphores bleues
Frôlant la joue
Enfantine des fusaïoles
Car c’est là qu’ils demeurent
Les morts bien-aimés
Leur nourriture c’est le silence la paix
Ils sont amis
Des poissons lumineux des étoiles
Marines ils passent
Doucement d’un siècle à l’autre ils parlent
De Dieu sans fin
Ils sont heureux
Ô ma mémoire brise-toi
Avant d’aller troubler le fond
De l’éternité
Ainsi parle Ophélie
Dans le jardin désert
Et puis se tait toute douleur
La rivière scintille et fuit
Sous les feuilles
Le vent seul
Porte sa plainte vers la mer
(Anne Perrier)
Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Anne Perrier), adieu, aller, ami, amphore, arbre, ardent, assassiner, à présent, écarter, écouter, été, éternité, étoile, étrange, bête, beauté, bien-aimé, bleu, brûler, briser, candide, chant, ciel, coeur, corail, désert, demeurer, descendre, Dieu, douleur, doux, eau, emporter, enfantin, faire, feuille, fin, fleur, fleuve, fond, frais, frôler, fuir, furtif, gagner, glisser, grange, heure, heureux, incandescent, jardin, joue, jour, laisser, lent, lumineux, marin, mémoire, mer, monde, mort, nourriture, nuit, oiseau, ombre, Ophélie, ouvert, ouvrir, paix, parler, partir, passant, passer, peser, peu, pierre, place, plaie, plaindre, plainte, poisson, porter, prière, proche, profondeur, pur, quenouille, raison, rapide, respirer, retenir, rivière, rose, s'étendre, s'ouvrir, saule, sceller, scintiller, se taire, sel, seul, siècle, silence, suspendre, terre, tomber, tranquille, transparent, tristesse, troubler, vase, vent, visage, voix, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023

Massacre de Tlatelolco
MÉMORIAL DE TLATELOLCO
L’obscurité engendre la violence
et la violence veut l’obscurité
pour se coaguler en crime.
C’est pourquoi le Deux Octobre patienta jusqu’à la nuit
afin que nul ne vît la main qui avait saisi
l’arme, mais seulement l’éclair.
Et dans cette lumière brève et livide, qui ? Qui est celui qui tue ?
Qui sont ceux qui agonisent et ceux qui meurent ?
Ceux qui fuient nu-pieds ?
Ceux qui vont tomber au fond d’une prison ?
Ceux qui vont pourrir à l’hôpital ?
Ceux qui restent muets à jamais d’épouvante ?
Qui ? Lesquels ? Personne. Le lendemain, personne.
La place à l’aube était bien balayée ; les journaux
donnaient comme information principale
le temps qu’il faisait.
Télévision, radio ou cinéma,
pas de changement de programme,
pas de flash spécial, pas de minute
de silence pendant le banquet.
(Le banquet continua.)
Ne cherche pas ce qui n’est pas : des traces, des cadavres
Tout a été donné en offrande à une divinité :
la Dévoreuse d’Excréments.
Ne consulte pas les archives : il n’y a eu aucun rapport.
Hélas, la violence veut l’obscurité
parce que l’obscurité engendre le rêve
et nous pouvons dormir en rêvant que nous rêvons.
Mais il y a une plaie que je touche : ma mémoire.
Elle a mal donc c’est vrai. Elle saigne à sang.
Si je dis qu’elle est mienne, je trahis tous les autres.
Je me souviens, nous nous souvenons.
C’est notre façon d’aider le jour à se lever
sur tant de consciences souillées,
sur un texte de colère, sur une grille ouverte,
sur le visage derrière l’impunité du masque.
Je me souviens, nous nous souviendrons
jusqu’à ce que la justice vienne parmi nous.
