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Ô, Dis-moi la vérité sur l’amour (Wystan Hugh Auden)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2022



    

Ô, Dis-moi la vérité sur l’amour

D’aucuns disent que l’amour est un petit garçon,
D’autres disent que c’est un oiseau,
D’aucuns disent qu’il fait tourner le monde,
D’autres disent que c’est absurde,
Et quand je demandai au voisin,
Qui feignait de s’y entendre,
Sa femme se fâcha vraiment,
Et dit qu’il ne faisait pas le poids.

Ressemble-t-il à un pyjama,
Ou au jambon dans un hôtel de la ligue anti-alcoolique ?
Son odeur rappelle-t-elle les lamas,
Ou a-t-il une senteur rassurante ?
Est-il épineux au toucher comme une haie,
Ou doux comme un édredon pelucheux ?
Est-il dur ou plutôt souple sur les bords ?
Ô, dis-moi, la vérité sur l’amour.

Nos livres d’histoire en parlent
Avec des petites notes ésotériques,
C’est un sujet assez ordinaire
Sur les navires transatlantiques ;
J’ai vu la question traitée
Dans le récit de suicides,
Et je l’ai même vu griffonné au dos
Des indicateurs de chemin de fer.

Hurle-t-il comme un berger allemand affamé,
Ou gronde-t-il comme une fanfare militaire ?
Peut-on l’imiter à la perfection
Sur une scie ou sur un Steinway ?
Chante-t-il sans frein dans les réceptions ?
N’apprécie-t-il que le classique ?
Cessera-t-il quand on veut la paix ?
Ô, dis-moi la vérité sur l’amour.

J’ai regardé dans la maison de vacances ;
Il n’y était même pas ;
J’essayai la Tamise à Maidenhead,
Et l’air tonique de Brighton.
Je ne sais pas ce que chantait le merle,
Ou ce que disait la tulipe ;
Mais il ne se trouvait ni dans le poulailler,
Ni sous le lit.

Peut-il faire des mimiques extraordinaires ?
Est-il souvent malade sur la balançoire ?
Passe-t-il tout son temps aux courses,
Ou gratte-t-il des bouts de cordes ?
A-t-il une opinion sur l’argent ?
Pense-t-il assez au patriotisme ?
Ses plaisanteries sont-elles vulgaires mais drôles ?
Ô, dis-moi la vérité sur l’amour.

Quand il viendra, viendra-t-il sans avertissement
Au moment où je me gratterai le nez ?
Frappera-t-il à ma porte un veau matin,
Ou me marchera-t-il sur les pieds dans l’autobus ?
Viendra-t-il comme le temps change ?
Son accueil sera-t-il aimable ou brutal ?
Bouleversera-t-il toute mon existence ?
Ô, dis-moi la vérité sur l’amour.

***

O Tell Me The Truth About Love

Some say love’s a little boy,
And some say it’s a bird,
Some say it makes the world go round,
Some say that’s absurd,
And when I asked the man next door,
Who looked as if he knew,
His wife got very cross indeed,
And said it wouldn’t do.

Does it look like a pair of pyjamas,
Or the ham in a temperance hotel?
Does its odour remind one of llamas,
Or has it a comforting smell?
Is it prickly to touch as a hedge is,
Or soft as eiderdown fluff?
Is it sharp or quite smooth at the edges?
O tell me the truth about love.

Our history books refer to it
In cryptic little notes,
It’s quite a common topic on
The Transatlantic boats;
I’ve found the subject mentioned in
Accounts of suicides,
And even seen it scribbled on
The backs of railway guides.

Does it howl like a hungry Alsatian,
Or boom like a military band?
Could one give a first-rate imitation
On a saw or a Steinway Grand?
Is its singing at parties a riot?
Does it only like Classical stuff?
Will it stop when one wants to be quiet?
O tell me the truth about love.

I looked inside the summer-house;
It wasn’t even there;
I tried the Thames at Maidenhead,
And Brighton’s bracing air.
I don’t know what the blackbird sang,
Or what the tulip said;
But it wasn’t in the chicken-run,
Or underneath the bed.

Can it pull extraordinary faces?
Is it usually sick on a swing?
Does it spend all its time at the races,
or fiddling with pieces of string?
Has it views of its own about money?
Does it think Patriotism enough?
Are its stories vulgar but funny?
O tell me the truth about love.

When it comes, will it come without warning
Just as I’m picking my nose?
Will it knock on my door in the morning,
Or tread in the bus on my toes?
Will it come like a change in the weather?
Will its greeting be courteous or rough?
Will it alter my life altogether?
O tell me the truth about love.