(Rosario Castellanos)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Rosario Castellanos), agonir, aider, archives, arme, aube, à jamais, éclair, épouvante, balayer, banquet, bref, cadavre, changement, chercher, cinéma, colère, conscience, consulter, continuer, crime, dévoreur, divinité, donner, dormir, engendré, engendrer, excrément, façon, flash, fond, fuir, grille, hélas, hôpital, impunité, information, jour, journal, justice, lendemain, livide, lumière, main, mal, masque, mémoire, mémorial, minute, mourir, muet, nu-pieds, nuit, nul, obscurité, offrande, ouvert, parmi, patienter, personne, place, plaie, pourrir, principal, prison, programme, qui, radio, rapport, rêve, rêver, saigner, saisir, sang, se coaguler, se lever, se souvenir, souillé, spécial, télévision, temps, texte, tomber, toucher, trace, trahir, tuer, venir, violence, visagenderrière, voir, vouloir, vrai | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 2 avril 2023
Illustration: Edvard Munch
À la maison, ma tante
mon frère et mes soeurs
croient que la mort n’est que sommeil —
que mon père voit et entend —
Qu’il se promène
dans la splendeur et la joie là-haut.
Qu’ils le retrouveront dans quelque temps —
Je ne peux rien faire d’autre
que de laisser libre cours à mon chagrin
dans le jour qui pointe
et le jour qui décline
Je reste assis solitaire
avec des millions de souvenirs…
autant de millions de poignards
qui me déchirent le coeur —
et mes plaies sont béantes
(Edvard Munch)
Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Edvard Munch), béant, chagrin, coeur, cours, croire, déchirer, décliner, entendre, faire, frère, joie, jour, laisser, là-haut, libre, maison, million, mort, oie, père, plaie, poignard, pointer, quelque temps, rester, rien, se promener, se retrouver, soeur, solitaire, sommeil, souvenir, splendeur, tante, voir | 4 Comments »
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Gabriela Mistral
CHOSES
A Max Daireaux.
J’aime les choses jamais eues,
avec celles que je n’ai plus.
Je palpe une eau silencieuse,
étale sur des prés frileux,
frissonnant sans la moindre brise,
dans un clos qui fut mon enclos.
Je la vois comme la voyais,
une étrange pensée me vient
et je joue, lente, avec cette eau,
comme avec poisson ou mystère.
Je pense au lieu où j’ai laissé
des pas joyeux que je n’ai plus
et sur le seuil, vois une plaie,
pleine de mousse et de silence.
Je cherche un vers que j’ai perdu
et que m’avait dit à sept ans
une femme faisant le pain,
dont je vois la bouche bénie.
Un parfum défait en rafales
m’apporte bonheur quand il vient,
si ténu qu’il n’est pas parfum,
et c’est l’odeur des amandiers.
Il redonne enfance à mes sens,
je lui cherche un nom et ne trouve
et flaire l’air et les villages,
en quête d’amandiers absents.
J’entends tout près une rivière;
je l’entends depuis quarante ans :
c’est le murmure de mon sang,
ou quelque rythme à moi donné;
ou bien l’Elqui de mon enfance,
que je remonte et passe à gué,
jamais perdu, coeur contre coeur,
nous allons comme deux enfants.
Lorsque je rêve de mes Andes,
j’avance par des défilés
où me parvient un sifflement,
presque une conjuration.
Je vois à ras de Pacifique
mon archipel violet sombre,
avec l’île qui m’a laissé
une âcre odeur d’alcyon mort.
Un dos, un dos grave et paisible
au bout du rêve que je fais
marque la fin de mon chemin;
je m’y repose quand j’arrive.
Tronc d’arbre mort ou bien mon père
est ce vague dos couleur cendre;
je ne l’interroge ni trouble,
je me couche à côté et dors.
J’aime une pierre d’Oaxaca
ou Guatemala; j’en approche;
fixe et rouge, elle me ressemble;
la crevasse en expire un souffle.
Dans son sommeil, je la vois nue,
et ne sais pourquoi la retourne.
Je ne l’ai pas eue peut-être :
c’est mon sépulcre que je vois.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), absent, aimer, air, alcyon, aller, amandier, approcher, arbre, archipel, arriver, avancer, avoir, âcre, étaler, étrange, béni, bonheur, bouche, brise, chemin, chercher, chose, clos, coeur, conjuration, crevasse, défaire, défilé, donner, dos, eau, enclos, enfance, enfant, entendre, expirer, faire, femme, fice, fin, flairer, frileux, frissonner, grave, gué, jamais, jouer, joyeux, lent, lieu, mort, mousse, murmuré, mystère, nom, nu, odeur, pacifique, pain, paisible, palper, parfum, parvenir, pas, passer, père, pensée, penser, perdre, perdu, pierre, plaie, plein, poisson, pourquoi, pré, quête, rafale, ras, rêve, rêver, redonner, remonter, reposer, ressembler, retourner, rivière, rouge, rythme, sang, sépulcre, se coucher, sens, seuil, sifflement, silence, silencieux, sombre, sommeil, souffle, ténu, tronc, trouver, vague, venir, vers, village, violet, voir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022

HORS DE MOI
Les coeurs sont à laver
Les plaies sont enlevées
L’étoile d’araignée brille dans la serrure
Il ne reste déjà qu’une ombre
Sur le mur
Et le peu de chaleur que tu m’avais laissée
Qu’importe
On vit sans peine
Une main qui rôdait va souffler sur la plaine
Un pli noir se détend
Et la roue du soleil fait chavirer le temps
Le ciel prend l’air
Me reconnaîtras-tu
Ma peau est à l’envers
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (René Guy Cadou), araignée, à l'envers, étoile, briller, chaleur, chavirer, ciel, coeur, enlever, hors, laisser, main, moi, mur, noir, ombre, peau, peine, plaie, plaine, pli, rôder, reconnaître, rester, roue, se détendre, serrure, soleil, souffler, temps, vivre | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2022

Pour quelques-uns penchés
Sous le fardeau amer
Pour quelques-uns
Qui penseraient avoir le coeur
Brisé
L’instant s’étire
À perdre haleine
Un voile se déchire
Et montre à nu les plaies
Du ciel
Puis tout revient à l’ordre
Et c’est comme le tremblement
Des feuilles
Après une bourrasque
(Jean-Marie Barnaud)
Recueil: Sous l’imperturbable clarté Choix de poèmes 1983-2014
Traduction:
Editions: Gallimard
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Jean-Marie Barnaud), amer, bourrasque, briser, ciel, coeur, fardeau, feuille, haleine, instant, montrer, nu, ordre, pencher, penser, perdre, plaie, quelques uns, revenir, s'étirer, se déchirer, trembler, voile | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022

Illustration
9 HEURES EN MARS
Mais revoici la cuisine et son train
d’ombres cassées par la fine lumière
de mars. Le chat dort sur le frigo,
l’âme enfoncée jusqu’aux yeux
dans le gant du soleil. Dehors
le disque de la terre entre les pépiements
semble s’être arrêté : il est 9 heures.
Les prés sèchent leurs plaies
sous le drap bleu. Longue est l’attente,
et de quoi ? si rien ne manque apparemment,
pas le moindre rayon à la barre
des collines, pour maintenir à flot
ton frêle esquif dans le courant des jours.