(Wystan Hugh Auden)

 

Recueil: Dis-moi la vérité sur l’amour suivi de Quand j’écris je t’Aime
Traduction: Gérard-Georges Lemaire et Béatrice Vierne
Editions: Du Rocher

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Rire de papillon (Katherine Mansfield)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2022




    
Rire de papillon

Au milieu de notre assiette de porridge
Se trouvait peint un papillon bleu,
Chaque matin nous cherchions à être le premier à l’atteindre.
Alors Grand-mère disait: « Ne mangez pas le pauvre papillon ».
Cela nous faisait rire.
Elle nous le disait toujours et toujours nous nous mettions à rire.
Cela semblait une si petite et douce plaisanterie.
J’étais certaine qu’un beau matin
Le papillon s’envolerait des assiettes,
Riant du rire le plus ténu du monde,
Et se percherait sur les genoux de Grand-mère.

***

Butterfly Laughter

In the middle of our porridge plates
There was a blue butterfly painted
And each morning we tried who should reach the butterfly first.
Then the Grandmother said: `Do not eat the poor butterfly. »
That made us laugh.
Always she said it and always it started us laughing.
It seemed such a sweet little joke.
I was certain that one fine morning
The butterfly would fly out of the plates,
Laughing the teeniest laugh in the world,
And perch on the Grandmother’s lap.

(Katherine Mansfield)

Recueil: Villa Pauline Autres Poèmes
Traduction: Philippe Blanchon
Editions: La Nerthe

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Au milieu de la foule (Tawara Machi)

Posted by arbrealettres sur 13 août 2019



Au brusque souvenir de ta plaisanterie
je ris sous coupe
au milieu de la foule

(Tawara Machi)

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QUAND SEUL (George Bacovia)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2019



QUAND SEUL

Quand seul je me revois…
Mon nom bientôt passera
En ce monde

Et tant d’espoirs avec…
Je me suis dit : il est tard,
O pensées,
Dans le monde !

Quand inspirée par quelque évocation
Tu croiras en quelque plaisanterie
Dite à la ronde
Ou en l’ivresse du mystère…
Je me suis dit : il est tard,
O pensées,
Dans le monde !

Et quand on n’est presque rien
Et qu’on aspire au renom,
A l’estime du monde…
Il est trop tard, désormais…
Je me suis dit : il est tard,
O pensées,
Dans le monde !

(George Bacovia)

Illustration: George Hunter

 

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TROMPERIE (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2019




TROMPERIE

1
Printemps. Le matin est ivre de soleil,
Plus net le parfum des roses sur la terrasse,
Le ciel a plus d’éclat qu’une faïence bleue.
Le cahier est relié en maroquin très souple,
J’y lis des stances et des élégies,
Qui furent écrites pour ma grand-mère.

Je vois le chemin jusqu’à la grille, les bornes
Se détachent en blanc sur l’émeraude du gazon.
Oh! ce coeur est plein d’un amour exquis, aveugle.
Et quelle joie! ces couleurs, dans les massifs,
Et dans le ciel le cri aigu du corbeau noir,
La voûte du cellier au profond de l’allée.

2
Le vent souffle chaud, étouffant.
Le soleil brûle les mains.
La voûte de l’air sur la tête,
On dirait un verre bleu.

Odeur sèche des immortelles
Dans ma tresse qui se défait.
Sur le tronc rugueux du sapin
Une route pour les fourmis.

Reflets paresseux sur l’étang.
Vie légère, comme jamais…
Aujourd’hui j’ai cru voir quelqu’un
(Mais qui?) dans le hamac léger.

3
Soir bleu. Les vents sont apaisés,
La lumière veut que je rentre.
Qui est là? Devine… un fiancé?
Et pourquoi pas mon fiancé ?…

Sur la terrasse une silhouette familière,
On parle, mais très doucement.
Oh, je n’avais jamais éprouvé jusqu’ici
Une langueur si séduisante.

Les peupliers frémissent d’inquiétude,
Visités par des rêves de tendresse
Le ciel est couleur d’acier bruni,
La pâleur des étoiles est mate.

Je tiens un bouquet de giroflées blanches.
Elles cachent un feu secret, pour brûler
Celui qui les prendra de mes mains timides,
En effleurant ma paume tiède.

4
J’ai écrit des mots
Que longtemps je n’ai pas osé dire.
Le mal de tête m’engourdit,
Mon corps est comme insensible.

Le cor au loin s’est tu, mon coeur
Ressasse les mêmes énigmes,
Une légère neige d’automne
A recouvert le terrain de croquet.

Les feuilles bientôt ne frémiront plus !
La pensée bientôt oubliera ses tourments.
Je ne voulais pas être une gêne
Pour ceux dont le devoir est de se divertir.

J’ai pardonné à ces lèvres rouges
Leur cruelle plaisanterie…
Vous viendrez nous voir demain
En foulant aux pieds la première neige.

On allumera des bougies,
De jour leur éclat est plus doux,
On apportera un bouquet
De roses cueillies dans l’orangerie.