(Guy Goffette)
Recueil: Le pêcheur d’eau
Traduction:
Editions: Gallimard
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Guy Goffette), amrs, apparemment, attente, âme, barre, bleu, casser, chat, colline, courant, dehors, disque, dormir, drap, enfoncer, esquif, fin, flot, frêle, frigo, gant, jour, long, lumière, maintenir, manquer, mars, ombre, pépiement, plaie, pré, rayon, revoici, s'arrêter, sécher, sembler, soleil, terre, train, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 2 septembre 2022
![Emilia Castaneda (16) [1280x768]](https://arbrealettres.files.wordpress.com/2013/10/emilia-castaneda-16-1280x768.jpg?w=690&h=963)
L’AU-DEDANS DE L’EN-DECA
Belle d’aube et de caresses
Bulles de fard et de fleurs
Tout ce qui fut notre ivresse
Remonte des profondeurs
Des bruyères me reviennent
Au rythme des baisers las
Est-ce ta lèvre ou la mienne
Qui brûlait cette nuit-là
Est-ce plaie ou plainte Sont-ce
Des ecchymoses de ciel
Ou les lisières de ronces
D’un météore charnel
Sais-je quand surgit le doute
Entre la sève et le sang
Ou quand s’effeuillèrent toutes
Les fleurs du buisson ardent
Etait-ce un soir de dimanche
Que la lézarde s’ouvrit
Quand je touchai sur ta hanche
Un pressentiment d’oubli
Ce qui fut à jamais passe
Au gré de l’ombre et des jours
Tes mots n’ont sur la terrasse
Qu’un lointain reflet d’amour
Etait-ce un soupçon d’abîme
Est-ce toi serait-ce moi
Qui retombait de la cime
Qu’on n’atteint jamais deux fois
Est-ce pour la trop cruelle
Loi vaine d’un vain destin
Que notre flamme éternelle
N’eut qu’un instant de matin
Je cherche et toi sais-tu qu’est-ce
Qui lie et qui délia
Au tréfonds de notre ivresse
L’en-dedans de l’au-delà
(Robert Goffin)
Illustration: Emilia Castaneda
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Robert Goffin), abîme, amour, atteindre, au-dedans, aube, bruyère, bulle, caresse, charnel, cime, délier, destin, en deça, hanche, ivresse, lézarde, lier, météore, oubli, plaie, plainte, pressentiment, profondeur, reflet, retomber, ronce, soir, soupçon, terrasse, toucher, tréfonds | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 31 juillet 2022

– Si tu passes la main hors lisière
tu risques de la perdre,
agrippée par les ébauches
des gestes inassouvis.
– Si tu glisses tes yeux hors lisière
tu risques qu’ils soient piégés
par une nuit cadenassée
la nuit de tout cela
que tu n’auras pas vu
ni voulu voir.
– Faut-il s’enliser in situ
pour habiter du vivant?
– Tu pourrais camper
dans les andains de la géographie,
t’extirper des plaies
par la grille des déchiffrements.
– Mais que sont tes mots,
sinon confusion
ou contusions de la langue?
– Tout le dedans est à exclure,
de l’ordre du dehors
pour rendre le temps réversible.
– Tu es raturé par ce que tu n’es pas
qui veut corriger ce que tu crois être.
– Parfois à l’aube, tu te couvres
du givre,
de ce qui reste informulable.
(Charles Dobzynski)
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in méditations, poésie | Tagué: (Charles Dobzynski), cadenassé, camper, confusion, contusion, dedans, enliser, extirper, geste, givre, inassouvi, lisière, main, nuit, perdre, plaie, raturer | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2022
![George Clair Tooker 1920-2011 - American Magic Realist painter - Tutt'Art@ (30) [1280x768]](https://arbrealettres.files.wordpress.com/2013/09/george-clair-tooker-1920-2011-american-magic-realist-painter-tuttart-30-1280x768.jpg?w=772&h=768)
A la grande chaleur
lorsque ceux qui ont passé les douleurs
se retrouvent face à face en haillons
vite ils se mettent nus
leur peau éblouie par le sang
ils se réchauffent à la grande chaleur
et c’est l’amour incroyable
bleu comme ton regard oublié
il rejaillit plus beau qu’autrefois
nous le buvons comme la vie
il guérit
des squames tombent de la plaie
(Martine Broda)
Illustration: George Clair Tooker
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Martine Broda), amour, ébloui, boire, chaleur, douleur, guérir, haillon, incroyable, nu, passer, plaie, rejaillir, se réchauffer, squame, vie | Leave a Comment »