(Anna Akhmatova)

 

 

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Le melon (Marc-Antoine Girard de Saint-Amant)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2018



 

Le melon

(extraits)

Quelle odeur sens-je en cette chambre ?
Quel doux parfum de musc et d’ambre
Me vient le cerveau réjouir
Et tout le coeur épanouir ?
Ha ! bon Dieu ! j’en tombe en extase :
Ces belles fleurs qui, dans ce vase,
Parent le haut de ce buffet,
Feraient-elles bien cet effet ?
A-t-on brûlé de la pastille ?
N’est-ce point ce vin qui pétille
Dans le cristal, que l’art humain
A fait pour couronner la main
Et d’où sort, quand on en veut boire,
Un air de framboise à la gloire
Du bon terroir qui l’a porté
Pour notre éternelle santé ?

Non, ce n’est rien d’entre ces choses,
Mon penser, que tu me proposes.
Qu’est-ce donc ? je l’ai découvert
Dans ce panier rempli de vert :
C’est un MELON, où la nature,
Par une admirable structure,
A voulu graver à l’entour
Mille plaisants chiffres d’amour,
Pour claire marque à tout le monde
Que, d’une amitié sans seconde,
Elle chérit ce doux manger
Et que, d’un souci ménager,
Travaillant aux biens de la terre,
Dans ce beau fruit seul elle enserre
Toutes les aimables vertus
Dont les autres sont revêtus.

… Ha ! Soutenez-moi, je me pâme,
Ce morceau me chatouille l’âme ;
Il rend une douce liqueur
Qui me va confire le coeur ;
Mon appétit se rassasie
De pure et nouvelle ambroisie,
Et mes sens, par le goût séduits,
Au nombre d’un sont tous réduits.

(Marc-Antoine Girard de Saint-Amant)

Illustration

 

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Le test d’une bonne religion (Gilbert Keith Chesterton)

Posted by arbrealettres sur 26 mars 2018



Illustration
    
Le test d’une bonne religion
est de savoir si vous pouvez faire
des plaisanteries à son sujet.

(Gilbert Keith Chesterton)

 

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LE RIEUR ET LES POISSONS (Jean de la Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2017



 

LE RIEUR ET LES POISSONS

On cherche les rieurs; et moi je les évite.
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite.
Dieu ne créa que pour les sots
Les méchants diseurs de bons mots.
J’en vais peut-être en une fable
Introduire un ; peut-être aussi
Que quelqu’un trouvera que j’aurai réussi.

Un rieur était à la table
D’un financier; et n’avait en son coin
Que de petits poissons : tous les gros étaient loin.
Il prend donc les menus, puis leur parle à l’oreille,
Et puis il feint, à la pareille,
D’écouter leur réponse. On demeura surpris ;
Cela suspendit les esprits.
Le rieur alors, d’un ton sage,
Dit qu’il craignait qu’un sien ami,
Pour les grandes Indes parti,
N’eût depuis un an fait naufrage,
Il s’en informait donc à ce menu fretin ;
Mais tous lui répondaient qu’ils n’étaient pas d’un âge
A savoir au vrai son destin ;
Les gros en sauraient davantage.
 » N’en puis-je donc, Messieurs, un gros interroger ?  »
De dire si la compagnie
Prit goût à sa plaisanterie,
J’en doute, mais enfin il les sut engager
A lui servir d’un monstre assez vieux pour lui dire
Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus
Qui n’en étaient pas revenus,
Et que, depuis cent ans, sous l’abîme avaient vus
Les anciens du vaste empire.

(Jean de la Fontaine)

Illustration: Marc Chagall

 

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Hatchepsout (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2017



Hatchepsout,

Les murs ne tombent pas
[9]

Thot, Hermès, le stylus,
la palette, le stylo, la plume endurent :

même si nos livres sont un plancher
de cendres fumantes sous nos pieds ;

même si brûler des livres demeure
le plus pervers des gestes comme

le plus vicieux
de la nature vicieuse de l’homme,

pourtant donnez-nous, crient-ils encore,
donnez-nous des livres,

folio, manuscrit, vieux parchemin
font de bonnes douilles de cartouches ;

l’ironie est une vérité amère
enveloppée dans une petite plaisanterie,

et le nom d’Hatchepsout est toujours encerclé
de ce que l’on appelle une cartouche.

***

Thoth, Hermes, the stylus,
the palette, the pen, the quill endure,

though our books are a floor
of smouldering ash under our feet;

though the burning of the books remains
the most perverse gesture

and the meanest
of man’s mean nature,

yet give us, they still cry,
give us books,

folio, manuscript, old parchment
will do for cartridge cases;

irony is bitter truth
wrapped up in a little joke,

and Hatshepsut’s name is still circled
with what they call the cartouche.

(Hilda Doolittle)

 

 

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